Premier ministre Bart De Wever
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Bart De Wever en passe de devenir Premier ministre et le premier nationaliste flamand au 16 rue de la Loi?

Bart De Wever a présenté, ce vendredi soir, l’accord de gouvernement de l’Arizona au roi. Celui-ci a prolongé la mission du nationaliste flamand jusqu’à la nomination du gouvernement. Bart De Wever deviendra-t-il le prochain Premier ministre?

Bart De Wever, poids lourd de la politique flamande et nationale, devrait « enfin » atteindre le 16, rue de la Loi, son premier mandat exécutif au fédéral, après l’accord de gouvernement conclu ce vendredi soir. C’est presque une contradiction pour ce nationaliste flamand convaincu, amoureux de sa ville d’Anvers. Un animal politique et médiatique remarquable, qui a mené la N-VA, née sur les cendres de la Volksunie en 2001, vers les sommets, et a réussi aux dernières élections à résister à l’ascension du Vlaams Belang.

Nationaliste de père en fils

Historien de formation, Bart De Wever a baigné dans le nationalisme flamand et le conservatisme dès l’enfance. Son père, Rik De Wever, était membre de la Volksunie et du Vlaamse Militanten Orde. Son grand-père était quant à lui membre de la VNV, parti qui collaborait avec l’occupant allemand lors de la Deuxième Guerre mondiale. Lors de ses études, Bart De Wever est actif dans plusieurs fédérations d’étudiants, à tendance nationaliste. Il s’intéresse de près au nationalisme flamand et à ses manifestations en politique. Il en fait d’ailleurs le sujet de sa thèse de doctorat. Il a brièvement été membre du Vlaams Nationaal Jeugdverbond, mouvement de jeunesse d’extrême-droite à relents néo-nazis, comme l’a bien raconté son frère, Bruno De Wever.

Dès 1986, Bart est lui-même membre de la Volksunie, et en 1996 il intègre le conseil du district anversois de Berchem, qui n’est à l’époque pas élu directement. En 2000 il entre dans l’équipe de direction du parti, qui va se disloquer un an plus tard. Bart De Wever participe alors à la création de la N-VA

Ses débuts dans la N-VA

En 2004, quand De Wever reçoit les clés du siège du parti, la N-VA n’est encore qu’un petit poucet, dont l’existence s’appuie sur son cartel avec le CD&V. Aux régionales, Bart De Wever vient de décrocher un siège au Parlement flamand. Et quand Geert Bourgeois est désigné ministre du nouveau gouvernement flamand, De Wever lui succède à la présidence. 

En 2007, c’est la grande victoire au fédéral pour le cartel CD&V – N-VA emmené par Yves Leterme. Mais la fête ne durera pas. Quelques mois plus tard, la N-VA met fin à cette alliance et cesse de soutenir le gouvernement Leterme (premier du nom), énervée du peu d’évolution dans les négociations institutionnelles. 

Cela ne nuit pas à l’image de la N-VA, au contraire. Au même moment, le grand public découvre Bart De Wever via l’émission télévisée ludique « De Slimste Mens ter Wereld », diffusée par la VRT. Il n’est plus seulement un politicien intransigeant, on le découvre drôle et extrêmement cultivé. Bart De Wever, devenu « BV » sympathique, cartonne sur petit écran et dans les salons des Flamands.

Du Bart bon vivant au De Wever sec et menaçant

La N-VA, qui fait désormais cavalier seul, surfe sur la popularité de son chef de file. En 2009, elle décroche 16 sièges au Parlement régional. Un an plus tard, lors des élections fédérales anticipées (le gouvernement Leterme II avait trébuché sur le dossier Bruxelles-Hal-Vilvorde), elle devient le premier parti du pays, avec 27 sièges à la Chambre. C’est alors logiquement vers Bart De Wever que se tourne le Roi, lui confiant la mission d' »informateur« . Mais ce n’est qu’après un an et demi environ qu’un gouvernement sera formé, sans la N-VA: socialistes, chrétiens-démocrates et libéraux s’associent pour tourner la page de la plus longue crise politique qu’ait alors connu la Belgique, et pour opérer la sixième réforme de l’Etat, comprenant la scission de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde. 

Bart De Wever n’est alors pas encore bourgmestre d’Anvers, il est « simple » député flamand et président de parti. Il continue parallèlement de faire parler de lui hors de la sphère politique: en 2011-2012, il se lance dans un régime qui changera radicalement sa silhouette. Allégé de près de 60 kilos, il publie un livre sur cette expérience à un mois environ des élections communales. L’Anversois apparait soudainement moins « bonhomme » et bon vivant, plus sec, voire menaçant, aux yeux de nombreux francophones. Même s’il affirme partout que son régime et son livre n’ont rien de politique, l’opération démontre une détermination et une faculté de persévérance que l’on retrouvera dans sa manière de poursuivre ses ambitions institutionnelles. 

La percée de la N-VA, puis la petite chute

Les élections locales de 2012 mènent à une spectaculaire percée de la N-VA, qui s’installe au pouvoir dans de nombreuses communes. C’est entre autres le cas à Anvers, où De Wever devient bourgmestre en boutant les socialistes hors du « Schoon Verdiep » de l’hôtel de ville dont les « rouges » assumaient la gestion depuis de longues décennies. Tout un symbole, qui à l’époque avait quelque peu secoué les médias francophones. 

En 2014, la N-VA confirme son statut d’incontournable: elle prend aisément ses distances en premier parti, raflant 33 sièges à la Chambre (10 de plus que le PS…) alors que le Belang dégringole. Le parti d’extrême-droite est passé de 12 à 3 sièges, et n’est clairement plus le premier choix des flamingants. La N-VA monte au gouvernement en s’associant au MR, au CD&V et à l’Open Vld, une coalition très largement minoritaire dans les rangs francophones. La « Suédoise » de Charles Michel est clairement à droite, mais ne satisfait pas la N-VA. Elle en claque la porte fin 2018 à l’occasion de la signature du « pacte de Marrakech », sur les migrations. 

Des élections sont prévues quelques mois plus tard, et pour la première fois, elles ont un goût de défaite pour les nationalistes flamands. Le parti perd des plumes, aussi bien à la Région qu’au fédéral, même s’il reste premier. Bart De Wever, qui s’était présenté comme candidat à la ministre-présidence flamande, va laisser ce poste à Jan Jambon et tenter de démêler l’écheveau au niveau fédéral. Après des mois de tractations, un exécutif se met en place sans la N-VA, une claque pour l’Anversois qui fulmine contre la « trahison » de ses deux partenaires du gouvernement flamand, le CD&V et l’Open Vld. 

La Nieuw-Vlaamse Alliantie n’est visiblement plus seule au sommet, dans le nord du pays. Dans les sondages, elle se voit talonnée, parfois dépassée, par l’extrême-droite, revenue de nulle part et qui parvient à se réapproprier une partie de la sphère nationaliste. Malgré tout, elle tiendra bon, en juin 2024, et sera vue comme la grande gagnante dans le nord du pays. 

Le renouveau du parti

Sous la direction de Bart De Wever, la N-VA s’est inscrite plus à droite sur le plan socio-économique. « Mon vrai patron, c’est le Voka » (organisation représentant les patrons flamands, NDLR), avait lâché De Wever en 2010 lors d’une rencontre entre partis flamands. Mais l’identité a aussi pris une place plus importante dans le discours du parti, accompagnée du rejet de ce qui est vu comme « woke« . On se souviendra de la décision polémique de la ville d’Anvers, en 2023, de faire remplacer des œuvres du photographe Mous Lamrabat par des tableaux plus classiques, sur les murs du théâtre Arenberg. Bart De Wever a d’ailleurs publié des essais, « Over identiteit » et « Over woke ».

Avec Bart De Wever, c’est aussi tout un décorum, celui d’un passionné de la Rome antique, que la presse et le grand public ont découvert. L’homme est coutumier de citations en latin pour ouvrir ses discours, et a marqué les esprits en apparaissant à la soirée de victoire de la N-VA en octobre dernier avec son fils en porteur d’un sceptre à aigle doré, « customisé » pour Anvers d’une inscription « SPQA » (en référence à SPQR, « Senatus populusque Romanus », mais avec un A pour Anvers). 

L’Anversois, qui a bien fait comprendre qu’il ne lâche qu’à contrecœur son « Schoon Verdiep », devra naviguer entre un probable rôle de Premier et les fondamentaux de son parti, qui garde en premier article de ses statuts l’objectif d’indépendance de la Flandre.

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