Bruxelles, communes PS, hip-hop : comment la ministre de l’Education Caroline Désir attribue ses subsides
En tant que ministre de l’Education en Fédération Wallonie-Bruxelles, Caroline Désir a, sans surprise, largement subsidié les écoles, surtout pendant la période Covid. Mais elle a particulièrement été généreuse avec Bruxelles (sa circonscription), les communes dirigées par des socialistes et les associations liées à la laïcité.
Caroline Désir (PS) est ministre de l’Education en Fédération Wallonie-Bruxelles et habite à Ixelles, dans l’arrondissement de Bruxelles-Capitale. Depuis le début de la législature, elle a décerné 7.742 subsides facultatifs (1), pour un total de 84.638.983,69 euros.
Pour cette analyse, afin de pouvoir décrypter la répartition géographique des subsides, ceux-ci ont été divisés en deux catégories:
- ceux qui sont accordés à un bénéficiaire dont l’action n’a pas de barrière géographique (par exemple: la Fédération laïque des centres de planning familial; 10 000 euros). Ces derniers représentent 4% de la somme totale des subsides.
- ceux qui bénéficient à un récipiendaire dont l’action se situe sur une commune particulière (par exemple: la Haute Ecole Galilée à Bruxelles; 10 350 euros). Ces derniers représentent 96% de la somme totale des subsides (soit 75,5 millions d’euros). Les explications ci-dessous ne portent que sur cette catégorie.
Où vont les subsides de Caroline Désir ? Surtout à Bruxelles
Une analyse de la répartition géographique des subsides de la ministre montre que 23% de ceux-ci ont été alloués à la circonscription de la Région Bruxelles-Capitale (la sienne, donc). Cela représente un montant de 15,6 millions d’euros, soit 21% du montant total.
Pourquoi Bruxelles se taille la plus grande part ? Le cabinet de la ministre de l’Education précise d’abord que les subsides facultatifs de 2022 ne représentent qu’1% du montant total des subsides octroyés (8 millions sur un total de 758 millions d’euros). Et ajoute « qu’il est impossible d’avoir un impact sur la répartition des subsides par commune dans les budgets Education autre que celui de la répartition des populations scolaires ».
Les bénéficiaires ayant reçu le plus se situent sur les communes de:
- Bruxelles (2,8 millions d’euros)
- Schaerbeek (2,5 millions d’euros)
- et Ixelles (2,3 millions euros) ; cette commune étant également son lieu de résidence.
Par ailleurs, la proportion de subsides par habitant est la plus élevée dans les communes de Libramont-Chevigny (106,41 euros/habitant), Ouffet (94,35 euros/habitant) et La Roche-en-Ardenne (87,26 euros/habitant).
Comment l'expliquer ? A Libramont-Chevigny, la société privée Solutions Son-Image a reçu 6 subsides en 2020, pour un montant de 12,9 millions d'euros. Des "subventions complémentaires relatives à la modernisation de l'équipement pédagogique des établissements d'enseignement qualifiant", indique le cabinet de la ministre. Et Ouffet ? "Cette commune abrite de grosses écoles des différents réseaux", répond-on. Du côté de La Roche-en-Ardenne, l'importance du montant de subsides par habitant s'explique notamment par une somme de 342.685,80 euros accordée à l'Athénée Royal comme aide durant la crise énergétique en 2022.
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A quelle couleur politique bénéficient les subsides de Caroline Désir ? Surtout au PS
D’un point de vue politique, la ministre a accordé 47% de ses subsides à des récipiendaires basés dans des communes dont le/la bourgmestre est membre de son parti, le PS (qui constituent 30% des communes de la Fédération Wallonie-Bruxelles). Cela représente un montant de 35,2 millions d'euros, soit 42% du montant total. Les plus "privilégiés" sont Liège (8,3 millions d'euros), Mons (3,9 millions d'euros) et Bruxelles (2,8 millions d'euros). Dans ce cas-ci également, le cabinet mentionne que seule la répartition des populations scolaires entre les communes a un impact sur la manière dont les subsides sont distribués.
Par ailleurs, la ministre de l’Education a attribué 11 subventions à des associations liées à son parti. Comme, par exemple, un subside de 4.000€ accordé au Réseau Solidaris ou un autre de 2.400€ accordé à l'Association socialiste de la Personne handicapée. Les subventions accordées à des associations périphériques du PS représentent un montant de 39.740€, soit 0,001% des subsides attribués. En comparaison, Caroline Désir a également attribué trois subsides à une organisation (O’Yes, aciennement Sida'sos) liée à un autre parti, le MR, pour un montant de 121.144,5€.
Confessionnel: la préférence laïque de Caroline Désir
D’un point de vue confessionnel, la ministre a attribué 8 subsides à des associations montrant une appartenance au monde catholique, protestant, musulman ou laïque ou autres (hors écoles et hôpitaux). En détail:
- le monde laïque a reçu six subsides (pour 26.410 euros)
- des associations liées au jadaïsme ont bénéficié de deux subsides (3.136 euros)
- les mondes catholique et islamique n'ont rien reçu.
Les écoles, inévitables chouchous de la ministre de l'Education
En tant que ministre de l’Education, Caroline Désir subsidie forcément les écoles, des petites structures de l'enseignement primaire aux (très) grandes, comme les universités. Tous ces lieux d'enseignement ont reçu de l'argent pour financer l'achat de nouveau matériel (informatique ou diverses fournitures scolaires), pour les frais de personnel, mais aussi un nombre important d'aides Covid. Alors que les montants diffèrent parfois fortement entre les établissements, comment sont-ils fixés ? Le cabinet de la ministre socialiste assure que "la ministre ne répartit pas elle-même ces montants" et ajoute que ces aides sont déterminées par le nombre d'élèves (un forfait par élève, identique pour tous les élèves).
"Hip Hop Generation 80", le subside étonnant accordé par Caroline Désir
12.750 euros accordés en 2022 à l'asbl Hip Hop Generation 80, située à Schaerbeek : quel rapport avec l'enseignement et les compétences de Caroline Désir ? A priori, aucun. "La subvention a été accordée dans le cadre de l’attribution des subsides « Loterie nationale » pour lesquels tous les ministres ont accès à l’ensemble des dossiers de demandes classés en « ADPP » (activités diverses et projets ponctuels)", justifie le cabinet de la ministre. Traduction : les ministres de la Fédération Wallonie-Bruxelles peuvent, dans ce cadre, financer des projets liés de plus loin à leur domaine de compétences. "Dans ce cas, développe l'équipe de la socialiste, l’ASBL a été subventionnée pour différents événements autour de l’histoire du hip hop (une exposition des Pionniers de la Hip-Hop et le Championnat de Belgique, notamment), dans lesquels une série d’activités ont eu lieu avec les écoles (des séances d’initiations, par exemple)".
(1) Par opposition aux nominatives et aux obligatoires, une subvention facultative est, juridiquement, une dépense qui n’est pas réglée par une loi (ou, ici, un décret) mais par un arrêté. Mais ces subventions ne sont pas distribuées par des ministres sans foi ni loi : elles sont encadrées par de nombreuses dispositions légales, qui limitent fortement la liberté du signataire. Il s'agit cependant incontestablement de la catégorie de subventions qui laisse le plus de marge à un mandataire politique pour orienter rapidement, et selon ses préférences, une partie des flux d’argent public sur lesquels il peut exercer un certain contrôle.
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