Sammy Mahdi, s’il est perdant de la négociation fédérale, pourrait débloquer l’impasse du gouvernement bruxellois. © BELGA

Comment la naissance de l’Arizona peut débloquer le futur gouvernement bruxellois

Sylvain Anciaux

L’Arizona est née, mais les présidents de parti n’ont pas fini de jouer aux petits négociateurs. A Bruxelles, les négociations sont toujours au point mort. Au sein de l’Arizona, il faudra déjà faire preuve de diplomatie.

236 jours et quelques nuits blanches. Le gouvernement Arizona et ses négociateurs dansent enfin dans la lumière alors que leurs homologues bruxellois restent plongés dans l’ombre. Pour rappel, le PS refuse toujours de s’asseoir à la table de la N-VA qui compose la majorité néerlandophone requise avec Groen, l’Open-VLD et Vooruit. Cette semaine, le coup de pression (ou «la solution légale et démocratique», c’est selon) tenté par les socialistes en proposant au députés de désigner ou non David Leisterh et ses ministres n’a pas impressionné grand monde, rue du Lombard, où se trouve le parlement bruxellois.

Alors, la mise en place d’un gouvernement fédéral prévue dans les heures (ou jours) à venir peut-elle enfin débloquer la situation en région bruxelloise? Le scénario initial semble plutôt pessimiste. A Bruxelles, le PS semble incontournable dans la formation gouvernementale (sauf si Ecolo et Défi venaient à changer d’avis, mais cela ne semble pas du tout être d’actualité). Côté néerlandophone, le CD&V a affirmé assez tôt ne pas être intéressé par un siège dans l’exécutif et l’Open-VLD a conditionné sa participation à celle de la N-VA. Sans levier de pression à l’échelon fédéral, personne ne semble avoir ni le poids, ni les moyens de faire plier le président des socialistes bruxellois, Ahmed Laaouej «qui a déjà montré une grande capacité de résilience aux coups de pression», remarque le politologue de l’UCLouvain, Pierre Vercauteren.

236 jours pour un deal secret au sein de l’Arizona

Alors quoi? Ce n’est en tout cas pas le cadre juridique belge qui va dessiner une porte de sortie, assure le politologue. «Le gouvernement fédéral ne peut constitutionnellement pas intervenir dans la formation de l’exécutif d’une entité fédérée, même si les présidents de parti qui sont considérés comme les belles-mères de la politique belge peuvent se parler.» Ca tombe bien, puisqu’ils se sont parlés 236 jours durant, et la question bruxelloise a bien dû être abordée à un moment où un autre. Le dossier brûlant de la fusion des communes bruxelloises, par exemple, aurait été abandonné par la N-VA, se disait-il encore ce vendredi matin.

Derrière tout ça persiste une rumeur sur l’existence d’un deal entre Georges-Louis Bouchez et Bart De Wever. Ce deal impliquerait d’office la présence des nationalistes au sein de l’exécutif bruxellois. «Tout le monde se tient un petit peu, analyse Pierre Vercauteren. Le CD&V a placé le gouvernement fédéral comme une priorité. Mais tout va dépendre de ce que Sammy Mahdi a obtenu lors des négociations. La position de son parti pourrait se rouvrir.»

La vengeance du CD&V pour débloquer le gouvernement bruxellois?

Si le président du CD&V était le grand perdant des négociations de l’Arizona (ce que rien n’indique pour l’heure), il n’est pas impossible qu’il passe un petit coup de fil à Benjamin Dalle, son pendant bruxellois, pour lui ordonner de se rendre disponible auprès du futur gouvernement bruxellois. Une vile vengeance qui rebattrait totalement les cartes. Elke Van Den Brandt, formatrice néerlandophone pour le gouvernement bruxellois, devrait rouvrir des bilatérales. Mathématiquement, cela n’offre toujours pas de majorité néerlandophone. «Il faudra donc payer l’Open-VLD pour qu’il lâche la N-VA, dit alors une source bruxelloise. A ce moment-là, il serait logique mathématiquement que le CD&V prenne le nouveau rôle de commissaire de gouvernement, vu qu’ils n’ont qu’un siège au Parlement.»

Pour l’instant, tout cela n’est qu’une hypothèse (de la politique-fiction, comme on dit dans le jargon), mais en coulisse, on s’y prépare. La politologue de l’ULB, Emilie Van Haute, pose tout de même quelques garde-fous. «On sent tout de même une forme d’attentisme au fédéral sur la situation bruxelloise, et singulièrement du côté du MR, ce qui risque certainement de braquer le PS.» Et plus personne ne semble incarner le compromis au milieu de ce chantier, ajoute-t-elle. Enfin, Emilie Van Haute voit mal l’intérêt, si ce n’est de réduire à néant l’hypothétique accord MR/N-VA au fédéral, de participer à la majorité régionale. «C’est difficile de monter dans un gouvernement qui va devoir faire beaucoup de coupes avec seulement une seule personne. Il faudra craindre la sanction électorale, sinon il y a de fortes chances que le nombre de députés CD&V passe de un à zéro dans cinq ans.»

 Le lieu commun de Benjamin Hermann | La quadrature du cercle pour former le gouvernement bruxellois

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire