Décret Paysage: pour Georges-Louis Bouchez, le PS et Ecolo ont « débranché la prise » du gouvernement de la FWB
Après de longs et houleux débats, le parlement la FWB a voté la 2ème mouture du décret PS-Ecolo, grâce à l’appui du PTB. La majorité PS-Ecolo-MR est au point mort. Le ministre-président, Pierre-Yves Jeholet (MR), considère son gouvernement comme étant désormais «en affaires courantes». Georges-Louis Bouchez, président des libéraux, estime que le PS et Ecolo « ont débranché la prise » du gouvernement.
La majorité, en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), n’a pas fait que trébucher sur le décret Paysage, elle s’y est bien cassé les dents. La commission de l’Enseignement supérieur du Parlement de la Fédération a validé dans la nuit de mardi à mercredi la proposition de décret amendée du duo PS-Ecolo, leur acte de « traîtrise » envers le partenaire libéral.
Après cette décision controversée, le ministre-président de la FWB, Pierre-Yves Jeholet (MR), a déclaré ce matin qu’il considérait désormais son gouvernement comme étant « en affaires courantes« . Ce vote, réformant le décret sans l’aval des libéraux est « un coup de poignard du PS et d’Ecolo », a commenté Pierre-Yves Jeholet auprès de Belga. « Ce vote est une trahison et une déloyauté, avec l’appui de l’extrême-gauche ».
A la tête de l’arc-en-ciel depuis septembre 2019, le ministre-président qualifie la situation actuelle de vrai « gâchis » vu le travail abattu par la majorité tout au long de cette législature.
A ses yeux, PS et Ecolo ont cédé à « la loi de la rue » dans ce dossier et agi par « démagogie », « pour des raisons électoralistes » et « joué sur les peurs sur base de chiffres mensongers avancés par la FEF (fédération des étudiants francophones, ndlr) ». « L’enseignement supérieur se réveille groggy ce matin, avec la gueule de bois », estime-t-il encore.
Selon lui, la proposition validée dans la nuit, fruit d’un « amateurisme inquiétant du PS et d’Ecolo », va créer une grande « insécurité juridique » et provoquer la « désorganisation des établissements supérieurs ».
« On dit agir pour le bien des étudiants, mais on leur vend du rêve! Le message envoyé à la veille des examens est catastrophique en leur disant que rater des crédits, ce n’est finalement pas si grave… ».
Majorité alternative avec le PTB
Retour à la journée d’hier. Le vote a eu lieu vers 2h00 du matin: les élus ont validé la dernière mouture de la proposition PS-Ecolo, par 8 « oui » (PS, Ecolo, PTB) et 5 « non », venant du MR et des Engagés. Les débats ont été houleux, et l’attitude du PTB, depuis l’opposition, a finalement été déterminante: les élus communistes ont, après le rejet de leur propre proposition, soutenu celle des socialistes et écologistes. Ce qui a permis de contourner le refus du MR, opposé à toute modification à court terme du décret Paysage.
Ce décret organise l’enseignement supérieur et entre autres la « finançabilité » des étudiants. Un étudiant finançable est assuré de pouvoir s’inscrire, car l’établissement d’enseignement supérieur qui lui donne cours reçoit des subsides pour ce faire.
En 2021, les critères ont été resserrés. Pour ceux qui ont débuté leur parcours supérieur en 2022, le nouveau système était déjà d’application. Pour ceux qui étaient déjà dans le supérieur à ce moment-là, il s’applique à la rentrée prochaine. Et c’est là que ça coince, surtout depuis qu’ont circulé des chiffres faisant état de milliers d’étudiants à risque d’exclusion. Des chiffres qui restent théoriques, car il faudrait attendre la session d’examen de septembre pour en avoir le cœur net.
Le PS et Ecolo avaient, il y a deux grosses semaines, proposé de geler pendant un an les règles de finançabilité, pour éviter toute situation imprévue. Mardi, le jour-même du vote, ils avaient « affiné » leur position, la voulant « ciblée » et « temporaire » dans ses ajustements des règles de finançabilité. Il s’agissait donc de remédier à l' »urgence », pour la rentrée prochaine, avant d’aborder une réforme plus en profondeur lors de la législature prochaine.
Le texte PS-Ecolo prévoit que les étudiants qui ont débuté dans le système « Marcourt » et étaient inscrits et finançables cette année « sont réputés finançables en vue de leur inscription dans le même cursus » l’année prochaine. La règle des 60 premiers crédits à engranger en deux ans maximum est assouplie à 45 crédits, pour la rentrée prochaine. Le critère de la réussite d’un programme annuel (PAE) de 45 crédits minimum est abandonnée. L’étudiant aurait également davantage de temps pour se réorienter: il a droit à deux inscriptions supplémentaires s’il se réoriente, même s’il a déjà passé deux ans sur une première année.
Le MR d’une part, Les Engagés d’autre part, n’ont pas manqué mardi de critiquer certains éléments de la proposition PS-Ecolo qui ne sont pas « temporaires »: l’abandon des 45 crédits minimum du PAE (« ça fait consensus », a rétorqué Martin Casier pour le PS), et le point sur les réorientations. Autre élément qui interpelle: l’ajout d’un financement « unique et exceptionnel » pour les établissements d’enseignement supérieur, d’environ 5 millions d’euros au total, pour l’année prochaine. Cela ne pourra passer en plénière qu’après avis du gouvernement sur la faisabilité d’une telle dépense.
Les débats, usants, ont en tout cas tourné à la foire d’empoigne entre libéraux et PS-Ecolo. Les premiers ont multiplié les interventions et questions, parfois sur un texte qui n’était déjà plus d’actualité (la proposition initiale PS-Ecolo), occupant par exemple le micro durant plus de deux heures juste après l’exposé initial des textes. La manœuvre, jusque dans la nuit, a provoqué l’irritation du reste de l’assemblée. « Depuis le début de cette journée, vous faites de l’obstruction », s’est insurgée l’élue PTB Amandine Pavet. « Cela ressemble vraiment à un cirque ».
Les Engagés, qui avaient appelé à une « sortie par le haut » du blocage de la majorité avec leur propre proposition (via des amendements au texte PS-Ecolo), ont constaté à la fin de la séance « la mort clinique de la majorité« . PS et Ecolo « ont préféré donner du pouvoir au PTB plutôt que de s’allier à notre proposition constructive », regrettent Benoît Dispa et Michel de Lamotte. « En route vers une nouvelle majorité? »
« C’est une trahison, une déloyauté totale »
« C’est une trahison, une déloyauté totale », a réagi exclamée la ministre Françoise Bertieaux (MR) au micro de Bel-RTL et de la Première. Aux yeux de la ministre francophone de l’Enseignement supérieur, les partenaires de majorité des libéraux en Fédération Wallonie-Bruxelles se sont lancés « dans une fuite en avant électorale » en faisant passer une « réforme improvisée, mal ficelée qui sera préjudiciable aux établissements et aux étudiants ». Elle redoute que les sessions d’examen de fin d’année ne se transforment en « chaos ».
La réunion de gouvernement prévue ce mercredi matin avec un long agenda à son ordre du jour a sans surprise tourné court vu la crise politique. Jeudi dernier, l’exécutif fédératif n’avait déjà pu prendre aucune décision politique vu les vives tensions autour du décret Paysage.
« Il y a encore un gouvernement puisque dans les entités fédérées, les gouvernements ne tombent pas comme au fédéral, mais il y a un gouvernement qui est dans l’impossibilité de fonctionner dans la loyauté et la confiance au vu de ce qui s’est passé cette nuit », a poursuivi la ministre libérale sur la chaîne privée. D’autres dossiers doivent encore être approuvés d’ici la fin de la législature. « Je ne sais pas comment imaginer qu’il y a la moindre confiance pour les faire passer puisqu’on ne sait jamais si un partenaire viendra avec une majorité alternative ». La proposition de décret, qui est passée en commission au parlement grâce à l’abstention du PTB, doit encore être soumise à la séance plénière. « Tant que ce n’est pas passé en plénière, je continue à examiner les moyens d’arrêter ce train fou lancé dans le brouillard, mais il faut reconnaître que le train est bien lancé », a-t-elle ajouté.
Pour Georges-Louis Bouchez, PS et Ecolo ont « débranché la prise » du gouvernement de la FWB
Le président du MR, Georges-Louis Bouchez, juge que PS et Ecolo ont « débranché la prise » du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles en s’alliant la nuit dernière avec l’opposition PTB pour amender le décret Paysage.
« Les propos (tenus par les ministres PS et Ecolo qui disent qu’il est possible de continuer de travailler, ndlr) sont hallucinants », a-t-il commenté lors du journal télévisé de RTL-TVI.
« Ils essaient de faire croire qu’ils vont continuer de travailler alors qu’ils ont débranché la prise. En politique, il faut assumer ses actes et prendre ses responsabilités », a dénoncé le Montois.
Pour le chef de file des libéraux, la FWB s’est réveillée ce mercredi matin avec une coalition PS-Ecolo-PTB qui, selon lui, serait centrée sur l’échec et le chômage. Le bras de fer actuel sur le décret Paysage révèlerait en effet l’opposition de deux conceptions différentes de l’enseignement supérieur, selon lui.
Avec pour la gauche, une conception de l’université comme « une pêche aux canards où tous les inscrits repartent avec un cadeau (leur diplôme) ». Et puis celle du MR, « où un diplôme universitaire se mérite, où on doit montrer qu’on a des acquis, où on attend une certaine expertise ».
Pour M. Bouchez, les changements validés par la majorité alternative PS-Ecolo-PTB vont par ailleurs engendrer un surcoût de 35 millions d’euros à charge des établissements supérieurs l’année prochaine, alors que ces mêmes partis n’ont prévu de mobiliser que 5 millions supplémentaires, a-t-il encore pointé. « Je ne sais pas comment les établissements universitaires vont faire. Les grands perdants, ce sont les étudiants et les établissements de l’enseignement supérieur ».