De «couillons» à probables partenaires de coalition: comment le PS et le PTB se sont rapprochés
En quelques mois, le PTB est devenu fréquentable aux yeux du PS. Irrités par le MR, les socialistes ont mis leur menace à exécution. Anatomie d’un réchauffement.
«Il faut voter pour des partis qui prennent leurs responsabilités et pas pour des couillons comme ceux du PTB». Voilà les mots de Paul Magnette, président du PS, prononcés sur le plateau de la RTBF, mi-mars, lors d’un débat entre présidents de parti. Moins de sept mois plus tard, en bureau national de parti tenu ce lundi matin, le clan socialiste aurait finalement donné son accord aux sections locales pour former des coalitions locales avec les communistes. De la haine à l’amour, il y a donc sept mois. Pourquoi ?
«Le MR a réussi à polariser, à être toujours dans la surenchère, et finalement à pousser le PS vers le PTB.»
Martin Georges
Doctorant en philosophie politique à l’Université de Liège et collaborateur scientifique du Centre d’histoire et sociologie des gauches.
Un PTB comme menace… ou comme plan B
Un premier constat: à en croire La Libre, les socialistes n’ont pas donné un blanc-seing à des coalitions de gauche à tous les étages. A Seraing, où les socialistes souhaitent ouvrir leur majorité absolue, la bourgmestre souhaiterait se tourner vers un autre parti.
A Mons, Forest ou Schaerbeek, les échanges à gauche se font lorsque ceux avec la droite s’éternisent. Le PTB était brandi par le PS comme une menace. Une menace qu’il a mis à exécution et qui lui permet d’ailleurs de conserver l’écharpe mayorale.
«Le PS a toujours été un parti pragmatique», analyse d’abord Martin Georges, collaborateur scientifique du Centre d’histoire et sociologie des gauches, et rédacteur en chef de la Revue Politique, qui vient de publier un numéro sur les coalitions locales de gauche. Au contraire du MR qui s’est, selon lui, isolé. «Le MR a réussi à polariser, à être toujours dans la surenchère, et finalement à pousser le PS vers le PTB.»
Pascal Delwit, politologue à l’ULB et spécialiste de la gauche, abonde et prend Mons pour exemple. «La polarisation et l’exacerbation y était exceptionnelle, cela restait difficile pour la Liste du Bourgmestre d’aller en coalition avec le MR. Nicolas Martin ne fait pourtant pas partie de l’aile gauche du PS.»
Un PTB calmé
Le 13 octobre au soir, Molenbeek devenait un laboratoire de la gauche. Catherine Moureaux était la première bourgmestre à annoncer ouvrir le dialogue avec les communistes. Les mots autrefois durs se sont apaisés et les négociations semblent avancer bon train, chacun jugeant l’autre raisonnable. C’était justement sur ce point, les exigences du PTB, que les discussions bloquaient par le passé. Le PTB s’est-il, dès lors, adouci ?
«Tout parti qui veut grandir, réformiste ou révolutionnaire, doit faire preuve de pragmatisme, appuie Martin Georges. L’enjeu n’est pas de faire la révolution mais de montrer qu’on est un partenaire sérieux.» Puis, pour grandir, il faut encore se créer des bastions, c’est-à-dire de dépasser le coup d’éclat et se créer une base sur la durée.
«Il n’y a pas de demandes exubérantes du PTB, poursuit Pascal Delwit. La volonté politique de monter dans des majorités communales annoncée lors du dernier congrès rend le parti peu exigeant dans les négociations.» D’autant plus que, pour l’heure, le parti de Raoul Hedebouw reste second, et y compris dans le rapport de force, dans toutes les communes où il est en négociations.
Une base PTB-compatible… ou un Magnette coincé
Enfin, les différents membres du bureau de parti auront peut-être entendu l’appel de leur base électorale qui, idéologiquement parlant, est plus proche du PTB que de n’importe quel autre parti. Martin Georges en sait quelque chose: à Forest, il a participé à «Forest à gauche», un mouvement citoyen poussant les différentes listes de gauche à travailler ensemble. «Il y a une pression venant d’une grande partie de l’électorat PS, qui ne comprendrait pas que les socialistes préfèreraient s’allier avec le MR. […] Et la force du Parti socialiste belge, c’est de n’avoir jamais totalement tourné le dos à sa base.»
Sur ce point, Pascal Delwit livre une autre analyse et y voit, avant tout, un Paul Magnette dans ses petits souliers. «Les élections du 9 juin étaient un séisme pour le PS. Et beaucoup en interne l’incombent au président. Sa marge de manœuvre est aujourd’hui limitée et je vois mal Paul Magnette dire quoi faire à Nicolas Martin ou Ahmed Laaouej. Ils voudraient les empêcher de discuter avec le PTB qu’il n’en aurait pas les leviers.»
Reste que se mettre d’accord n’est pas tout. Faut-il encore gouverner. Si des exécutifs de gauche se mettent en place, dans quelle ambiance ceux-ci se développeront? «J’ai l’impression que tout le monde veut que ça se passe bien», souffle Martin Georges. Le PS a sûrement tout à y gagner, d’autant plus qu’il a compris désormais que sa principale fuite de voix partait à sa droite.
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