© Noé, Roxie et Snow sont les stars sur les affiches de leur maître.

Pourquoi tant d’animaux sur les affiches électorales: «Le chien de Bouchez, c’est le nœud papillon de Di Rupo»

Sylvain Anciaux

Les affiches des candidats aux élections communales sont parfois ternes. Cette année, la mode est de se faire accompagner par son animal de compagnie pour se démarquer. Une stratégie payante… A condition qu’elle soit cohérente.

Scrutin communal sous tension, à Lobbes. Après une législature où la majorité a volé en éclats et le siège maïoral changé de propriétaire, le dimanche 13 octobre sera électrique pour cette commune du Hainaut. Au milieu de cette campagne haletante: Snow. Un chat blanc qui prend la pose à côté de Sandrine Duvivier Colpo, candidate-bourgmestre sur la liste MR. Et si le félin était l’arme secrète qui offrirait le sacre aux libéraux ? «Ce n’est pas un stratégie, assure celle qui est également Déléguée Générale au Bien-être animal pour le cabinet du Ministre-Président wallon, Adrien Dolimont (MR). Ni même un outil de communication, mais bien de la sensibilisation.» A travers cette affiche, elle espère ouvrir les yeux des électeurs sur les adoptions d’animaux impulsives, et amener les débats sur la stérilisation, la vaccination, et la sécurité routière pour les animaux dans sa commune.

Snow n’est pas le seul animal à apparaitre sur des affiches politiques, cette année. A Mons, Pascal Lafosse (PS), vétérinaire, pose avec Noé, un Montagne des Pyrénnées. «On a aussi essayé avec notre Maine coon, mais ces chats ont un regard perçant, un peu glaçant, on s’est dit que ce serait plus sympa avec le chien.» A Woluwe-Saint-Lambert, Adeline Westerling s’affiche avec son chien Roxie, qu’elle présente même comme colistière. «Comportementaliste animalier, j’ai fait le choix de cette photo parce que ça avait du sens. Roxie est en permanence avec moi. Dans la commune, elle est plus connue que moi.»

Outil de démarcation

Pour le professeur de communication politique à l’ULB et Sciences Po Paris Nicolas Baygert, cette invasion animalière sur les affiches politiques est une arme redoutable pour se faire remarquer à l’heure où les affiches électorales se ternissent. «Aux élections communales, on a souvent affaire à des inconnus. […] On constate un déficit de créativité depuis quelques années. Les affiches ressemblent de plus en plus à des photos de classe. La présence d’un animal peut attirer l’attention et rendre l’affiche mémorable.»

Dans des communes plus petites, au sein desquelles les parti portent parfois des noms inconnus, la démarcation par un animal sert aussi à faire ressortir certaines valeurs. «Il y a des partis qui ont une charte de valeurs bien implantée dans l’imaginaire collectif. On pense au Vlaams Belang, au PTB, à Ecolo, on sait quelles valeurs viennent en premier. « Liste du Bourgmestre« , par exemple, ça ne reflète pas grand chose.» En clair, l’apparition d’un chien ou d’un chat vient aussi masquer le manque d’informations croissant sur les affichages électoraux.


Attention cependant à l’écœurement par effet de mode, alerte le président de l’Union Wallonne pour la Protection Animale (UWPA), Gaëtan Sgualdino. «On n’a même plus l’impression que c’est démarquant. Ce vendredi, c’est la journée mondiale des animaux et depuis ce matin ça n’arrête pas sur les réseaux sociaux. Tout le monde politique publie des photos avec des animaux.» Sur les affiches en bord de route comme sur Facebook, le président de l’UWPA n’est pas réticent à ce que des élus posent à côté de leur bête à poils, mais pas à n’importe quelle condition. «Il faut distinguer ceux qui communiquent, et ceux qui suivent les recommandations des professionnels du bien-être animal. Pour ça, je ne peux que conseiller aux électeurs de lire le programme afin de vérifier s’il y a de vraies mesures ou si les propositions en la matière se résument à quelques lignes.»

Parce qu’en matière de bien-être animal, les communes sont aussi compétentes. Le port de la muselière sur certains périmètres, la stérilisation des chats errants, les aides à l’adoption et l’autorisation ou non de cirques avec animaux rentrent notamment sous les règlements communaux. Créée en 2018, l’UWPA a justement largement conseillé de nombreux échevins sur la question.

Une utilisation différente selon le statut

Justement. Qu’est-ce que ce changement de style dans la communication politique dit de notre société ? «La cause animale prend de plus en plus d’importance sur le plan politique, note Nicolas Baygert. Le dernier gouvernement flamand a adopté de nombreux textes sur le sujet. […] Les animaux sont de plus en plus considérés comme faisant partie de la famille. Il y a une dimension populaire, authentique.»

Pour Georges-Louis Bouchez, par exemple, son petit chien peut désamorcer le côté agressif qui lui est imputé.

Nicolas Baygert, professeur de communication politique à l’ULB et Sciences Po Paris

La justification est-elle la même pour les grosses cylindrées de la politique belges comme Georges-Louis Bouchez ou Sammy Mahdi qui ont l’habitude de poser à côté de leur chien ? Que du contraire. Si le candidat lambda cherche à se démarquer, les présidents de partis, eux, essayent de ressembler au mieux à leurs électeurs potentiels. «Il y a dans cette stratégie un facteur attendrissant, analyse Nicolas Baygert. Cela s’avère toujours payant et ça participe à l’image de marque de la personnalité. Pour Georges-Louis Bouchez, par exemple, son petit chien peut désamorcer le côté agressif qui lui est imputé.»

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Les animaux sont donc brandis cette fois comme un élément de maîtrise. Si l’homme politique a le temps d’avoir un chien, c’est qu’il maîtrise sa fonction, doit-on comprendre en substance. «C’est un peu comme un processus de dédiabolisation, conclut Nicolas Baygert. On est dans l’intimité du personnage politique, on fait ressortir la douceur à travers un élément décalé. Le petit chien de Bouchez, c’est le noeud-papillon d’Elio di Rupo.»

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