Comment Thomas Dermine a remplacé Paul Magnette: les coulisses à Charleroi
Tous les socialistes ne sont pas heureux de voir Thomas Dermine appelé à devenir bourgmestre de Charleroi à la place de Paul Magnette. Ceux soutenant ce choix plaident toutefois pour une décision rationnelle.
«Coup de théâtre», «une surprise», «la fin d’une ère»: la presse a été stupéfaite par le choix de placer Thomas Dermine en tête de liste pour les élections communales à Charleroi. L’ambition de Dermine de se rabattre sur le mayorat de Charleroi était pourtant connue. La place de Paul Magnette, bourgmestre et président du parti socialiste (PS), ne l’était pas. Il a finalement choisi de se présenter à la troisième place, et de parachuter celui qu’il présente comme son successeur en tête de liste, aux dépens de l’échevine Julie Patte à qui l’écharpe mayorale était promise si le PS n’avait pas perdu tant aux élections du 9 juin, et si Thomas Dermine avait, comme il le souhaitait, pu atterrir à la tête d’un ministère. Dermine premier, Patte deuxième, Magnette troisième: ainsi a tranché jeudi soir le comité des sages, pourtant plutôt favorable à cette dernière, et regroupant les présidents des seize sections de l’Union socialiste communale, comité des sages dont Paul Magnette avait décidé de reprendre la présidence.
Paul Magnette: un «destin national»
Certains militants ne cachent pas leur mécontentement, comme Bernard Van Dyck. En décembre, il a été nommé directeur de campagne des socialistes à Charleroi. Pour lui, c’était clair: Paul Magnette serait candidat-bourgmestre. «Il avait la légitimité d’être premier de la liste et c’était dans l’intérêt du parti, juge-t-il. Il avait récolté le double de voix au fédéral lors du scrutin du 9 juin, comparé à Thomas Dermine (NDLR: candidat à la région). Mais les cartes ont commencé à être rebattues après ces élections.»
Après le scrutin fédéral et régional de juin dernier, le PS a fait le choix de l’opposition. «Vu les réformes voulues par le MR, il est apparu nécessaire que Paul Magnette soit mobilisé à 100% pour mener l’opposition au fédéral», clame Maxime Felon, conseiller communal PS à Charleroi. «Il était clair que son destin était national, et qu’il ne pouvait donc pas mener la liste aux communales», embraie l’ex-bourgmestre carolorégien Jean-Claude Van Cauwenberghe, dont le fils, président du CPAS, sera cinquième candidat socialiste le 13 octobre.
Placer Thomas Dermine à Charleroi pour le garder au PS?
«Thomas Dermine (NDLR: élu député wallon) croyait à son destin régional. On pensait même qu’il pouvait obtenir le poste ministre-président. Cela n’a pas été le cas. Et comme Christie Morreale avait déjà été désignée cheffe de groupe au Parlement, il ne pouvait pas le devenir, poursuit Jean-Claude Van Cauwenberghe. Je lui ai confié qu’en étant seulement député, il risquait de tomber dans l’anonymat, et j’ai été de ceux qui ont soutenu son arrivée à Charleroi, même si on a eu du mal à le convaincre.»
Thomas Dermine aurait ensuite fait savoir qu’il pourrait partir travailler dans le privé s’il devait rester simple député. «Quand on a des talents, on essaie de les retenir», glisse Maxime Felon.
Des tensions en interne
Bernard Van Dyck a vite senti le vent tourner. Opposé à ce revirement, il a démissionné en juillet: «C’est comme si on se demandait si l’intérêt du MR était de placer Georges-Louis Bouchez en première position ou pas. Tous les libéraux voudraient de lui en tête de liste. Ici, non.»
«Il a fallu convaincre en interne, ce qui a pris un peu de temps et il y a eu un certain suspense, reconnaît Jean-Claude Van Cauwenberghe. Mais c’était une décision nécessaire. Au final, le vrai débat était de savoir quelle place prendrait Paul Magnette dans la liste. Il était question de la dernière case. Il a été jugé préférable de le placer dans la « Dream Team » des cinq premiers, en l’occurrence en troisième place. Je trouve que c’est une belle répartition des rôles. Sincèrement, quand on va comparer les cinq premiers du PS aux ceux des autres partis en lice aux communales, il n’y a pas photo. On voit bien la puissance, la compétence, la notoriété.»
Paul Magnette et le risque d’une sanction
Reste une question: que se passerait-il si Paul Magnette, aidé par sa bonne position dans la liste, venait à acquérir davantage de voix de préférence que Thomas Dermine? La loi est claire: au sein du parti le plus important d’une majorité, le candidat obtenant le plus de voix de préférence doit devenir bourgmestre. Un potentiel problème? Non, pour Hicham Imane, autrefois député wallon en remplacement de Paul Magnette. «Paul Magnette se désisterait, sinon il aurait été tête de liste», constate-il.
Jean-Claude Van Cauwenberghe est d’accord. Mais ajoute: «S’il ne prend pas la fonction, il sera sanctionné et il ne pourra pas être échevin. Mais il ne compte pas l’être, de toute façon. Donc je crois qu’il sera au conseil communal. C’est un peu paradoxal, mais c’est ce qui va se produire.» Sauf si Paul Magnette décidait de ne pas venir s’embêter, un lundi soir par mois, à des conseils communaux qui n’étaient déjà pas la facette favorite de ce métier de bourgmestre dont il s’est, au fil du temps, fort lassé…
Pas de mélodrame, mais une invisibilisation des autres candidats
Le plan étant fixé, les socialistes ont pu passer à l’étape suivante. «Paul Magnette a fait savoir qu’il ne prendrait la parole qu’une fois le débat collectif terminé, pour faire équipe, précise Jean-Claude Van Cauwenberghe. Il attendait le moment opportun, et c’est arrivé hier.» «Ce que tout le monde voulait, c’était d’éviter un affrontement, avec un vote pour départager deux positions, ce qui aurait été dramatique», acquiesce Bernard Van Dyck. En réalité, pendant la réunion du Comité des Sages, jeudi soir, au siège de la Fédération socialiste de Charleroi, c’est Paul Magnette qui a introduit la discussion, en faisant son bilan de douze années à l’Hôtel de Ville, et en expliquant pourquoi il ne souhaitait pas y ajouter un mandat supplémentaire. Il lui a ensuite fallu convaincre une assemblée très largement acquise, a priori, à Julie Patte, militante de longue date et élue de terrain, au contraire de Thomas Dermine, qui n’est officiellement socialiste que depuis trois ou quatre ans.
Maxime Felon craint toutefois que le duo Magnette-Dermine capte toute la lumière, «avec derrière d’autres candidats qui resteraient dans l’anonymat». Autre problème: les femmes sont laissées dans l’ombre, puisque Julie Patte se trouve reléguée entre les deux hommes poussés par le sommet du parti. Au PS, d’ailleurs, aucune femme ne sera tête de liste dans les grandes villes du pays (à l’exception de Molenbeek), que ce soit à Bruxelles-Ville, Liège, Mons, Namur, Arlon, Tournai, Verviers, Ixelles ou encore Nivelles.
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