Chez Les Engagés, une surprise, une demi-surprise et des non-surprises
Sans grande surprise, Les Engagés ont approuvé leur participation à la coalition Arizona, dimanche soir à Liège. Un peu plus surprenant, par contre: quelques élus bruxellois avaient choisi de bouder le rendez-vous. Voici les éléments plus ou moins attendus de la convention du parti centriste.
Les mauvaises langues diront que la convention de participation au gouvernement fédéral des Engagés était un peu longue, à l’image des négociations pour la constitution de la coalition Arizona. L’horaire annoncé ne fut pas tout à fait respecté, au Palais des congrès de Liège, posé sur la rive droite de la Meuse. Mais en bout de course, les quelque 750 militants et élus du parti centriste ont, à l’image de ceux des quatre autres partis de l’Arizona, donné leur feu vert à la majorité fédérale naissante.
Les Engagés s’apprêtent à renouer avec le pouvoir à tous les étages, après dix ans d’opposition. C’est sans doute dans la nature du mouvement centriste, fort de sa victoire électorale, d’être dedans plutôt qu’au balcon.
L’affaire est censée être réglée comme du papier à musique. Le président de parti et les négociateurs parviennent à un accord, le présentent à leurs ouailles pour recueillir leur approbation. C’est, en principe, l’absence de suspense à l’état pur, bien que quelques éléments moins prévisibles ont pu se produire.
La non-surprise: le casting ministériel
Ils ont beau dire qu’ils participent à une telle convention pour découvrir plus avant les contours de l’accord de gouvernement, les adhérents d’un parti y attendent aussi et surtout une information qui les taraude: alors, c’est qui ?
Pour le coup, le casting ministériel des Engagés – il n’y a pas de secrétaires d’Etat, mais des ministres uniquement – aura collé parfaitement aux prévisions et aux bruits de couloir que la presse avait bien pu répercuter les derniers jours. Le désormais ex-président et ses deux négociateurs en chef «monteront» bien au gouvernement.
Maxime Prévot, donc, hérite des Affaires étrangères, des Affaires européennes et de la Coopération au développement, comme il l’a confirmé en toute fin de convention de participation. Les statuts des Engagés ne lui permettant pas de cumuler un poste dans un exécutif avec la présidence, une élection interne sera organisée endéans trois mois. En attendant, c’est le député européen Yvan Verougstraete qui se charge de la présidence ad intérim.
L’Aqualienne Vanessa Matz obtient un portefeuille baptisé «Action et Modernisation publiques». Cela comprend les entreprises publiques, la régie des bâtiments, la fonction publique, le numérique et l’intelligence artificielle, de même que les établissements scientifiques fédéraux.
Jean-Luc Crucke, passé du MR aux Engagés il y a deux ans, devient ministre du Climat, de la Mobilité et de la Transition environnementale.
Pour eux, c’était par contre une surprise, parce qu’ils n’avaient pas tout à fait été prévenus: les suppléants des trois nouveaux ministres sont a priori appelés à siéger à la Chambre. Il s’agit du Hainuyer Julien Matagne (c’est à confirmer), mais aussi du bourgmestre de Beauraing Marc Lejeune, qui a confirmé au Vif son intention de bien se consacrer au mandat de député fédéral. Vanessa Matz doit être remplacée par la Liégeoise Carine Clotuche qui, accessoirement, est devenue échevine en Cité ardente. Là, le jeu de chaises musicales demande encore à être confirmé ou clarifié.
Une demi-surprise dans le casting, enfin: l’ancien recteur de l’UCLouvain, Vincent Blondel, devient président d’un Sénat qui est appelé à disparaitre.
L’autre non-surprise: les arguments
Il eut été ardu de comptabiliser le nombre de fois où les intervenants à la convention ont parlé de «responsabilité» face aux enjeux divers et variés. Si Les Engagés ont négocié tout au long des sept derniers mois, c’est parce qu’ils sont «responsables», donc, face aux impérieuses urgences: budgétaire, économiques, en termes de pouvoir d’achat des travailleurs, de viabilité du système de pensions, de climat, de santé bien sûr, de sécurité, de politique migratoire et de gouvernance, comme les a énumérées Maxime Prévot.
Les Engagés, ont-ils insisté, se sont attachés à préserver le caractère «humain», «bienveillant» et «nuancé» de l’accord. Tel est leur ADN politique. Parce qu’il convient de penser «aux prochaines générations et non aux prochaines élections», pour reprendre une des formules favorites du Namurois.
D’autres présidents de partis, eux, voulaient ceci ou cela. Si Les Engagés n’avaient pas été autour de la table, l’histoire eût été écrite différemment. Un exemple illustratif: la politique migratoire, dont le durcissement a été une des pilules les plus compliquées à avaler. Mais «grâce à notre entêtement humaniste, la loi de mai 2024 qui concerne notamment l’interdiction d’enfermement des enfants a été confirmée par le futur gouvernement. Ca a été un des combats les plus âpres à mener, mais le plus satisfaisant à emporter», selon Maxime Prévot. Voilà donc de quoi convaincre les militants, qui auront pu être séduits par le traditionnel argumentaire «sans nous, ce serait bien pire».
La demi-surprise: un vote presqu’unanime
Les membres des Engagés ne sont pas réputés pour être les militants les plus revêches. Mais le fait que la participation gouvernementale soit approuvée par la totalité des personnes présentes moins trois abstentions n’était pas forcément gagné d’avance. Du moins, pas dans de telles proportions.
Un petit coup de sonde parmi les élus et militants, peu scientifique certes, permettait de mesurer une certaine incrédulité. Si les Engagés sont souvent arrivés «rassurés qu’un accord soit enfin trouvé», un «accord assez équilibré» qui plus est, il n’était guère difficile de percevoir un brin de scepticisme chez d’autres. «Les soins de santé sont vraiment préservés, c’est positif. Par contre, la fin des allocations de chômage après deux ans, je ne dis pas bravo. Mais ces allocations sont plus importantes au début du chômage, ça compense un peu», confiant cet ancien ministre CDH. «C’est un compromis, donc ça ne peut pas être pleinement satisfaisant.»
Quelques craintes pour le devenir de l’agriculture, le sort du personnel des soins de santé ou encore des pensionnés se laissaient entendre. Au final, elles n’auront en rien entravé la bonne marche vers la participation gouvernementale.
La surprise: des absents remarqués
Le sujet ne fut pas évoqué lors de la convention, ou à peine effleuré, tout au plus. Mais la réunion des Engagés aura aussi été marquée par l’absence des quatre bourgmestre de la Région bruxelloise: Benoit Cerexhe (Woluwe-Saint-Pierre), Claire Vandevivere (Jette), Christian Lamouline (Berchem-Sainte-Agathe) et Jean-Paul Van Laethem (Ganshoren). Ils protestent contre la fusion des zones de police des communes bruxelloises actée dans l’accord de gouvernement.
Qu’en disait-on à la convention? Certains mandataires locaux bruxellois avaient, eux, fait le déplacement. La fronde n’était donc pas généralisée. L’ancien bourgmestre de Ganshoren, Pierre Kompany, apostrophé, n’avait pas très envie d’en parler. «C’est un non-sujet. Franchement, il n’y a pas besoin d’en faire tout un plat», commentait-on dans l’entourage de Maxime Prévot. Yvan Verougstraete, lui, devine déjà que ce sera l’un des premiers nœuds à résoudre. «Je comprends qu’ils soient fâchés, ils ont leurs raisons. Et ils le sont, fâchés… Mais ils doivent comprendre que c’est un accord global, avec ses équilibres, et qu’ils garderont des prérogatives en tant que bourgmestre. Est-ce que nous demandions cette fusion? Non. Est-ce que nous avons limité la casse par rapport aux velléités de la N-VA? Certainement!», glissait cette personnalité bruxelloise des Engagés.
Voilà ce dont on a peu parlé à la convention des Engagés, mais qui, dans l’esprit de la tête du parti, tranche un peu avec la quasi-unanimité obtenue ce dimanche soir à Liège.
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