Elections communales 2024: ce que les présidents de partis ont dans la tête à trois jours du 13 octobre

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Les communales seront un moment important de la vie des présidents du MR, des Engagés, du PS, du PTB, d’Ecolo, et de DeFI car ils y ont souvent des ambitions personnelles.

Maxime Prévot et la prolongation du silence

Mettez-vous à sa place une seconde. Tout le monde l’aime, là, mais personne ne s’est encore demandé pourquoi. Depuis douze ans, Maxime Prévot est le bourgmestre de la plus belle ville de Wallonie, et le président du meilleur mouvement de Belgique. Ce n’est pas un parti, parce que c’est un mouvement horizontal et participatif qu’il l’a fondé tout seul en 2021 et où il y décide de tout depuis. A Namur, depuis 2006, il décide de tout aussi, avec le MR et Ecolo mais sans le PS. Le 9 juin dernier, il a gagné car ses nouveaux électeurs, très nombreux, aspirent au changement, parce que les gens en ont marre. Mais le changement auquel aspirent ses nombreux nouveaux électeurs n’est peut-être pas tout à fait le changement qu’il mettra en œuvre avec le MR, mais sans le PS et sans Ecolo en Wallonie, à Bruxelles, et au fédéral. Alors mieux vaut ne pas trop expliquer en quoi consistera ce changement. Parce qu’on dit qu’un état de grâce, en politique, ça dure 100 jours, et que le 13 octobre sera tout de même déjà 126 jours après le 9 juin, Maxime Prévot, il se tait. Enfin, il parle, Maxime Prévot, mais il ne dit rien. Il se défend, par rapport à ce qu’on dit qu’il va faire. Il reporte à plus tard ce qu’il fera vraiment. Il élude sur tout. Sur son avenir à Namur, sur les réformes de l’enseignement, sur les économies dans les soins de santé, et il y parvient. Il doit prolonger ce profitable silence encore quelques jours. Et après? Il pourra faire ce qu’il veut, après, et ça devrait fonctionner. Maxime Prévot va pouvoir profiter de l’hostilité entre PS et MR pour récupérer une province perdue depuis longtemps, le Hainaut, ou rentrer avec l’un ou l’autre dans les grandes villes dont son parti avait presque disparu, sauf dans la sienne, la plus belle. Il pourra aussi choisir qui il prendra à Namur. Et choisir comment il partira de Namur au fédéral, où on dit qu’il sera ministre de l’Intérieur.

Georges-Louis Bouchez et la prolongation du bruit

Mettez-vous à sa place une seconde. Georges-Louis Bouchez est le meilleur. Tout le monde l’envie, et ceux qui ne sont pas d’accord avec lui ne sont que des jaloux. Comme il est le meilleur, il gagnera des voix partout par rapport à 2018, qui était une catastrophe. Donc à Mons, il gagnera tout en restant dans l’opposition au PS; à Charleroi, il gagnera tout en restant dans l’opposition au PS; à Namur, il gagnera en restant au pouvoir sans le PS; à Liège, il gagnera en restant au pouvoir avec le PS. Bref, il gagnera partout, parce qu’il est le maître du jeu, et que c’est lui qui en édicte les règles, et que sa règle est que la politique est une campagne permanente, et qu’une campagne permanente, c’est du bruit en toutes circonstances. Sa liste à Mons, comme celle de 2018, comme toutes celles qu’il a pu composer, aligne les candidats à usage unique, des recrues qui font du bruit, et qui écrasent celles des scrutins précédents: cette année, un repris de justice condamné pour trafic de drogue, une animatrice de télévision à la place d’une autre qui n’a pas pu y être, etc., etc. Comme dans un jeu vidéo dont le héros doit appuyer son saut sur un édifice qui s’effondre pour accéder au plateau supérieur, Georges-Louis Bouchez prend ces communales comme une occasion de prolonger ce bruit politique qui lui est si profitable. Il promeut sur les réseaux sociaux des «listes anti-PS» dans des communes où son parti est au pouvoir avec le PS depuis des décennies, et ça fait du bruit; il dit qu’il faut chasser le PS de partout, et ça fait du bruit, tout en disant ne pas être opposé à s’allier avec le PS à Mons, et ça fait du bruit. Si on le contredit, c’est qu’on est un jaloux, et ça fait du bruit aussi. Dans les grandes villes, surtout à Mons, Charleroi, Bruxelles, son but n’est pas de gagner assez pour y prendre le pouvoir, mais de prendre de la place pour rester dans l’opposition alors que son parti a gagné. Parce que plein de conseillers d’opposition feront beaucoup plus de bruit que quelques échevins au pouvoir.

Paul Magnette s’ennuie à Charleroi, et il est bien content d’en partir.

Paul Magnette et la prolongation de l’ennui

Mettez-vous à sa place une seconde. Paul Magnette est le bourgmestre de la pire ville de Wallonie depuis douze ans, et il est président du pire parti de Belgique francophone depuis cinq ans. Tout le monde l’ennuie. Il s’ennuie depuis douze ans au collège communal, ses collègues socialistes sont tellement ennuyeux, des gars de la base, des dames du rang, des universitaires qu’il est allé à chaque fois chercher dans les autres partis –il y en a même un chez Les Engagés qui a fait l’ENA. Mais bref, Paul Magnette s’ennuie à Charleroi, et il est bien content d’en partir. Mais même si, au fond, son parti l’ennuie presque autant que sa ville, il doit maintenir son parti dans les villes pour pouvoir continuer à s’ennuyer au parti –et de ça, il a besoin. A Charleroi, le MR a obtenu 20% des suffrages le 9 juin, et il devrait faire mieux le 13 octobre parce qu’il n’y aura pas de liste Chez Nous (5% le 9 juin), et que DéFI (3%) est sur la liste MR, avec un ancien député PS, une populaire influenceuse, plein de cafetiers et de restaurateurs, un motocycliste célèbre, une grande volleyeuse et Denis Ducarme. Mais le PS devrait faire au moins aussi bien que le 9 juin (36%), il fera sans doute mieux et ça sera assez, comme à Mons d’ailleurs, dont Paul Magnette n’hésitera pas à faire autant de symboles, le soir du 13 octobre. Symboles de son départ du maïorat de Charleroi mais aussi de son prochain maintien à la présidence du PS. Il en faudra bien, des symboles, et surtout ces deux-là, pour masquer la très prochaine frustration qui sourdra des couches intermédiaires du parti, puissantes et déjà énervées, si dans les communes tout aussi intermédiaires, à Soignies, Waremme, Ath ou Bruxelles, ou dans les provinces et en particulier la sienne (si on transpose les résultats du 9 juin dans le Hainaut, une majorité MR-Les Engagés est possible au conseil provincial), le PS est fragilisé, voire jeté dehors. Parce que là, Paul Magnette n’aura plus le temps de s’ennuyer.

Raoul Hedebouw et la prolongation de la discrétion

Mettez-vous à sa place une seconde. Presque tout le monde l’a oublié, en Wallonie, depuis le 9 juin. Raoul Hedebouw est le président liégeois d’un parti national en pleine croissance en Flandre et à Bruxelles, mais qui a perdu plein de voix en Wallonie. Avant le 9 juin, se posait partout la question du pouvoir; Raoul Hedebouw rusait un peu, il ne voulait pas y aller, au pouvoir régional, parce qu’il comptait vraiment y aller au pouvoir communal après, en Wallonie dans les grandes villes et à Bruxelles dans plusieurs communes. Depuis le 9 juin, plus personne ne parle trop de majorités avec le PTB dans les grandes villes wallonnes. Même pas vraiment le PTB, qui n’a déposé de liste complète que dans dix communes francophones, et qui ne présente de toute manière des listes communales (29 en Wallonie et à Bruxelles) que là où le PS est encore vaguement fort, ce qui, mécaniquement, affaiblira ce dernier et embêtera Paul Magnette dans la prolongation de son ennui. Mais le PTB est un parti plus national que jamais, et dans la grande ville flamande, Anvers, c’est autre chose depuis le 9 juin. Le PVDA y est devenu deuxième parti derrière la N-VA. Jos D’Haese, sa tête de liste, jeune et pleine de succès sur les réseaux sociaux, fait du bruit et Raoul Hedebouw aussi. Ils se disent candidats au maïorat, mais les socialistes ne veulent pas d’eux, et eux-mêmes, au fond, n’en veulent pas non plus. Parce que malgré sa nordique victoire du 9 juin, le PVDA n’a perdu des voix, en Flandre, entre 2019 et 2024, que dans la commune où il est en majorité depuis 2018, à Zelzate. Et que Raoul Hedebouw a pu conserver sur ce point une certaine discrétion. Une discretion qu’il a bien en tête, lui.

A Huy et surtout ailleurs, Samuel Cogolati attendra longtemps qu’on l’appelle. Si tant est qu’il attende qu’on l’appelle.

Samuel Cogolati et la prolongation de l’attente

Mettez-vous à sa place une seconde. Tout le monde le fuit, Samuel Cogolati, un peu comme sa coprésidente Marie Lecocq, parce que tout le monde fuit les écologistes depuis leur défaite du 9 juin, tant que les autres leur attribuent même leur propre défaite –allez demander au PS s’ils sont toujours fiers de leur écosocialisme, pour voir. Samuel Cogolati pousse la liste Huy en Commun, un cartel avec DéFI. Mais à Huy et surtout ailleurs, il attendra longtemps qu’on l’appelle. Si tant est qu’il attende qu’on l’appelle, le soir du 13 octobre, pour discuter d’éventuelles alliances. Lorsqu’il a été élu coprésident avec Marie Lecocq en juillet dernier, alors que l’appareil avait convenu que les bourgmestres et échevins ne pouvaient se présenter à cette coprésidence, Samuel Cogolati a été placé en attente. Les deux jeunes capitaines écologistes doivent donc attendre le lendemain du 13, que la mer se soit définitivement retirée après la vague verte de 2018-2019. Ils doivent espérer conserver quelques bureaux à Ixelles, Ottignies-Louvain-la-Neuve, Amay, et garder de solides positions à Bruxelles-Ville, Forest, Saint-Gilles, mais personne ne leur reprochera la défaite du 13 octobre programmée dès le 9 juin. Ce n’est qu’alors que Samuel Cogolati et Marie Lecocq seront parfaitement à l’aise pour attendre la prochaine vague, celle des années en 9, celle des électeurs, et celle des appels.

Sophie Rohonyi et la prolongation de son parti

Mettez-vous à sa place une seconde: elle n’en a presque plus. Et ses camarades bourgmestres pourraient tous la perdre, leur place.

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