Arizona
Bart De Wever doit avoir un plan. Il doit savoir des choses qu’on ne sait pas. © BELGAIMAGE

Sauver l’Arizona à tout prix: ce que Bart De Wever peut encore faire

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Le formateur a reçu une ultime quinzaine pour trouver un accord au fédéral. S’il ne parvient pas à rabibocher l’Arizona, la crise sera vraiment profonde.

S’agit-il d’acharnement thérapeutique ou le formateur a-t-il de réelles chances d’enclencher de véritables négociations pour la formation d’un gouvernement fédéral? Au terme d’une douzième rencontre avec le roi, ce 12 novembre, Bart De Wever (N-VA) a donc été reconduit dans sa fonction pour deux semaines, jusqu’au 25 novembre. Vu de loin, il semble que le bourgmestre d’Anvers n’a plus de plan pour former l’Arizona. Mais il doit en avoir un. Il doit savoir des choses qu’on ne sait pas. Et s’il n’en a pas, si ça ne fonctionne pas, si même avec les francophones de droite il ne parvient pas à installer un gouvernement national, il pourra toujours dire que c’est parce que ce pays ne mérite pas de gouvernement national, et que s’il ne le mérite pas, c’est parce qu’il n’est pas une nation, ce qui lui donnera raison.

En attendant d’avoir raison, il s’agit pour Bart De Wever de mettre sur pied une coalition que chacun appelle de ses vœux, mais que personne ne parvient à réellement faire émerger.

C’est une formule qui semblait s’imposer d’elle-même, dès le dimanche soir des élections législatives de juin, mais qui aura connu son lot de contretemps et de soubresauts. Et cette tentative est plus que probablement la dernière chance de voir se constituer une Arizona au fédéral. Surtout avec Bart De Wever à sa tête: après, tout sera possible, y compris que d’autres que lui accèdent au 16. Les potentiels partenaires le savent et c’est pourquoi, sans doute, le formateur est condamné à réussir. C’est éventuellement cette gravité ambiante qui provoquera sa réussite, d’ailleurs.

Bart De Wever le veut, dirait-on.

Changement de méthode pour l’Arizona

Le président de la N-VA n’a pas abandonné l’idée de faire revenir Vooruit et son président, Conner Rousseau, autour de la table. C’est pourquoi il a encore cherché à le convaincre, sans y parvenir cependant, dans les jours qui ont précédé sa dernière visite au palais royal. Il l’a fait en lui soumettant l’une ou l’autre proposition, sans que ce soit concluant, mais n’a pas abandonné l’idée pour autant.

Mardi, après avoir été reconduit dans sa mission de formateur, sa première déclaration a consisté à répéter qu’il était à la recherche d’une «majorité stable». Or, c’est mathématique et cela a été répété maintes fois, c’est bien la formule Arizona qui doit offrir la plus grande stabilité: elle est largement majoritaire, qui plus est de chaque côté de la frontière linguistique, et comprend les partis qui ont choisi de s’unir à d’autres échelons de pouvoir.

A titre personnel, Bart De Wever souhaite d’autant plus parvenir à un accord au terme de la quinzaine que son heure sera passée, s’il n’y parvient pas. Il est probable qu’un autre chapitre s’ouvre, sans lui donc, si cette séquence ne se conclut pas de manière positive. Lui-même annonce qu’il proposera une autre méthode de travail, constatant comme ses partenaires potentiels qu’il peinait à recueillir l’assentiment général en débarquant avec ses «supernotas» successives.

Sa dernière prolongation par le roi n’était pas forcément une évidence, y compris à l’intérieur des partis impliqués dans les discussions. D’aucuns auraient bien vu un autre protagoniste (de type «démineur» ou autre) entrer dans la danse, comme Maxime Prévot (Les Engagés) le fit en août. Cette fois, c’eût sans doute été au tour de Sammy Mahdi (CD&V), mais ce n’est pas ce qui s’est en définitive décidé. Pourtant, ce sont les centristes, cette famille qui se dit ouverte à tous les possibles, qui ont empêché l’Open VLD de remplacer Vooruit. Le 4 novembre, Maxime Prévot s’y était montré favorable, semblant entériner le retrait définitif de Conner Rousseau. Mais le soir même, son homologue flamand avait fermé la porte. Les deux se sont, depuis, solidement planqués derrière cette porte claquée, jusqu’au matin du 12 novembre, où Sammy Mahdi a réitéré son opposition à, a-t-il déclaré sur la VRT, «cette coalition du chaos». Les centristes y auraient perdu le statut de première famille politique de la majorité (25 sièges au CD&V et aux Engagés, contre 27 au MR et à l’Open VLD). Ils préfèrent conserver, avec leur centralité dans le «game» fédéral, cette primauté.

Mais les autres la veulent toujours, l’Arizona, paraît-il.

En attendant mieux?

Les quatre partis toujours en course se voient entre eux d’abord, depuis la semaine dernière, avant d’y voir plus clair sur la suite des événements. Faire rentrer Vooruit au bercail est une évidence pour les deux partis centristes surtout, qui s’installeraient d’autant plus confortablement dans une coalition Arizona qu’ils n’en incarneraient pas la force la plus à gauche. Les Engagés, en particulier, se sentiraient moins mal avec Vooruit que sans, dans un gouvernement se plaisant à imposer des économies à certains des secteurs qui leur sont chers.

L’autre option, rapidement évoquée lorsque Vooruit a tourné les talons, consistait à inclure l’Open VLD dans la fameuse formule «Lagon». Les défauts d’une telle configuration ont, eux aussi, maintes fois été exposés: une majorité qui ne tiendrait qu’à un seul siège à la Chambre, donc trop courte, trop fragile, trop instable.

Mais pendant que Sammy Mahdi (CD&V) refuse obstinément d’envisager une telle option et que Maxime Prévot (Les Engagés) exprime de fortes réticences, c’est en toute logique du côté du MR et de son président, Georges-Louis Bouchez, qu’on est le moins frileux à l’idée de mettre sur pied une coalition sans parti de gauche. L’Open VLD est censé s’engager dans une refondation profonde, après s’être fait laminer deux fois, en 2019 après la suédoise, en 2024 après la Vivaldi. Un double laminage tellement puissant qu’il y en a, côté francophone, pour se dire que les libéraux flamands pourraient devenir une filiale de la Toison d’Or. Autant dire que les libéraux néerlandophones auraient beaucoup à perdre dans cette nouvelle suédoise, que certains habiles spin doctors ont eu tôt fait de rebaptiser «Lagon». Mais Georges-Louis Bouchez a insisté. Il a insisté pour que les socialistes flamands soient définitivement mis hors course. Il a insisté pour que l’Open VLD soit sollicité. Il a insisté pour que la famille centriste y aille avec le VLD plutôt qu’avec Vooruit, Maxime Prévot l’a un peu professé au début, Sammy Mahdi jamais, et les centristes ont fini par l’empêcher de réaliser son plan sans accroc.

Alors aujourd’hui, le MR doit dire qu’il la veut, lui aussi, cette Arizona, en attendant peut-être mieux.

Et Conner Rousseau, le veut-il? C’est ce qu’il faudra savoir dans les deux semaines à venir. C’est peut-être ce que Bart De Wever sait déjà.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire