Nicole De Moor © Belga

Crise de l’accueil: Nicole de Moor ne changera pas sa politique, la gauche réagit

Alors que le Conseil d’État a suspendu mercredi l’exécution de la décision de la secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration, Nicole de Moor, de ne plus offrir l’accueil aux hommes seuls demandeurs d’asile, cette dernière a annoncé que sa politique ne changera pas.

Il n’y a pas de places supplémentaires. La suspension du Conseil d’État ne signifie pas que nous avons soudainement de la place pour tout le monde. Ma politique ne changera donc pas : la priorité absolue va aux familles et aux enfants. » C’est en ces termes que le secrétaire d’État à l’Asile et la migration Nicole de Moor (CD&V) a réagi mercredi, via X (ex-Twitter) à la décision du Conseil d’État de suspendre l’exécution de la décision de plus offrir l’accueil aux hommes seuls demandeurs d’asile.

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Dans une réaction envoyée à l’agence Belga, elle dit toutefois comprendre que le Conseil d’État affirme que chacun a droit au logement. « Ceci est et reste une décision temporaire que j’ai prise pour garantir qu’il y ait suffisamment de places pour les familles et les enfants », rappelle-t-elle. « Je continuerai à travailler sur le logement, mais je ne cesse de répéter que le logement à lui seul n’est pas la solution« , complète la secrétaire d’État. « De nombreuses personnes arrivent encore en Europe sans avoir besoin de protection. Des personnes continuent de se rendre dans notre pays même si elles ont reçu une protection dans un autre pays. »

Et d’ajouter: « au cours de l’année écoulée, tout le monde a constaté qu’ouvrir des centres n’est pas chose facile. Cent places vont bientôt ouvrir à Grimbergen, mais, hier, il y avait 260 personnes à la porte. Même si j’ai 100 départs par jour, j’ai toujours besoin d’un centre comme Grimbergen quotidiennement. Cela ne me semble pas réaliste d’en ouvrir un tous les jours. Le système tel qu’il est aujourd’hui fait qu’il y a des violations partout en Europe. Nous devons résoudre ce problème et cela ne peut se faire uniquement avec le logement. »

Trois fronts

Le 1er septembre, elle avait indiqué, lors d’une conférence de presse organisée à l’issue du conseil des ministres et en présence du Premier ministre Alexander De Croo, que l’instruction était maintenue et qu’un plan hivernal avait été présenté. Nicole de Moor avait indiqué travailler sur trois fronts.

Tout d’abord, activer les canaux diplomatiques pour aboutir à un pacte européen sur la migration d’ici la fin de la législature, soit pendant la présidence belge de l’Union européenne qui aura lieu au premier semestre 2024. Ensuite, travailler sur les sorties des centres d’accueil. Enfin, créer des places supplémentaires, notamment dans des campings, ou des résidences pour jeunes non utilisées pendant les mois d’hiver. La coopération avec le privé et la création de centres satellites plus petits et situés près des centres Fedasil a aussi été évoquée.

Le monde politique réagit

Au sein de la majorité fédérale, Petra De Sutter s’était opposée à l’instruction émise par Nicole de Moor. Par rapport à la décision du Conseil d’Etat, elle estime que « c’était attendu, mais c’est à présent écrit noir sur blanc« , réagit l’écologiste. « En même temps, je veux souligner qu’un tel arrêt n’offre aucun abri. Et c’est cela qui compte pour nous. Je suppose que Mme de Moor fait tout ce qui est en son pouvoir pour éviter que des personnes ne doivent dormir dans la rue cet hiver. »

« Cette décision du Conseil d’État est logique et je la qualifierais même de bienvenue par rapport à une directive que j’estime problématique depuis le départ et que les écologistes ont refusé de cautionner de quelque façon que ce soit », a commenté mercredi Georges Gilkinet, vice-Premier ministre Ecolo. « Mais ce qui compte à présent, c’est que la situation s’améliore sur le terrain. Nous avons convenu il y a dix jours avec les membres du gouvernement de nous retrousser les manches et de dégager des solutions nouvelles pour assurer l’accueil de celles et ceux qui y ont droit cet hiver », rappelle-t-il. « J’en appelle tous mes collègues du gouvernement et à tous les niveaux de pouvoir, notamment toutes les communes du pays, pour apporter leur contribution par rapport à ce que le Conseil d’État, après d’autres juridictions, vient de nous rappeler comme étant une obligation légale au-delà d’être morale ».

De son côté, le vice-Premier ministre PS Pierre-Yves Dermagne appelle à « travailler tous ensemble » pour trouver des places d’accueil. « L’arrêt du Conseil d’État confirme ce que nous avons toujours dit à propos de l’instruction unilatérale de Nicole de Moor », réagit Dermagne. « Il s’agit maintenant de travailler tous ensemble pour arriver à trouver suffisamment de places d’accueil », ajoute-t-il.

La décision de de Moor contestée

La secrétaire d’État à l’Asile et la Migration, Nicole de Moor, avait annoncé à la fin août que ces hommes seuls ne seraient plus accueillis temporairement dans le réseau Fedasil. Elle entendait de la sorte anticiper « ‘l’afflux croissant de familles et d’enfants pour éviter absolument que des enfants ne se retrouvent à la rue en hiver ». Le Conseil d’État juge, à ce stade de la procédure, que cette décision ne respecte pas le droit à l’accueil conféré à tous les demandeurs d’asile par la loi du 12 janvier 2007.

La décision a été vivement contestée, dans le monde politique par une partie de la gauche et par plusieurs acteurs associatifs qui ont saisi en urgence le Conseil d’État (Ligue des droits humains, Cire, Ordre des barreaux francophones, Plateforme citoyenne d’hébergement, etc.). A leurs yeux, cette instruction communiquée le 24 août à Fedasil par la secrétaire d’État risquait à terme de priver des milliers de personnes d’une place d’accueil et de les contraindre à se retrouver dans la rue.

L’État belge a essayé de faire valoir qu’il avait conclu une convention avec un autre partenaire pour lui confier l’accueil de cette catégorie de demandeurs. Selon lui, ceux-ci ne sont donc pas exposés au risque grave invoqué par les requérants. « La loi du 12 janvier 2007 ne permet pas à la partie adverse de priver du droit à l’accueil une catégorie de demandeurs d’asile, constituée par les hommes seuls, pour résoudre les difficultés auxquelles elle indique être confrontée », a jugé le Conseil d’Etat qui a ordonné l’exécution immédiate de l’arrêt.

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