Schaerbeek, Mons, Forest… Pourquoi le PS ne force pas des majorités de gauche
Dans plusieurs communes du pays, une union des gauches est arithmétiquement possible. Le PS y a la main, mais semble regarder vers le centre ou la droite. Pascal Delwit décrypte.
Le Parti Socialiste annonçait ce jeudi soir l’ouverture d’un dialogue avec le PTB à Schaerbeek, où la formation d’une majorité locale oppose socialistes et libéraux quant au poste de bourgmestre. Presque deux semaines après les élections, les socialistes agitent le drapeau rouge pour la première fois… Sans pour autant avoir provoqué un séisme dans les coulisses des différents négociateurs.
Reprenons. A Schaerbeek, les partis de gauche (PS, PTB, Ecolo) rassemblent 25 sièges sur 47. Pareil à Anderlecht. A Ixelles, 26 sur 43. A Saint-Gilles, 30 sur 35. A Molenbeek, 25 sur 45. A Forest, centre de l’attention cette semaine, 25 sièges sur 37 reviennent aux trois partis de gauche. Et si l’on sort de Bruxelles, le trio de gauche regroupe 28 sièges sur 45. Seraing, où le PS a une majorité absolue un peu courte pour gouverner six ans, compte 31 sièges sur 39 à gauche. A Herstal, 28 des 35 sièges sont occupés par des membres de la liste de Frédéric Daerden ou du PTB.
Et pourtant, dans toutes les communes précitées à l’exception de Molenbeek où l’arithmétique ne laisse que peu d’autres options, une majorité «la plus progressiste possible» rassemblant des partis de gauche exclusivement, n’est pas garantie. Il nous revient par diverses sources locales que les socialistes se montrent très timides dans les négociations avec les autres partis de gauche. «Si les socialistes peuvent éviter de monter avec le PTB, ils le feront. A Bruxelles comme en Wallonie», assure Pascal Delwit, politologue de l’ULB.
Ouvrir la porte au PTB par endroits, c’est montrer que le PS a des possibilités que le MR et Les Engagés n’ont pas.
Pascal Delwit, politologue à l’ULB.
Hégémonie
Pourquoi donc ne pas sauter sur l’occasion de créer des localités ancrées à gauche, trois mois après des élections fédérales qui ont vu une vague bleue déferler sur des régions historiquement plutôt rouges ? «Le PS voit le PTB comme un parti qui immunise les voix de gauche face à la droite et au MR», rappelle Pascal Delwit. Pourtant, à l’issue des élections de juin, le Cevipol constatait que 7,2% des électeurs socialistes avaient préféré le PTB, alors que 10,3% avaient voté Engagés, et 8,4% pour le MR.
«Mais à Forest, où la gauche fait 68% des voix, le PS ne peut pas ignorer le score des deux autres partis. Si le PS applique la même stratégie à Bruxelles (NLDLR: où la gauche réunissait 29 sièges sur 49 mais où les socialistes se sont associés avec le MR), la base électorale du PS ne l’oubliera pas de si tôt.»
Reste le cas Molenbeek. Où les socialistes sont, arithmétiquement parlant, obligés de s’associer avec le PTB… Ce qui arrange bien tout le monde. «Catherine Moureaux est peut-être la socialiste qui écoute le moins Ahmed Laaouej (NDLR: le président de la fédération bruxellois du PS), au vu de leur relation tendue. Elle peut jouer sa partition, celle de rester bourgmestre. (…) Et puis il faut quand même donner quelque chose au PTB.»
Car s’il est question d’asseoir son hégémonie à gauche, l’enjeu est aussi de montrer que le PS garde la dragée haute dans le paysage politique national. «Ouvrir la porte au PTB par endroits, c’est montrer que le PS a des possibilités que le MR et Les Engagés n’ont pas», souligne Pascal Delwit.
Stratégie
On l’a dit, le vent n’a pas soufflé en faveur d’une coalition des gauches, en juin dernier. Une majorité PS-Ecolo-PTB n’aurait, selon Pascal Delwit, pas de quoi ouvrir le champ des possibles. «Il est clair que les majorités communales MR-Engagés auront plus de facilités à se faire entendre par la région que les majorités PS-PTB-Ecolo.»
C’est, peut-être, un argument qui peut refroidir les socialistes. «Dès la campagne, le PS et Ecolo ont annoncé dans les communes bruxelloises qu’il n’y aurait pas de marge à faire sur la politique fiscale», qui est pourtant l’un de chevaux de bataille du PTB.
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La gauche francophone est peut-être sans s’en rendre compte à un tournant, en cette fin 2024. «Pour le PS, il faut se poser la question « que faire » du PTB ? Les maintenir dans l’opposition, et continuer l’argumentaire du vote perdu, on se souvient des mots de Paul Magnette et de son « couillons » jeté au PTB. Ou les faire monter en majorité… Et le message est brouillé.»
Depuis 2018, Zelzate aussi était souvent considéré comme ce laboratoire de gauche ou Vooruit et le PVDA (le pendant flamand du PTB) collaboraient. Et cette collaboration n’a pas marqué l’arrêt de mort du socialisme local, loin de là, puisque Vooruit a gagné 17 points et quatre sièges sur cette législature. Le PVDA, lui, a essuyé un recul d’un siège (et 1,1%).
Le PS prend donc le pari, mesuré, de préférer d’abord de poursuivre le travail avec d’autres partis que le PTB et Ecolo. Pourtant, entre 2019 et 2024, les électeurs socialistes ont marqué un attachement plus à gauche sur le plan idéologique. C’est le pari, moins mesuré, que prend le parti par rapport à ceux-ci. Il s’avérera payant, ou non, en 2029.
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