Charles Michel, un avenir politique en péril: « Plus personne ne l’attend, même en Belgique »
Après son volte-face européen, la légitimité de Charles Michel est fortement endommagée. Au point que son avenir politique soit déjà en péril. « Il pense à son intérêt personnel, à sa propre carrière, et contribue donc à l’anti-politique », estime le politologue Carl Devos (UGent).
Une pirouette, une volte-face, un « hara-kiri » politique. Les qualificatifs peu flatteurs ne manquent pas pour juger l’étonnant changement de cap opéré par Charles Michel, vendredi dernier. Alors que le libéral avait annoncé vouloir se retirer de la présidence du Conseil européen avant la fin de son mandat, les critiques « blessantes, négatives, radicales », comme ils les nomment lui-même, l’ont finalement poussé à faire marche-arrière.
Avouant s’interroger sur « le sens d’un engagement électoral sur le plan personnel », l’ancien premier ministre finit donc par retirer sa candidature aux élections européennes et poussera son mandat au Conseil européen jusqu’à son terme.
Mais, effet secondaire indésirable pour le libéral, ce rétropédalage a débouché, lui aussi, sur son lot de critiques. « Il a commis un hara-kiri politique », « tout le monde en a marre de Charles Michel », lancent plusieurs diplomates ou officiels dans Politico. « Il ne lui reste plus qu’à s’assurer que les réunions commencent à l’heure et que tout le monde dispose d’un stylo qui fonctionne », tance cyniquement un autre témoignage anonyme.
Charles Michel « anti-politique »
Une pirouette personnelle qui entame un peu plus la crédibilité politique européenne (voire nationale) de Charles Michel, dont la popularité avait déjà été ébranlée l’année dernière suite à des révélations concernant des coûts excessifs pour ses voyages officiels. « Charles Michel était un Premier ministre faible ; il s’est également avéré être un président faible. Les gens se souviendront surtout de ses voyages coûteux, de ses disputes avec la présidente de la Commission et de sa démission absurde », critique le politologue Carl Devos (UGent).
Charles Michel était un Premier ministre faible ; il s’est également avéré être un président faible.
Carl Devos (UGent)
En opérant ce retournement de veste, Charles Michel a abusé de l’argument de la démocratie pour promouvoir sa propre carrière, estime le politologue. « Il voulait aller au Parlement européen, non pas pour y rester, mais pour sécuriser « un travail » qui pouvait lui servir de base. Il a utilisé cette candidature dans le cadre de son propre plan de carrière, ce qui nuit à l’image des hommes politiques, souvent accusés d’être des « pickpockets » ». Carl Devos ajoute : « Charles Michel pense à son intérêt personnel, à sa propre carrière, il contribue donc à l’anti-politique. Les gens voient en lui la preuve que les politiciens ne font de la politique que pour eux-mêmes. »
Doublement problématique
Ceux qui ont été ses potentiels nouveaux collègues quelques jours durant, les membres du groupe Renew au Parlement européen (auquel appartient le MR), se disent également soulagés de ne pas voir Charles Michel rejoindre leurs rangs. « Très peu de membres ont considéré son arrivée au Parlement comme une bonne nouvelle », affirme ainsi un fonctionnaire dans Politico. « Lorsqu’il a trois options, il choisit toujours la pire ».
« C’est doublement problématique, commente Carl Devos. Son image était déjà faible, elle est maintenant encore plus dégradée: le mal est fait. Il aurait dû au moins s’en tenir à son choix initial, au lieu de changer d’avis à chaque fois. Apparemment, il ne supporte pas la pression : ni la peur de ne plus avoir d’emploi, ni les critiques sur le fait qu’il quitte son emploi. »
Cela a toujours été le style de Michel: Michel pense toujours à Michel d’abord.
Carl Devos (UGent)
Pour Carl Devos, l’attitude de Charles Michel est donc très opportuniste, plaçant sa propre carrière au-dessus des intérêts européens qu’il est censé servir. « Cela a toujours été le style de Michel : en décembre 2018, il a fait exploser son propre gouvernement fédéral en « étant du bon côté de l’histoire » au sujet du pacte de Marrakech, principalement pour construire une carrière internationale. Ce faisant, il a plongé notre pays dans une longue période de problèmes persistants. Michel pense toujours à Michel d’abord : il a aussi obligé Bouchez à faire entrer son frère (Mathieu Michel) dans le gouvernement. »
En interne, le libéral ne fait pas non plus l’unanimité. « Il a joué seul du début à la fin. C’était ‘Moi, moi, moi’, sans considération pour le MR. A la fin, il ne faut pas s’étonner… », souffle un cadre du MR à Sudinfo. Le quotidien va même jusqu’à évoquer des problèmes de santé mentale et une sorte de « burn-out ». Un proche affirmant « ne l’avoir jamais vu atteint ainsi. »
En politique (belge), il a perdu beaucoup de crédit
C’est donc dos au mur que Charles Michel préside le Conseil européen de ce jeudi. Un rassemblement qui ne manque pas d’enjeux : aide à l’Ukraine, fronde des agriculteurs… De quoi remettre la politique au centre ? En Belgique ou en Europe, sa carrière politique semble bel et bien compromise, estime Carl Devos. « Au niveau national, personne ne l’attend, certainement pas Paul Magnette, mais personne en Flandre non plus. En Europe, son image a été fortement ternie. Les cercles internationaux et européens ont vivement critiqué son manque d’esprit d’Etat. »
Si Charles Michel revient à la politique nationale, par exemple en tant que président du MR, il sera perçu comme le président raté du Conseil européen qui n’a pas pu trouver un autre poste de premier plan. Il n’est plus considéré comme une figure forte de la politique belge.
Carl Devos (UGent)
Toutefois, le poste de président du MR pourrait être une porte de sortie possible pour Charles Michel, lui qui avait fortement appuyé la désignation de Georges-Louis Bouchez à la tête du parti. Le président du Conseil européen pourrait donc être tenté de reprendre une place pour laquelle il s’estime légitime. Mais là encore, la partie est loin d’être gagnée. « Si Michel revient à la politique nationale, par exemple en tant que président du MR, il sera perçu comme le président raté du Conseil européen qui n’a pas pu trouver un autre poste de premier plan, tance Carl Devos. Il n’est plus considéré comme une figure forte de la politique belge, poursuit-il. Si Paul Magnette devient premier ministre et Michel président du MR, les relations entre le PS et le MR ne seront pas meilleures qu’aujourd’hui. Voire pire. »
Pour le politologue de l’UGent, son sort en politique semble donc scellé. « Charles Michel trouvera peut-être un emploi quelque part dans les affaires internationales, mais en politique, il a perdu beaucoup de crédit. »
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