En moyenne, les plus diplômés se sentent mieux dans "leur" démocratie belge que les moins diplômés.

Démocratie sous pression : le Belge n’apprécie pas toujours la démocratie de la même manière (enquête Le Vif)

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Selon son niveau d’études, le Belge n’apprécie pas toujours la démocratie de la même manière. Moins diplômé, il y trouve moins son compte. Plus diplômé, il s’y sentira davantage comme un poisson dans l’eau.

«L’éducation est l’arme la puis puissante que l’on peut utiliser pour changer le monde», écrivait Nelson Mandela. En tordant un peu la citation, on pourrait observer que le niveau d’études n’est pas toujours une arme pour changer le monde. Ou, précisément, la démocratie belge. En moyenne, plus il est diplômé, plus le Belge se sent bien dans sa démocratie, en quelque sorte. Moins il l’est, moins il se satisfait du fonctionnement du régime.

Les titulaires d’un diplôme de primaire ou de secondaire inférieur sont six sur dix (59,4%) à considérer que la démocratie est en danger. Ce n’est pas beaucoup plus, en réalité, que ceux qui disposent d’un diplôme d’études supérieures (52,5%), universitaire ou non. Cependant, les écarts sont un peu plus significatifs quand il est question du sentiment de vivre en démocratie. Parmi les plus diplômés, quasiment huit Belges sur dix (77,7%) considèrent qu’ils vivent en démocratie, alors qu’ils sont six sur dix (61,7%) chez les moins diplômés. Ces derniers sont aussi un peu plus nombreux à considérer qu’ils vivent en dictature, sachant qu’au total, une proportion assez faible de la population (2,2%) affirme de manière résolue qu’elle vit dans un régime de ce type.

Les titulaires d’un diplôme du secondaire supérieur sont les plus séduits par les assemblées citoyennes.

Certaines conceptions peuvent varier sensiblement, selon le niveau d’études. Parmi ceux qui considèrent que la démocratie est en danger, tous n’identifient pas dans les mêmes proportions les menaces qui la fragilisent. Si les plus diplômés sont 51,9% à penser que l’extrême droite en représente une, les moins diplômés sont 30,5% à le considérer. Une différence importante apparaît aussi autour de la désinformation: 53,4% chez les premiers et 21,8% chez les seconds. A l’inverse, la migration est perçue comme une menace chez 45,1% des titulaires d’un diplôme de primaire ou secondaire inférieur, alors que c’est le cas chez 29,1% chez les détenteurs d’un diplôme d’études supérieures. Les différences sont moins marquées à propos d’éléments comme la religion, le dérèglement climatique ou l’extrême gauche.

Les sondés ont par ailleurs été invités, parmi une série de propositions, à sélectionner lesquelles constituent pour eux une base essentielle de la démocratie. Les plus diplômés ont systématiquement été plus nombreux à cocher des propositions, avec manifestement une plus haute considération pour des principes tels que la séparation des pouvoirs, le respect de la liberté de la presse, la souveraineté du peuple ou le multipartisme. Ainsi, 55,9% des plus diplômés cochent la séparation des pouvoirs, contre 29,3% chez les moins diplômés. Et ils sont respectivement 67,8% et 33,6% à estimer que l’élection de représentants par les citoyens est une base essentielle de la démocratie.

Il apparaît donc que les moins diplômés se retrouvent un peu moins que les autres dans les principes démocratiques censés prévaloir en Belgique. L’envie d’autre chose se fait sentir. Tous niveaux d’études confondus, 16,5% des Belges considèrent que notre système démocratique «fonctionne généralement bien tel qu’il est». A vrai dire, sur cette question, la différence se marque davantage du point de vue du genre: 22,3% des hommes se satisfont du système, mais les femmes ne sont que 12,4% à s’exprimer en ce sens, ce qui fournit un indice sur qui se sent un peu comme un poisson dans l’eau à l’intérieur de la démocratie belge.

Par contre, les personnes disposant d’un moindre niveau d’études sont 17,4% à penser qu’elle devrait être supprimée et remplacée par un système plus autoritaire. Mais les titulaires d’un diplôme du secondaire supérieur sont 10,2% et les titulaires d’un diplôme supérieur sont 6,5% à le penser. Le taux d’approbation de cette idée passe quasiment du simple au triple.

La question se pose dès lors de savoir qui souhaite quel mode de fonctionnement. Quand on demande aux Belges quel serait le moyen le plus efficace pour diriger le pays, les moins diplômés sont moins nombreux (31,5%) que les plus diplômés (44,3%) à opter pour une coalition de plusieurs partis. Une option qui recueille un certain assentiment est le vote de toutes les lois par référendum: c’est le choix privilégié de 25,3% des diplômés du primaire ou secondaire inférieur, mais de 13,3% des personnes ayant effectué des études supérieures.

Pour faire entendre sa voix, les personnes les plus diplômées ont tendance à privilégier les chemins institutionnels. Voter est utile pour 71,7% des plus diplômés mais pour 60,4% de ceux qui le sont moins. Se présenter comme candidat l’est pour respectivement 28,1% et 13,3% des deux catégories de répondants. Et adhérer à un parti politique, pour 20,3% et 9,3% d’entre eux.

Quelquefois, mais pas toujours, la tendance est inverse lorsque les solutions évoquées rompent avec les institutions en place. Les personnes au niveau d’études le plus élevé apprécient plus que les autres les référendums autour des grandes questions de société. Celles de la catégorie intermédiaire, titulaires d’un diplôme du secondaire supérieur, sont les plus séduites par les assemblées citoyennes. En revanche, l’idée que les élus pourraient être désignés par tirage au sort ne séduit qu’un quart de la population mais bien davantage chez les moins diplômés (32,8%) que chez les plus diplômés (18,5%), qui sont les mieux représentés dans les assemblées parlementaires.

Les répondants ayant obtenu un diplôme de l’enseignement supérieur se montrent un peu moins «disruptifs». Si 70,8% de ceux qui ont un avis sur la question considèrent que la démocratie est le système politique le plus efficient, 23,7% trouvent que le pouvoir devrait être exercé par un leader fort, sans l’influence d’un Parlement, par exemple. L’écart est bien moindre auprès de la catégorie au niveau d’études le moins élevé: 54,3% trouvent que la démocratie est la plus efficiente et 46% privilégieraient le leader fort.

(1) Enquête réalisée par l’institut Kantar du 4 au 8 septembre 2023 auprès de 1 012 Belges âgés de 18 ans ou plus, avec une marge d’erreur de 3,1 %.

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