Thomas Dermine, tête de liste PS à Charleroi. © Belga

Résultats élections communales 2024: à Charleroi, Thomas Dermine bourgmestre sur un «mur rouge» deux fois plus gros que la vague bleue

Le Vif

A Charleroi, le PS fait mieux qu’en 2018 et consolide sa majorité absolue, qu’il ouvrira aux Engagés, sous le maïorat de Thomas Dermine. Voici les résultats détaillés, par listes et par candidats, en infographies.  

C’est fait. Paul Magnette ne sera plus bourgmestre. Il reste pourtant le Carolorégien le plus populaire, avec 12 080 voix de préférence, soit la moitié de son résultat d’octobre 2018. Mais il se retire, comme prévu, au profit de Thomas Dermine (11 360 voix de préférence). L’échevine Julie Patte, malgré une très grosse récolte (7582 voix), n’a pas pu rivaliser avec le secrétaire d’Etat et futur bourgmestre.

Les élections législatives et régionales du 9 juin ont tout changé en Wallonie. Jusqu’à la transmission du pouvoir dans le plus grand parti de la plus grande ville de Wallonie, le Parti socialiste. Paul Magnette est bourgmestre de Charleroi depuis 2012 mais ne souhaitait pas, depuis longtemps, le rester. Il est président du Parti socialiste depuis 2019 mais désire le rester. Les résultats de ces élections communales, à Charleroi mais aussi ailleurs, l’autorisent à l’assouvissement de ce désir.

La défaite du 9 juin, conjuguée à ces désirs respectifs de retraite et de maintien, l’ont forcé à céder la première place sur la liste socialiste à Thomas Dermine le 13 octobre, et d’ainsi programmer en successeur au maïorat carolo celui qui devait, si la défaite socialiste n’avait pas été si violente en juin, se retrouver à la tête d’un ministère régional wallon, peut-être même à l’Elysette. Thomas Dermine ne pouvait pas être ministre wallon d’une majorité sans le PS, il ne se voyait pas député wallon d’opposition, Paul Magnette lui proposa son maïorat, il accepta la proposition, mais réclama la tête de liste, Paul Magnette manœuvra, en interne, pour qu’il l’obtint, aux dépens de l’échevine Julie Patte, à qui la succession était plus ou moins promise jusqu’à ce funeste 9 juin socialiste. La manœuvre avait culminé d’efficacité lors d’une séance de Comité des sages qui fait, aujourd’hui, partie de l’histoire politique carolorégienne.

Thomas Dermine, lancé dans sa campagne, savait-il, alors, que sa proposition d’occuper la première place de la liste socialiste serait la dernière proposition d’une campagne où il dut presque uniquement composer? Le projet socialiste et le programme de Thomas Dermine s’effacèrent rapidement derrière la promesse d’un renouveau qui ne pouvait pas renier un héritage, celui de Paul Magnette, troisième de la liste et socialiste le plus apprécié, de loin. Cette ambiguïté fondatrice, couplée aux réticences de la vieillissante machine du parti, forcèrent donc le candidat bourgmestre à composer bien plus qu’à proposer. Composer avec cette machine réticente et vieillissante, d’abord. Mais aussi avec des adversaires gonflés d’ambition depuis le 9 juin, qui forcèrent Thomas Dermine et le PS à concéder, au fil des semaines, de plus en plus de terrain symbolique. La halte nautique, à couler dans la Sambre, a déjà presque sombré. Maladroitement baptisée marina et combattue depuis longtemps par le PTB, elle fit les frais, la première, de ces concessions tactiques de Thomas Dermine. La fin de la fonction de bouwmeester, cet architecte en chef installé il y a une décennie par Paul Magnette, était réclamée par l’échevin sortant Eric Goffart, tête de liste des Engagés. La non-reconduction, au terme de l’actuel mandat, exigée par tous les partis sauf le PS et Ecolo, fut comme actée, en direct, lors du débat de Télésambre par Thomas Dermine. Et de manière générale, plus inquiets de la percée annoncée du MR que de la bonne fortune bien connue du PTB, Thomas Dermine et les siens se seront avant tout désolidarisés des positions, qu’ils avaient pourtant défendues solidairement depuis six ans, de l’échevin écologiste Xavier Desgain, sur qui se sont concentrées à peu près toutes les critiques de forme et de fond ces dernières années, critiques que le PS a récupérées récemment: si le Parti socialiste carolo a survécu à la vague électorale droitière, c’est en sacrifiant cet écosocialisme qui lui fut, un temps, si cher. Et, avec eux, le partenaire écologiste que Paul Magnette s’était amusé à substituer au MR, dans sa majorité, en 2018: Ecolo perd toute représentation au conseil communal de la métropole du Pays Noir pour la première fois depuis les années 1980. Et Xavier Desgain, conseiller communal depuis 1982 (à Montigny-le-Tilleul d’abord, à Charleroi ensuite), termine ici sa longue carrière politique.

Le MR, lui, avait doublé son score aux régionales et aux législatives, entre 2019 et 2024, sur le territoire de Charleroi. Il fait presque aussi bien aux communales, passant de 11,20% en 2018 à 19% en ce 13 octobre carolo, dont il est un vainqueur électoral. Sa liste était tirée par Anthony Dufrane (6326 voix de préférence), libéral récent, ancien député et échevin socialiste, et collaborateur, jusqu’au printemps dernier, de Thomas Dermine. Très populaire, très affable, fort rendant service comme on dit à Charleroi, ce fils d’un dirigeant socialiste des années 1990 a composé une équipe très offensive, avec les députés Nicolas Tzanetatos (2407 voix de préférence), Denis Ducarme (1333 voix) et Olivier Chastel (896 voix), mais aussi avec à peu près tous les cafetiers de la place de la Digue, avec des candidats DéFI, avec une vedette du volley-ball, avec un bodybuildeur d’une droite musclée, avec une influenceuse mariée à un footballeur très connu qui devait lui aussi participer au scrutin, mais qui ne le put pas, parce qu’il est français et qu’il ne s’était pas inscrit à temps. La très dynamique campagne d’affichage réformatrice, bien abondée par les fonds du parti national, soucieux de promouvoir également la tête de liste à la province dans le district de Charleroi, Lucie Demaret, a aussi porté ses fruits. Bien davantage que les débats publics ou télévisés, dans lesquels Anthony Dufrane, souvent stressé, ne brilla pas.

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Le MR, comme dans d’autres grandes et petites municipalités, a capitalisé sur la colère, celle de classes supérieures et moyennes lassées de l’éternelle domination socialiste. Il a également profité de l’absence, inédite depuis des décennies, de formations de la droite de la droite qui, ensemble, ramassent traditionnellement entre dix et quinze pourcents des voix de Carolorégiens en colère contre la vieille machine socialiste. Mais pas tant que les libéraux l’espéraient.

Le MR est donc un vainqueur électoral du scrutin carolo. Mais un vainqueur en demi-teinte. Il a fait moins de voix à Charleroi le 13 octobre que le 9 juin, alors qu’il n’y avait aux communales pas de liste Chez Nous, et que les candidats DéFI avaient rejoint ses listes. Le PTB, dont les vraies figures de proue locales, Sofie Merckx et Germain Mugemangango, se sont effacées au profit de la jeune, tonique mais encore méconnue, Pauline Boninsegna, plafonne. A un haut niveau mais sans, en fait, de grandes perspectives de croissance futures. MR et PTB, ces deux principales formations réceptrices de la colère des Carolos, auront animé la campagne de cette révolte, et elles se sont de ce fait éloignées du pouvoir. Ce n’est pas neuf pour le PTB, qui a poursuivi son travail de conscientisation politique, c’est relativement inédit pour le MR, qui voulait se rendre incontournable. C’est raté. Ça l’était dès avant l’ouverture des bureaux de vote. Le partenaire naturel du MR, sous le nouveau ciel azur wallon, l’échevin Eric Goffart (Les Engagés), avait même solennellement exclu de s’associer à un Anthony Dufrane en décomposition, sur le plateau de Télésambre, quatre jours avant l’élection communale. Les Engagés, à coup sûr, seront associés aux socialistes, pour le premier mandat de Thomas Dermine comme bourgmestre de Charleroi.

1. Communales 2024: les résultats à Charleroi

Résultats par listes

Les voix de préférence par candidats

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