Le président du MR Georges-Louis Bouchez. © Belga

Bouchez, Dermine, Chastel… Quand les politiciens tentent d’enjoliver leur page Wikipédia

Le Vif

Wikipédia étant une encyclopédie en ligne collaborative, certains mandataires politiques n’hésitent pas à agrémenter leur biographie de quelques passages élogieux. Avant de se faire rattraper par la règlementation du site.

Par Eric Walravens

Taper son nom dans la barre de recherche de Google, quand on est un politicien connu, c’est bien souvent voir apparaître sa page Wikipédia en haut des résultats de recherche. N’est-il pas tentant d’y apporter l’une ou l’autre modification, voire de la saupoudrer de quelques épithètes louangeurs, quand on sait que n’importe qui peut contribuer à l’encyclopédie en ligne? Encore faut-il le faire en respectant les règles de Wikipédia, qui prévoient la neutralité de point de vue et la déclaration des contributions rémunérées. Il est “vivement déconseillé” d’éditer sa propre page ou celle de ses proches. 

Déroger aux règles de la plateforme, c’est prendre le risque de se voir apposer un infâmant bandeau rouge mettant en doute la crédibilité de la page. La communauté wikipédienne est en effet très attentive à toute instrumentalisation. “Un ajout dithyrambique a en général une durée de vie limitée”, explique un contributeur patenté, connu sous le pseudo de Madelgarius. Georges-Louis Bouchez (MR) n’a récemment pas échappé à cette vigilance collective. Le 26 août dernier, Madelgarius a supprimé une série de modifications sur sa page évoquant “son style de leadership direct et assertif” ainsi que son élection à la présidence du MR avec 95,76 % des voix (sans mention du fait qu’il était le seul candidat). 

Davantage que le fond, c’est le conflit d’intérêt potentiel dans le chef de l’auteur des ajouts qui pose question. Le pseudo MaximGilot semble en effet être celui de Maxim Gilot, collaborateur de l’agence Onlyne engagée par le MR pour gérer sa communication. A la question posée dans la page de discussion adossée à celle de GLB, s’il est en conflit d’intérêt, l’intéressé répond “non, pas du tout”, smiley clin d’oeil. Confronté à l’évidence de son profil Linkedin, il ne donne plus signe de vie sur Wikipédia. 

Des bandeaux rouges en guise de preuves

Depuis, la page personnelle de Georges-Louis Bouchez compte trois bandeaux rouges (voir capture d’écran ci-dessous). Le président du MR se défend d’avoir voulu enjoliver sa page et peste contre les “illuminés” de Wikipedia qui l’empêchent de l’actualiser. Or, celle-ci est “indigente”, souligne-t-il, pointant qu’elle ne mentionne même pas la victoire de son parti aux dernières élections, alors qu’elle s’attarde sur de nombreuses polémiques. 

Georges-Louis Bouchez n’est pas le seul dans le cas. Thomas Dermine (PS), ministre fédéral et candidat-bourgmestre à Charleroi, a lui aussi été épinglé pour une infraction aux règles de conflit d’intérêt, depuis qu’en septembre 2022, une collaboratrice de son cabinet a apporté des modifications à sa page. Les passages insuffisamment sourcés, comme la mention que son plan de relance serait “considéré l’un des plus ambitieux sur le plan environnemental au niveau européen”, ont entre-temps été supprimés.

Contacté, le cabinet Dermine confirme. “L’objectif était de faire concorder la biographie de Thomas Dermine sur Wikipédia avec celle figurant sur le site officiel du gouvernement, qui peut d’ailleurs être considéré comme une source officielle. À ce moment-là, nous ne savions pas qu’un membre du cabinet ne pouvait pas modifier une fiche Wikipédia. Depuis lors, nous n’avons plus apporté de modifications à cette page”.

Wikipédia: « La zone grise est importante »

A côté de ces cas, toutes les pages des politiques font l’objet d’une lutte permanente quant à l’objectivité des faits qui y sont ajoutés. “La zone grise est importante et il y a une marge d’appréciation”, explique un contributeur chevronné, qui se souvient d’avoir dû modifier la page d’un précédent président du MR, Olivier Chastel, pour des raisons similaires.

A l’approche des élections, il est courant que les pages des politiques fassent l’objet de modifications plus ou moins hagiographiques, voire qu’elles soient vandalisées par des opposants. “Les mandataires politiques considèrent que c’est leur page à eux, ambiance réseaux sociaux”, observe Madelgarius. Mais la communauté Wikipédia veille au grain. Aujourd’hui encore, au moment d’écrire ces lignes, un contributeur nettoyait la page de Maxime Prévot, de ses passages élogieux. Sur l’encyclopédie en ligne collaborative, toutes les modifications se font au vu et au su de tous. Chacun pourra donc juger sur pièce. Et y ajouter des éléments, pour autant qu’ils soient neutres, sourcés et pertinents. 

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