Brussels Airport pourait-elle devenir une entreprise publique, comme le veut la N-VA? «Il faut être capable d’emprunter 2,7 milliards d’euros pour acquérir les 25% à elle toute seule.» © BELGA

Brussels Airport, bientôt une société publique? Pourquoi la N-VA joue une partie de poker menteur

Sylvain Anciaux

Les gouvernements flamand et fédéral se penchent sur l’investissement public massif dans la société Brussels Airport, une initiative de la N-VA. Un malaise semble pourtant planer.

Brussels Airport deviendra-t-elle une société publique dans laquelle l’Etat fédéral et la Flandre y siègent comme partenaires majoritaires? C’est en tout cas l’intention de la N-VA, révèle L’Echo ce vendredi matin. Les nationalistes souhaitent profiter du départ d’OTPP, détenteur de 29% des parts de Brussels Airport. L’Arizona aurait donc un grand appétit pour le trafic aérien et serait prête à débourser, en pleine période d’orthodoxie budgétaire, entre 2,5 et 3 milliards d’euros pour augmenter sa participation dans l’entreprise; participation qui se chiffre déjà à 25%. Le gouvernement flamand est aussi intéressé par un agrandissement de sa participation, lui qui détient pour l’heure moins de 2% de Brussels Airport. En divisant les actions d’OTPP par deux, et en scindant donc leur prix entre les deux entités fédérées, le fédéral pourrait détenir 40% des parts, la Flandre 16,8%, et Brussels Airport deviendrait ainsi une société détenue majoritairement par des pouvoirs publics.

Le sujet était à la table du cabinet restreint de l’Arizona, ce vendredi, et il n’a apparemment pas provoqué l’enthousiasme. Si bien que les différents cabinets ministériels ont refusé de commenter publiquement cette idée, notamment parce qu’elle est parue dans la presse avant d’arriver sur la table des vice-premiers. Idem du côté du gouvernement flamand, qui refuse de commenter une affaire en cours.

Poker menteur

Pour un parti à la tête de deux gouvernements s’inscrivant dans des lignes économiques droitières, de marchés libres, et de réduction des dépenses de l’Etat, vouloir injecter 2,7 milliards d’euros publics dans un aéroport peut paraître surprenant. Cette volonté ressemble à s’y méprendre à une partie de poker menteur. En affichant sa volonté d’investir dans Brussels Airport via PMV (l’organisme qui gère les investissements économiques flamands), la N-VA envoie un signal: si elle n’est pas suivie par le fédéral, la Flandre pourrait devenir l’acteur public de référence à Zaventem.

«Si le fédéral venait à vendre un jour sa part, tout ce qu’il aura fait, c’est une mission de portage pour la Flandre.»

Une source proche du gouvernement.

«La Flandre a besoin de reins solides. Il faut être capable d’emprunter 2,7 milliards d’euros pour acquérir les 25% à elle toute seule, et elle ne le peut pas, se dit-il au sein du gouvernement. Si le fédéral fait grimper sa participation à 40% et que la Flandre détient 16,8%, cela veut dire que les partis flamands dirigeraient l’aéroport. Et si le fédéral venait à vendre un jour sa part, tout ce qu’il aura fait, c’est une mission de portage pour la Flandre.» Et la N-VA ne s’en cache pas, Théo Francken ayant même proposé, en campagne, que le fédéral revende ses parts déjà acquises à la région du Nord. Un changement de nom serait même envisagé, et il ne mentionnerait probablement plus Bruxelles, ni même la Belgique.

Brussels Airport, un investissement plus propre que la SNCB pour la N-VA?

Alors que l’Arizona entend réaliser 675 millions d’économies minimum sur la SNCB d’ici la fin de la législature, en interne, on s’interroge sur le signal envoyé. D’autant plus que la Cour d’appel de Bruxelles a donné deux ans au gouvernement fédéral pour mettre en place une nouvelle organisation des voies aériennes suite à une procédure relancée par les bourgmestres du rand. Par ailleurs, le Conseil des litiges en matière de permis traitait ces jeudi et vendredi les recours au permis d’environnement permanent par la Région flamande. Le permis est critiqué en trois point: d’abord, il ne tient pas compte des réclamations du recours. Ensuite, c’est un détail technique mais primordial, il a été signé électroniquement (ce qui ne serait pas autorisé). Enfin, c’est Zuhal Demir (N-VA), alors ministre flamande de l’Environnement, qui a délivré le permis alors qu’un contentieux existe sur cette compétence qui pourrait être propre à l’Etat fédéral.

Par ailleurs, le médiateur fédéral chargé de l’aéroport a égratigné la vision à long terme de Brussels Airport la semaine dernière, dénonçant sa paresse environnementale. Bref, du côté francophone de l’Arizona, on se dit qu’on laisserait bien cet épineux dossier aux mains d’investisseurs privés. Le ministre flamand de l’Environnement, Jo Brouns (CD&V), n’a pas non plus souhaité commenter. C’est maintenant que l’on va voir le poids de la N-VA dans les exécutifs qu’elle pilote.

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