À la fin de l’année 2022, les communes décidées à maintenir l’éclairage public entre minuit et cinq heures du matin se comptaient sur les dix doigts de la main ou presque. © PHOTOPQR/LA NOUVELLE REPUBLIQUE/

De plus en plus de communes rallument l’éclairage public la nuit: «On ne fait pas d’économies sur la sécurité»

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

L’essentiel

• De plus en plus de communes rallument l’éclairage public la nuit, deux ans après avoir décidé de l’éteindre.

• La pression vient souvent des citoyens, qui associent absence d’éclairage à cause d’insécurité.

• Les études ne le démontrent pas, ce qui laisse penser que cette marche arrière serait surtout électoraliste.

• L’extinction des feux permet de faire des économies variables.

Fin 2022, une grande majorité des communes wallonnes avaient éteint les lumières la nuit, pour limiter la hausse spectaculaire du prix de l’électricité. À deux mois des élections communales, un nombre croissant d’entités font machine arrière.

À la fin de l’année 2022, les communes décidées à maintenir l’éclairage public entre minuit et cinq heures du matin se comptaient sur les dix doigts de la main ou presque. Deux ans plus tard, alors que le scrutin local approche à grand pas, les bras manquent pour répertorier les entités qui laissent les lumières allumées la nuit.

La commune de Jurbise, dirigée par Jacqueline Galant (MR), ne les a jamais éteintes tout au long de cette période. «La sécurité a toujours été une priorité. Et l’éclairage public, qui augmente le sentiment de sécurité, en fait partie. Je ne voulais pas économiser là-dessus, c’était une demande claire des habitants de ma commune», évoque celle qui est également ministre en Région wallonne et à la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Pourquoi Jurbise a maintenu l’éclairage public la nuit

«C’est vrai que le lien entre éclairage et criminalité n’est pas avéré, reconnait Jacqueline Galant. Par contre, la zone de police est très contente de ces caméras, qui permettent de résoudre un grand nombre d’affaires.» © BELGA

La libérale fait partie des rares bourgmestres à avoir installé un système de caméras de surveillance «moderne et performant» sur son territoire, système de fait inefficace si l’éclairage public est éteint durant la nuit. «C’est vrai que le lien entre éclairage et criminalité n’est pas avéré, reconnait Jacqueline Galant. Par contre, la zone de police est très contente de ces caméras, qui permettent de résoudre un grand nombre d’affaires.»

«La sécurité a toujours été une priorité. Je ne voulais pas économiser là-dessus»

Jacqueline Galant (MR), bourgmestre de Jurbise

Pour la maïeure de Jurbise, la tendance actuelle des communes à rallumer l’éclairage public la nuit tient en un mot: électoralisme. «Il n’y a jamais eu de cohésion sur ce dossier. À l’époque, les communes voulaient faire des économies. Sauf qu’un grand nombre d’entre elles bénéficient d’un éclairage LED, déjà très économe». Alors pourquoi ce changement soudain? «Parce qu’ils écoutent enfin les demandes des gens», argumente la ministre.

Une décision motivée par l’électoralisme?

C’est l’opérateur Ores qui est à l’initiative de l’extinction nocturne des feux publics © BELGA/BELPRESS

Une source proche d’Ores – qui est à l’initiative de l’extinction nocturne des feux publics – confirme les dires de l’élue MR. «La mesure se justifiait lorsque les prix de l’électricité ont explosé, car l’éclairage public constitue ce qui pèse le plus sur la facture énergétique des communes. Mais aujourd’hui, on constate que le sujet est utilisé par les uns et les autres comme argument dans le contexte des élections communales». Selon cette source, le débat ne tourne plus autour d’un allègement des finances locales, mais bien de l’aspect sécuritaire du dossier.

Début août, la commune de Pont-à-Celles, dans la région de Charleroi, a également décidé de rétablir l’éclairage public entre minuit et cinq heures du matin. «Plusieurs dizaines de voitures ont été vandalisées la même nuit, rapporte le bourgmestre Pascal Tavier (PS). L’événement a fait grand bruit dans la commune. Que ce soit sur les réseaux sociaux ou sur le terrain, les gens m’ont accusé à cause de l’absence d’éclairage nocturne sur l’entité. Pourtant, l’ensemble du conseil communal était derrière cette décision.»

«D’après les chiffres, l’extinction des feux la nuit n’a pas mené à une augmentation de la criminalité sur notre territoire.»

Pascal Tavier (PS), le bourgmestre de Pont-à-Celles

Éteindre l’éclairage public la nuit n’augmente pas la criminalité

Pascal Tavier: «C’est la police qui nous a encouragé à le faire, car elle a constaté un sentiment d’insécurité grandissant à Pont-à-Celles». © BELGA PHOTO NICOLAS MAETERLINCK

Ce fait divers s’est produit alors que l’élu socialiste venait de recevoir un rapport encourageant de la part de sa zone de police. «D’après leurs chiffres, l’extinction des feux la nuit n’a pas mené à une augmentation de la criminalité sur notre territoire. Au contraire, les agents ont constaté un léger tassement de celle-ci sur cette période.»

Pascal Tavier assure que, sans ce fait divers, le collège communal (PS-MR-Ecolo) n’aurait pas fait marche arrière. «C’est la police qui nous a encouragé à le faire, car elle a constaté un sentiment d’insécurité grandissant à Pont-à-Celles». Rejetant les accusations d’électoralisme, le bourgmestre pointe d’autres communes, sans toutefois les citer. «Certains ont décidé d’arrêter l’éclairage public la nuit en réalisant qu’ils pourraient faire des économies. Maintenant que ce n’est plus le cas, ils rallument tout. De notre côté, nous avions suivi des études et avis d’experts montrant que la mesure favorisait le développement de la biodiversité.» À l’avenir, Pascal Tavier aimerait qu’il y ait plus d’entente entre les communes pour accorder leurs décisions en la matière.

Pour rappel, Ores laisse trois possibilités aux entités wallonnes:

  • Continuer à éclairer les rues la nuit sept jours sur sept, comme l’a fait Jurbise par exemple, «option qui n’engendre aucun changement par rapport aux consommations de 2021»
  • Une extinction des feux entre minuit et cinq heures du matin toute la semaine, «option qui engendre une économie de consommation de 4% à 40% en fonction de la commune».
  • Une extinction des feux entre minuit et cinq heures du matin sauf le weekend et lors des jours fériés/événements particuliers, «option qui engendre une économie de consommation de 3% à 30% en fonction de la commune».

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