Faut-il faire référence au parti national dans le nom de la liste pour les élections communales? Cette question a agité le monde politique local ces derniers mois. © BELGAIMAGE

“Agir ensemble”, “Liste du Bourgmestre”, “Renouveau communal”: comment les partis choisissent le nom des listes locales

Nathan Scheirlinckx
Nathan Scheirlinckx Journaliste au Vif

Faut-il faire référence au parti national dans le nom de la liste pour les élections communales? Cette question a agité le monde politique local ces derniers mois. Tendances du dernier scrutin, taille de l’entité, possession du maïorat… Chaque équipée a étudié ces différents facteurs pour tenter d’obtenir la combinaison gagnante dans les urnes le soir du 13 octobre.

Après leur percée régionale et nationale consécutive aux élections du 9 juin dernier, le MR et Les Engagés espèrent transformer l’essai lors du scrutin communal et provincial qui se profile. Les états-majors des deux partis qui composent le gouvernement Azur en Wallonie veulent disposer d’une marge de manœuvre la plus large possible pour implémenter leur politique réformiste. Les libéraux veulent que «les communes s’éclairent» le 13 octobre, alors que les centristes ont fixé un «objectif proximité» à cette date du calendrier.

Encore faut-il que les troupes locales suivent l’ordre de bataille désiré en haut lieu: celui de faire référence aux populaires marques «MR» et «Les Engagés» dans le nom des listes. D’après un ouvrage scientifique analysant les élections locales de 2018, inclure le «label national» des partis dans la terminologie des listes locales peut influencer le résultat des urnes. Les auteurs ont démontré que, malgré une tendance à la «nationalisation des élections locales», Écolo, MR, PS et Engagés (alors cdh) avaient davantage recouru à des «labels alternatifs» au moment de nommer leurs listes locales.

Même si tendanciellement, le PS et Ecolo sont les partis imposant le plus à leurs sections locales d’inclure le nom du parti dans celui des listes. «Le jeu des partis est de garder leurs fidèles idéologiques tout en attirant ceux qui ne voteraient pas pour le parti aux régionales/fédérales, mais peuvent être séduits par certains candidats», introduit le politologue Vincent Jacquet (UNamur).

«Le jeu des partis est de garder leurs fidèles idéologiques tout en attirant ceux qui ne voteraient pas pour le parti aux régionales/fédérales, mais peuvent être séduits par certains candidats»

Vincent Jacquet (UNamur)

Des listes locales de plus en plus “alternatives”?

Les «Liste Bourgmestre» et «Intérêts Communaux» prennent donc de plus en plus la place des traditionnelles «Liste MR» et «Liste PS», pour citer deux exemples. © BELGAIMAGE

Les «Liste Bourgmestre» et «Intérêts Communaux» prennent donc de plus en plus la place des traditionnelles «Liste MR» et «Liste PS», pour citer deux exemples. Cette «localisation» de l’offre politique est-elle à l’ordre du jour en vue des élections communales qui se profilent? En attendant des analyses plus poussées, plusieurs coups de sonde dans les communes wallonnes donnent le la.

Les retours du terrain semblent confirmer cette hypothèse: à Couvin, Ecolo est le seul parti francophone associé au nom d’une liste. MR et Engagés ont joint leurs forces au niveau de l’entité namuroise, sur une liste baptisée «Unis». S’y retrouvent également cinq conseillers communaux socialistes. Comment expliquer ce regroupement des trois partis traditionnels sur une même liste? «À Couvin, les gens votent pour des personnes et non des partis, note la libérale Jehanne Detrixhe, qui sera tête de liste. La commune n’étant pas un bastion bleu, nous avons choisi de réunir des personnalités fortes aux sensibilités différentes, quitte à ne pas surfer sur la vague initiée par le MR et Les Engagés en Wallonie.»

Le pourquoi du comment des «Liste du Bourgmestre»

Un choix également posé dans d’autres entités, comme Seneffe et Nivelles, où les expérimentés bourgmestres Bénédicte Poll et Pierre Huart, tous deux MR, emmèneront une «Liste du Bourgmestre». © BELGAIMAGE

Un choix également posé dans d’autres entités, comme Seneffe et Nivelles, où les expérimentés bourgmestres Bénédicte Poll et Pierre Huart, tous deux MR, emmèneront une «Liste du Bourgmestre». «Notre liste comprend des personnes qui ne sont pas apparentées à un parti», explique la première. «Faire référence au bourgmestre est plus évocateur, les citoyens savent qu’ils retrouveront sur la liste des personnes présentes sur le terrain à leurs côtés», justifie le second. «Au niveau communal, présenter une liste complète n’est pas évident, analyse Vincent Jacquet. Cela signifie que même les listes apparentées à des partis traditionnels doivent aller chercher, qu’elles le veuillent ou non, des personnes externes pour compléter leur liste». D’où la liste «PS+» à Liège par exemple, qui comporte le parti écologiste Vega.

«Faire référence au bourgmestre est plus évocateur, les citoyens savent qu’ils retrouveront sur la liste des personnes présentes sur le terrain à leurs côtés»

Pierre Huart (MR), bourgmestre de Nivelles

À Waterloo, par contre, la team libérale a choisi de faire référence au parti national. La bourgmestre Florence Reuter conduira la «Liste MR», que tentera de défier le «Renouveau communal Waterloo», nouvelle liste citoyenne formée par des ex-MR et ex-DéFi.

Un choix stratégique qui peut peser dans les urnes

Comment expliquer ces différences quant au choix du nom des listes? La première considération est stratégique: les candidats aux élections communales veulent maximiser leurs chances d’être élus. «Loin d’être seulement le reflet de considérations idéologiques, le choix de faire référence à un parti est également le résultat de calculs électoraux», expliquent plusieurs politologues issus d’universités francophones dans un livre paru après les élections locales de 2012. Les chercheurs pointent d’autres facteurs expliquant la réflexion autour de la composition du nom des listes. «Aucun de ces noms n’est le fruit du hasard. Chacun résulte d’une conjonction de facteurs alliant histoire, personnalité, alliance, ouverture, et encore d’autres variables souvent locales. Celui-ci peut servir à marquer l’ouverture et la distanciation par rapport au parti dont certains des candidats sont membres», écrivent-ils.

Un autre facteur, spatial cette fois, impacte le processus décisionnel. On retrouve davantage le «label national» des partis dans les grandes villes que dans les cités rurales. À deux exceptions près: «A Bruxelles, la campagne électorale se fait dans les deux langues, explique le politologue Min Reuchamps (UCLouvain). Et dans les entités où les bourgmestres se représentent, certains préféreront mettre en avant cette dimension plutôt que le parti, car elle est plus rassembleuse.»

Ces noms que les partis ont souhaité ne pas voir sur les listes locales

À noter que le Code de la démocratie locale et de la décentralisation permet aux partis de prohiber l’utilisation de certaines dénominations au niveau des listes locales (dont voici la liste complète). Ainsi, le MR a interdit l’usage des sigles PRLW, PRL ou encore Renew. Le Parti Socialiste, lui, a voulu éviter l’emploi des sigles PSB et POB. De même du côté des Engagés (pas d’utilisation permise des sigles PSC et cdh) et d’Ecolo (aucune mention d’Ecolo-Verts ou de Les Ecolos par exemple).

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