Le «gang des vieux en colère», qui avait l’habitude de manifester sous le gouvernement Michel, risque de revenir dans la rue à la lecture du plan de l’Arizona pour les pensions. © BELGA

Accord de Pâques: l’Arizona fixe ses 2 priorités pour les pensions

Sylvain Anciaux

L’accord de Pâques de l’Arizona met les priorités sur les réformes des pensions attendues durant cette législature. Au sabre, le gouvernement préfère l’inflation comme outil de régulation.

C’est un peu une surprise, à première vue: l’Arizona, gouvernement de droite, s’attaque aux grosses pensions dès les premiers mois de son mandat. En tout cas, la couleur est annoncée par le ministre de tutelle, Jan Jambon (N-VA), depuis le début de son mandat, et confirmée par l’accord de Pâques bouclé le 11 avril au soir par les membres du gouvernement et que Le Vif s’est procuré. On y retrouve la limitation annoncée du plafond Wijninckx, dont le montant absolu légal s’élève aujourd’hui à 99.499,24 euros brut par an.

Si les limites fixées par l’Arizona (qui ne manque pas de le préciser dans le texte) «ne s’appliquent pas qu’aux fonctionnaires», ce sont tout de même celles-ci qui sont pointées par le nouvel exécutif, introduit Maxime Fontaine, économiste et chercheur en finances publiques à l’ULB. «En réalité, il y a peu de personnes concernées par cette limitation. Les grosses pensions, ce sont celles des fonctionnaires comme les juges, les professeurs d’université, les haut fonctionnaires ou les directeurs. » L’Echo donne le chiffre de 60.000 pensionnés concernés, parmi lesquels Maxime Fontaine ne prédit aucun travailleur du privé.

Pensions: dégonfler le ballon

Et l’Arizona veut aller vite, «les réformes annoncées par le gouvernement visent aujourd’hui principalement des gens qui sont déjà à la retraite», assure l’économiste de l’ULB. Concrètement, et à partir de juillet jusqu’à la fin 2029, si une pension se trouve au-delà du plafond mensuel de 5.250 euros brut, elle ne pourra être majorée que de 2% du montant minimal mensuel garanti de la pension d’un retraité isolé, soit 36 euros. Si une pension actuelle taquine le plafond de 5.250 euros brut mensuels mais qu’un index la ferait passer outre la limite, l’indexation serait partiellement appliquée et bloquée à 36 euros au-delà du plafond également. «On peut y voir une forme de justice face à ces grosses pensions, commente Maxime Fontaine, mais c’est aussi une forme de retrait sur un salaire différé.»

L’autre élément majeur du plan pascal de l’Arizona sur les pensions consiste en une harmonisation, par une augmentation, de l’impôt sur les pensions complémentaires. Jusqu’à présent, la législation prévoit une retenue à la source de 0% sous un montant de 2.478,95 euros, et de 2% au-delà des 24.789,35 euros, et de 1% entre ces deux montants. A noter que pour un plan de pension doté d’un capital de plus de 150.000 euros, le taux passe à 4%. Le but est ici d’instaurer un taux de 2% sur les fonds de pension, peu importe le montant. «Si les pensions complémentaires importantes seront plus imposées, ce sera également le cas pour les petites pensions, bien plus nombreuses», conclut Maxime Fontaine.

C’est, en réalité, un numéro d’équilibriste auquel se livre Jan Jambon. A en lire l’accord de Pâques, pas une ligne ne garantit un relèvement des pensions plus basses. Pour les indépendants qui atteignent l’âge légal de la retraite, et à partir du premier juillet, il sera possible de continuer le travail afin de se constituer des droits de pension complémentaire. Mais aucune pension, publique ou privée, n’est artificiellement gonflée ou diminuée. «Mais Jan Jambon veut faire tout lentement pour revenir à des pensions qui atteindront automatiquement le plafond Wijninckx, d’ici 30 ans quand l’argent vaudra beaucoup moins. Le ministre veut sûrement que la pension des salariés rattrape celle des fonctionnaires… En bloquant les plus hautes.»

Les pensions, c’est aussi du communautaire

Dans un dernier axe, l’Arizona remet tout doucement sur le tapis une question bien plus communautaire qu’il n’y paraît avec les «factures de responsabilisation des administrations locales». Le dispositif concerne les fonctionnaires nommés au sein des administrations communales et provinciales, et y compris pour la police locale. Initialement, ces administrations financent les pensions de leurs anciens membres via les cotisations de pension de base perçues la même année sur les fonctionnaires actifs.

En 2019, le ministre des Pensions du gouvernement Michel, Daniel Bacquelaine (MR), instaure la pension mixte et met fin au régime qui fournit une pension complète de fonctionnaire à n’importe quel travailleur à partir du moment où celui-ci a été nommé, même pour un an seulement. «Le gouvernement de l’époque s’est rendu compte que c’était tout de même violent, et a donc poussé les communes à mettre en place des plans de pension pour leurs contractuels», se souvient Maxime Fontaine. Pour les communes empruntant cette voie, les montants investis dans ce second pilier pouvaient être retirés de la cotisation de responsabilisation*, elle-même compensée des caisses des communes qui ont refusé d’instaurer le fameux second pilier. Elles ne sont aujourd’hui plus que 202, contre 732 qui ont accepté de mettre en place les plans de pension. «En 2019, les administrations locales responsabilisées émanaient à 84,3% de Flandre, 0,5% de Bruxelles, et 15,2% des administrations responsabilisées», sourit Maxime Fontaine.

Au bout du compte, les 202 localités «résistantes» n’ont plus suffi pour payer les 732 qui avaient instauré un second pilier. Ce que l’Arizona conclut dans son accord de Pâques, c’est qu’elle va augmenter sa compensation à hauteur de maximum 30% du dépassement de la cotisation de responsabilisation. «C’est clairement un aveu d’échec des partis du gouvernement Michel, pointe Maxime Fontaine. On est passé d’un système de solidarité à, désormais, l’aide du gouvernement fédéral pour un second pilier qui sera coûteux dans tous les cas.»

(*) Les localités exploitent 45% de leur masse salariale pour financer les pensions de leurs anciens fonctionnaires. Il arrive que les localités doivent (largement) dépasser ce seuil (au vu de la diminution du nombre de fonctionnaires, par exemple). L’écart entre les 45% initialement prévus et le montant final est ce qu’on appelle la cotisation de responsabilisation. Parfois, ce taux grimpe même à 120%, bien que légalement plafonné à 100%.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire