Le Roi a demandé à Bart De Wever dans le but d'avoir un gouvernement "dans un délai raisonnable". © BELGA

Bart De Wever à nouveau formateur: «Il est trop tard pour former un gouvernement avant les élections communales»

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Après dix jours de mission, le médiateur Maxime Prévot a cédé la main, une nouvelle fois, à Bart De Wever, nommé formateur par le Roi. L’Arizona est-elle enfin sur de bons rails? Eléments de réponse avec les politologues Caroline Sägesser et Dave Sinardet.

Un petit tour et puis revient. Le Roi a, à nouveau, désigné Bart De Wever formateur. Le médiateur Maxime Prévot lui a fait part de la volonté des cinq partis de l’Arizona (MR, Les Engagés, N-VA, CD&V et Vooruit) de reprendre les négociations pour former un gouvernement fédéral. Maxime Prévot se réjouit de la réussite de sa mission. «Il appartiendra à présent au formateur royal de préciser la méthode et le calendrier de reprise des négociations avec l’objectif de proposer un nouvel équilibre global au travers d’une nouvelle « supernota », de nouveaux tableaux budgétaires et des diverses autres notes». Il précise que les divers documents qui ont fuité dans la presse ne constituent que «des documents de travail non aboutis». Le président de la N-VA fera un rapport de sa mission le 23 septembre. Un tournant pour la coalition Arizona?

De Wever formateur: une nouvelle étape pour l’Arizona?

Pour Caroline Sägesser, difficile de déterminer avec précision s’il s’agit vraiment d’un nouveau souffle, mais la désignation, à nouveau, de Bart De Wever comme formateur a le mérite d’être claire: «Cela prouve que l’on va toujours dans la même direction et qu’il y a une volonté d’aller de l’avant.» La politologue du Crisp est néanmoins surprise par la rapidité à laquelle Bart De Wever, probable futur Premier ministre, revient sur le devant de la scène. «Je ne m’attendais pas à ce qu’il revienne si tôt, puisque Maxime Prévot n’a pas vraiment réussi à dégager un accord politique, il est juste parvenu à restaurer une forme de confiance entre les négociateurs. Ce n’est sans doute pas suffisant pour avancer rapidement et efficacement.»

Une décision qui surprend moins le politologue Dave Sinardet, qui estime les récents évènements ont été quelque peu «surdramatisés». «Il y avait peut-être un optimisme un peu exagéré au début de l’été. La situation postélectorale semblait plus simple que ce qui était craint: des convergences entre le Sud et le Nord du pays, un score moins important que prévu pour les extrêmes… Il y a eu assez vite un consensus. Et l’Arizona s’est présentée comme la coalition la plus logique et cohérente. Et quand il y a eu la première crise, soudainement, c’était le grand drame.» Il rappelle que le contexte reste très difficile, avec notamment un grand effort budgétaire. «Il y a une réelle diversité idéologique autour de la table, à quoi s’ajoutent des questions de confiance et des problèmes personnels entre certains. Ce n’est donc pas anormal d’avoir une crise à un moment donné. L’Arizona peut être réanimée, d’autant qu’il n’y a pas vraiment d’alternative viable politiquement.»

Esprits apaisés, mais…

Les esprits semblent apaisés, mais de là à dire que la confiance est restaurée, il y a un pas. «Un problème de confiance, ça ne se résout pas en dix jours, estime Dave Sinardet. La confiance va peut-être aussi se bâtir en reprenant les négociations et en faisant des accords. Mais le problème de confiance entre certains protagonistes, notamment Conner Rousseau et Georges-Louis Bouchez, ne date pas d’hier.»

«La confiance semble de retour, mais la confiance sans accord, ce n’est pas forcément très intéressant, abonde Caroline Sägesser. Car cela ne se construit pas seulement avec déclarations d’intention. La confiance reviendra vraiment pleinement quand les partenaires auront réussi à engranger des accords significatifs

Exit la «super note» de De Wever?

On prend les mêmes et on recommence? La méthode devra changer. «Ces derniers jours, on avait plutôt l’impression qu’on allait un peu repartir d’une page blanche, ou du moins sur une autre base. La fameuse « supernota » de Bart De Wever présentait semble-t-il plus de désaccords que la seule taxe sur les plus-values.» Selon la politologue du Crisp, il semble finalement qu’il faille encore rediscuter d’énormément de choses et pour cela, il faudra du neuf. «Le contenu de la « supernota » a été un peu brûlé par sa révélation dans la presse, il y a des problèmes qui se posent à différents niveaux. Il faut s’attendre plutôt à un changement de méthode et de documents

C’est également l’avis de Dave Sinardet. «On revient un peu à la situation d’il y a dix jours, sauf que le document sur la table a disparu.» Pour le politologue, il y aura clairement une nouvelle méthode de travail. «Les textes qui étaient sur la table sur les questions fiscalité, marché de l’emploi et toutes les travaux budgétaires devront être revus. Ils ont fuité et il y a eu beaucoup de critiques. Il y a quand même eu un pas en arrière. Ils vont sans doute laisser dans le frigo toutes ces matières qui ont créé la dissension et se focaliser sur d’autres thématiques sur lesquels il y a peut-être moins de divergences.» Une nouvelle «super note» devrait donc voir le jour. En attendant, le formateur devrait relancer les groupes de travail thématiques: santé, énergie, climat, sécurité, défense et affaires étrangères, mobilité, lutte contre la pauvreté et migration. A l’exception du dernier sujet, tous ont déjà fait l’objet de trois lectures.

Sur deux fronts

Le timing n’est pas non plus idéal. Les partis lancent leur campagne pour les élections communales et provinciales, ce qui leur laisse moins de temps et d’énergie à consacrer à l’échelon fédéral. Et moins de marge pour aborder les sujets délicats. «Les différents partis vont sans doute être interrogés, à l’occasion de cette campagne, sur le contenu de cette supernote. Cela va être assez difficile d’assumer collectivement de continuer sur cette base-là», estime Caroline Sägesser.

Les chances d’avoir un gouvernement fédéral d’ici les élections communales sont donc quasi nulles. «Bart De Wever présente son rapport au Roi à trois semaines du scrutin. Au niveau de la mobilisation et de l’énergie, c’est improbable. Mais aussi parce qu’on n’était pas près d’un accord. Cela a coincé relativement au début du processus de négociation», rappelle-t-elle. Dave Sinardet n’y croit pas non plus. «Avec la campagne, on perd quand même un mois et demi. Ils vont continuer à travailler, mais pas les sujets centraux, et probablement à un rythme un peu diminué. Le timing de ces élections locales fait perdre un temps important. Il est trop tard pour former un gouvernement avant.»

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire