Lors du long débat parlementaire sur la Déclaration de politique générale, le Premier ministre ne l’a pas épargnée. Alexia Bertrand, critique sur l’Arizona et son budget, le prend comme un compliment. © BELGA

Alexia Bertrand (Open VLD) sur les débuts de l’Arizona et le budget: «Bart De Wever est très fort en storytelling»

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Secrétaire d’Etat au budget sortante, Alexia Bertrand (Open VLD) s’étonne du «côté un peu amateuriste» des premiers jours de l’Arizona de Bart De Wever et du budget qu’il présente.

Secrétaire d’Etat au Budget dans le gouvernement De Croo, la Bruxelloise Alexia Bertrand sera cheffe de groupe Open VLD à la Chambre des représentants. Dans l’opposition donc, même si elle est toujours, aux dernières nouvelles, membre du MR. Lors du long débat parlementaire sur la Déclaration de politique générale, le Premier ministre Bart De Wever l’a souvent prise, et durement, pour cible. Bien davantage que les verts qu’il n’a repris qu’une fois, pour en faire une vidéo virale, plus que le Vlaams Belang, auquel il n’a fait l’honneur d’aucune interruption, et même plus que le Parti socialiste de Paul Magnette, dont il n’a ricané qu’une fois ou deux. Alexia Bertrand le prend comme un compliment. «Ce n’est pas illogique. Nous sommes venus avec une opposition de fond, alimentée par notre expérience des responsabilités, qui fait que nous avons pu identifier très vite les forces et les faiblesses de ce qu’il y avait dans les tableaux budgétaires ou dans l’accord de gouvernement. Il a réagi lui-même, assez fort, sans doute parce qu’on avait mis le doigt sur certains points faibles, notamment sur les contradictions dans l’accord de gouvernement entre les versions francophone et néerlandophone, les erreurs dans les tableaux budgétaires, etc. Mais il y a un peu de théâtralisation, il n’est pas comme ça en coulisses. Et ça ne veut pas dire que nous ne serons pas constructifs», dit-elle.

Le message que vous avez voulu faire passer à la Chambre, c’est que tout cela manquait quand même fortement de sérieux, non?

Ce qu’on a voulu faire passer, c’est: un, ça va surtout taper sur la classe moyenne, qui, proportionnellement, paiera trop, pour les plans de Monsieur De Wever et pour mettre le budget en ordre. Deux, ses grandes ambitions de campagne, il les a fortement revues à la baisse. Et trois, il y a beaucoup d’occasions manquées, pour réformer ou pour aller plus loin, par exemple dans le domaine fiscal, où ce n’est pas une réforme fiscale! Il n’y a pas de suppression de tranche, et même pas de suppression de la cotisation spéciale de sécurité sociale. La quotité exemptée soutiendra les bas salaires, c’est bien, on l’appuie, mais ce qui est problématique, c’est qu’alors que la classe moyenne sera très peu aidée par l’augmentation de la quotité, elle payera par ailleurs beaucoup plus. C’est dommage que la réforme fiscale ne booste pas tout le monde, et que ce soit la classe moyenne qui paie pour l’assainissement des finances, alors qu’il y avait moyen de limiter les dépenses ailleurs.

«Ne me faites pas dire que tout ça manque complètement de sérieux, ce ne serait pas juste.»

Avec la gauche, vous êtes plus ou moins d’accord pour affirmer que les calculs ne sont pas bons, mais vous n’êtes pas d’accord sur les économies à faire…

Voilà. Le PS n’est pas d’accord avec la réforme des pensions ou la limitation du chômage dans le temps. Nous, on dit que c’est indispensable, sinon on va droit dans le mur. En revanche, j’aimerais qu’on planche sur les carrières. Annoncer aux militaires qu’ils ne pourront plus partir à la pension à 56 ans, je le comprends. Mais ne pas plancher sur les carrières pour veiller à ce qu’il y ait autre chose pour eux, pour les réorienter, ça, ça ne va pas! Il est vrai qu’on a dénoncé un côté un peu amateuriste, surprenant vu les déclarations très fortes. Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait des erreurs dans les tableaux budgétaires, des choses qu’il fallait corriger, des effets retour d’une ampleur jamais vue… Mais ne me faites pas dire que tout ça manque complètement de sérieux, ce ne serait pas juste.

Il existe aussi, entre tous les partis, des définitions différentes des «épaules les plus larges»…

On sait que chaque fois qu’on parle des épaules les plus larges, on arrive très vite à la classe moyenne. La taxe sur les plus-values, c’est dans le chapitre «épaules les plus larges». Mais en réalité, de Raoul Hedebouw à la droite et l’extrême droite, et tous les fiscalistes le soutiennent, tout le monde est d’accord, c’est la classe moyenne qui va la payer. C’est l’investisseur passif, celui qui a économisé 20.000 euros sur ses salaires. Si on les place dans un tracker pendant huit ans, on obtient un rendement de 7% à 8%, ça fait un gain de quelque 10.000 euros. Donc oui, c’est la classe moyenne. Comme la fiscalité sur les secondes résidences, qui touchera une partie de la classe moyenne qui a investi dans un petit appartement à la mer pour sa pension, par exemple. Cette classe moyenne sera ici pénalisée avec effet immédiat, ce qui me semble aller à l’encontre du principe de non-rétroactivité. Donc, là, je pense que les 210 millions prévus pour 2025 devront être revus. Et il y a encore d’autres questions sur les tableaux, dont on a moins parlé. Ce qui est inquiétant, c’est que les charges augmentent dès le début de la législature –ce sera mis en œuvre d’entrée de jeu–, tandis que les baisses de charges, elles, pour autant qu’elles interviennent, sont plutôt pour la fin de la législature…

«Chaque fois qu’on parle des épaules les plus larges, on arrive très vite à la classe moyenne.»

Bart De Wever a eu beau jeu de vous demander pourquoi, pendant les 25 années où l’Open VLD fut au pouvoir, vous n’aviez pas fait toutes ces réformes libérales que vous lui reprochez de ne pas mettre en œuvre…

D’abord, on l’a fait, les libéraux ont fait des réformes, et ce sont des choses dont nous sommes fiers. On a supprimé des tranches à l’IPP. Sous le gouvernement Verhosftadt, c’était la tranche à 55% que nous avons supprimée. Avec le gouvernement Michel c’était la tranche à 35%. On a baissé l’impôt des sociétés, on a baissé les cotisations sociales, on a augmenté les pensions des indépendants qui étaient misérables. Ensuite, toutes ces années, on a été côte à côte avec le MR, ensemble, entre libéraux. Mais dans la Vivaldi, c’était très compliqué puisqu’il y avait quatre partis de gauche dans la coalition –le PS, Vooruit, Groen et Ecolo. Et je suis encore gentille parce que je ne compte pas le CD&V qui, un jour sur deux, se réveille à gauche. Et malgré ça on a engrangé une série de réformes. Aujourd’hui, la configuration électorale est autre, Bart De Wever est à la tête d’un gouvernement autoproclamé de centre-droit, le seul parti de gauche, c’est Vooruit. Donc il a un boulevard pour mener des réformes. C’est comparer des pommes et des poires. Mais Bart De Wever est très fort en storytelling, et j’ai l’impression qu’il parvient même à faire oublier que trois partis de l’Arizona participaient à la coalition Vivaldi et défendaient son bilan…

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