Affaire Milquet: la Cour constitutionnelle rejette la contestation du « privilège de juridiction » des ministres
L’ancienne ministre fédérale Joëlle Miquet a été épaulée par le gouvernement wallon, contre le gouvernement fédéral, dans un volet de l’affaire dite des « collaborateurs » ministériels. Mais en vain: la Cour constitutionnelle a rejeté, dans un arrêt publié jeudi, la contestation par Mme Milquet du « privilège de juridiction » des ministres.
Cela fait huit ans qu’un dossier pour prise illégale d’intérêt est pendant à l’encontre de Mme Milquet. L’ex-présidente du cdH est soupçonnée d’avoir engagé des collaborateurs dans son cabinet, lorsqu’elle était ministre de l’Intérieur et vice-Première ministre, pour les affecter à des tâches liées à sa campagne électorale, ce qu’elle conteste. En 2015, elle avait été inculpée et contrainte de démissionner de son nouveau poste de ministre de l’Éducation à la Fédération Wallonie-Bruxelles.
L’affaire, qui en décembre 2021 en était au stade de la chambre des mises en accusation, a été portée devant la Cour constitutionnelle via une question préjudicielle soulevée à la demande de la défense de Mme Milquet. Cette dernière conteste le fait que les ministres, qui sont directement jugés par une cour d’appel selon le principe du « privilège de juridiction », ne bénéficient dès lors pas d’un contrôle de l’instruction par une juridiction supérieure. Elle y voit une discrimination non justifiée.
Mme Milquet a reçu le soutien du gouvernement wallon dans cette analyse. Tous deux ont plaidé qu’il n’était pas normal de voir l’instruction d’un ministre contrôlée par un juge du même degré et du même ressort que celui qui instruit l’affaire impliquant ce ministre. On pourrait douter de l’impartialité de ces juges du fait qu’ils appartiennent au même collège, selon les requérants.
Le gouvernement fédéral ne partage pas ce point de vue. Certes, certaines règles du privilège de juridiction, prises isolément, peuvent être considérées comme défavorables aux ministres, telle l’absence d’un double degré de juridiction. Mais il faut considérer l’équilibre, dit le conseil des ministres: d’autres règles leur sont davantage favorables, telle la composition de la cour d’appel, qui juge le ministre en assemblée générale. Ainsi, l’instruction est confiée à un magistrat « particulièrement qualifié et expérimenté », puisqu’il a le rang de conseiller de la cour d’appel. D’autres garanties sont prévues.
Quant à l’impartialité, il est particulièrement important de faire contrôler l’instruction par un magistrat d’une autre juridiction dans le cas où c’est un magistrat qui serait inculpé, si l’on veut éviter que ce magistrat soit jugé par ses propres collègues. Mais cela ne se justifie pas pour un ministre, dit le conseil des ministres.
La Cour n’a pas suivi Mme Milquet ni le gouvernement wallon. Elle a conforté le privilège de juridiction. Elle note qu’une suspicion de partialité ne pourrait naître que s’il existait entre les magistrats instructeurs et les juges chargés de contrôler la régularité de l’instruction des liens plus spécifiques que la collégialité, par exemple des liens hiérarchiques ou familiaux.
Au final, « les ministres bénéficient de garanties suffisantes, qui sont de nature à assurer à leur égard une administration de la justice impartiale et sereine », assure la Cour constitutionnelle.
Enrichie de cette réponse de la haute juridiction, l’affaire peut reprendre son cours devant la chambre des mises en accusation.