Démocratie sous pression: 4 Belges sur 10 ne veulent plus du vote obligatoire (enquête Le Vif)
Le principe de l’obligation est rejeté par une part significative de la population. Si elle n’était plus en vigueur, un Belge sur deux déclare qu’il irait quand même voter.
Cette demi-douzaine de mots est inscrite dans l’article 62 de la Constitution. «Le vote est obligatoire et secret», certes, mais cette affirmation n’en fait pas moins l’objet de questionnements, qui soulèvent à chaque fois leur lot d’arguments contradictoires. Lors du dernier scrutin fédéral, en 2019, quelque 8,2 millions d’électeurs étaient inscrits, mais presque un million d’entre eux n’ont pas fait le déplacement. En soustrayant encore les votes blancs et nuls, seuls 6,8 millions de votes valables ont finalement été comptabilisés. La Flandre a choisi d’en finir avec l’obligation pour les élections communales, l’an prochain. Le débat reviendra nécessairement au-devant de l’actualité un jour, en d’autres Régions ou à d’autres niveaux de pouvoir.
Dans leur ensemble, selon les résultats de l’enquête «La démocratie sous pression», les Belges ne défendent qu’avec peu d’ardeur ce principe constitutionnel. Lorsqu’il leur est demandé s’ils sont en phase avec l’idée que «le vote ne devrait plus être obligatoire», 9,9% répondent qu’ils ne savent pas et 42,6% déclarent qu’ils sont tout à fait ou plutôt d’accord. Ils ne sont pas beaucoup plus nombreux à affirmer l’opinion inverse, puisque 47,5% ne sont plutôt ou pas du tout d’accord avec la proposition.
Les Belges, peu nombreux à défendre le vote obligatoire
Cette tendance se manifeste avec une certaine homogénéité ; les résultats du sondage ne font pas apparaître de grande ligne de fracture. Il est vrai que les Flamands (44%) sont un peu plus nombreux à l’affirmer que les Wallons (41,1%) et les Bruxellois (38,6%). Et que les plus de 65 ans (38,3%) sont moins nombreux à le penser que les autres tranches d’âge. Mais dans l’ensemble, quatre Belges sur dix approuvent le principe de la fin du vote obligatoire, qu’ils soient tout à fait (19%) ou plutôt (23,6%) d’accord.
Savoir s’ils voteraient en cas de non- obligation est une autre question. On peut parfaitement être favorable à la fin de l’obligation mais estimer que l’on se rendrait tout de même aux urnes si c’était facultatif. Il semble d’ailleurs que ce soit le cas d’une partie de la population. En effet, plus de la moitié des Belges déclarent qu’ils iraient voter, ce qui est évidemment bien moindre que le taux de participation actuel. Précisément, c’est la phrase «S’il n’y avait pas de vote obligatoire, je ne voterais pas» qui leur a été soumise. Quelque 11,5% répondent qu’ils ne savent pas. Mais 35,7% ne sont pas du tout d’accord et 20,6% ne sont plutôt pas d’accord avec l’idée, ce qui fait un total de 56,3%. Moins de personnes l’approuvent: 13,7% sont tout à fait d’accord et 18,5% le sont plutôt, soit 32,2% au total.
Là, davantage que sur la question du maintien ou non de l’obligation dans l’absolu, des différences apparaissent à l’intérieur des catégories de population établies par le sondage. Elles sont régionales, dans une certaine mesure: 39,2% des Bruxellois n’iraient pas voter, c’est davantage qu’en Wallonie (35%) et en Flandre (29,5%). Surtout, la sensibilité varie d’une tranche d’âge à l’autre, les personnes des générations les plus anciennes étant plus attachées au déplacement dans l’isoloir que les plus jeunes. Ainsi, seuls 16,7% des plus de 65 ans déclarent qu’ils n’iraient pas voter s’il n’y avait pas d’obligation, tandis que 74,4% ne sont plutôt pas d’accord ou pas du tout d’accord avec cette proposition. Le contraste avec les 18-34 ans est assez net. Au sein de cette tranche d’âge, il se trouve autant de Belges qui n’iraient pas voter (45,3%) que ceux qui le feraient (46,6%).
Une dictature ou une coalition de partis pour gouverner la Belgique?
Assez logiquement, une majorité de personnes qui iraient voter se disent par ailleurs en faveur d’un système politique dirigé par une coalition de partis, en vigueur en Belgique. On peut supposer que celles-là ne remettent pas fondamentalement en question le système électoral – ou le système dans son ensemble. A l’inverse, les tenants d’un gouvernement à parti unique et les quelques-uns qui plaident pour une dictature déclarent majoritairement qu’ils n’iraient pas voter.
L’enquête établit encore qu’un Belge sur trois (33%) estime que les immigrés doivent avoir les mêmes droits que les autochtones, y compris concernant le droit de vote. Une proportion similaire (31,6%) de Belges estiment en revanche que les personnes porteuses d’un handicap mental ne devraient pas avoir le droit de vote, avec une intrigante divergence de vue communautaire sur le sujet. Chez les francophones, 41,5% des répondants sont plutôt ou tout à fait d’accord avec l’idée de ne pas leur accorder le droit de vote, alors que les néerlandophones sont 23,8% à le penser.
Des formules sont évoquées, sous forme d’alternatives aux scrutins tels qu’ils se déroulent aujourd’hui, cherchant la plupart du temps à transformer une démocratie représentative que l’on dit à bout de souffle. Dans quelle mesure nos concitoyens adhèrent-ils à quelques-unes de ces propositions? L’idée selon laquelle le vote blanc devrait se refléter par des sièges vides au Parlement est approuvée par un Belge sur deux (50,3%).
De quoi peut-être faire rêver le Parti Blanco, formation qui cherche à assurer une représentativité du vote blanc dans les assemblées. Un Belge sur quatre (25,9%) est plutôt ou tout à fait d’accord avec la proposition de choisir les élus par tirage au sort, les aînés et les personnes les plus diplômées étant moins enthousiasmés par cette idée que la moyenne. Les référendums organisés par les élus sur les grandes questions de société séduisent davantage de monde: sept Belges sur dix (69,1%). Et s’ils sont organisés sur base d’une initiative citoyenne, ces référendums convainquent autant de Belges (69,9%). Un peu moins d’un sur deux (46,9%), enfin, considère que les assemblées parlementaires devraient être remplacées par des assemblées citoyennes ouvertes à tous.
(1) Enquête réalisée par l’institut Kantar du 4 au 8 septembre 2023 auprès de 1 012 Belges âgés de 18 ans ou plus, avec une marge d’erreur de 3,1 %.
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