Dans plusieurs communes, on peine à recruter les candidats, à un an des élections. Cette réalité se fait sentir en milieu rural. © belga image

À un an des élections, des communes cherchent désespérément des candidats

Benjamin Hermann
Benjamin Hermann Journaliste au Vif

Les élections communales ont lieu dans un an. Recruter des candidats en nombre suffisant se transforme de plus en plus souvent en mission impossible, certaines communes de petite et moyenne taille.

Le sentiment est palpable parmi les mandataires locaux, bourgmestres en tête. La fonction est de plus en plus lourde et complexe. L’ingratitude des administrés a souvent pris le pas sur la reconnaissance du service rendu. Les réseaux sociaux font office de défouloir, les moyens manquent et, même au niveau de pouvoir que l’on dit si proche du citoyen, on se ramasse en pleine figure ce désamour de la classe politique qui traverse la société. A un an des élections du 13 octobre 2024, la question se pose avec acuité dans de nombreuses entités: parviendra-t-on encore à attirer suffisamment de candidats pour siéger dans les conseils communaux?

Les grandes villes et les grosses communes sont moins confrontées au problème. On y constituera quelques listes, complètes, pour se présenter à l’électeur. Le tableau est moins réjouissant au sein de communes wallonnes de petite ou de moyenne taille.

«Toutes listes et toutes tendances confondues, on perçoit une difficulté à recruter des candidats», confirme Maxime Daye (MR), bourgmestre de Braine-le-Comte, également président de l’Union des villes et communes de Wallonie (UVCW). Ce n’est pas que les citoyens ne s’intéressent pas à la chose publique, précise- t-il, plutôt qu’ils n’ont pas envie de s’y frotter eux-mêmes. On peut apprécier son bourgmestre, mais de là à rêver de ceindre son écharpe…

Les élus ont le blues. C’est la conclusion que l’UVCW tirait au printemps dernier d’une enquête réalisée par l’institut Dedicated auprès des bourgmestres, échevins et présidents de CPAS. Un chiffre marquait les esprits: quatre mandataires exécutifs sur dix envisagent de ne pas se représenter aux élections. Précisément, 61% des répondants pensent se représenter. Par contre, 17% restent indécis et 22% pensent ne pas se représenter. «Un mandataire sur dix souhaite tout à fait quitter la politique», indique encore l’UVCW.

Les motifs les plus cités sont le mauvais équilibre entre vies professionnelle et privée, la piètre image du monde politique et la charge de travail ou les difficultés à exercer le mandat. Parmi les signaux d’alarme figure aussi le fait que 75% des élus estiment qu’à l’avenir, le mandat local ne suscitera plus de vocation durable.

Des élus usés

Politologue à l’ULiège, Geoffrey Grandjean confirme ce risque de raréfaction des candidats. «On peut pointer ce fameux blues des élus, en effet. Du moins, ce constat que nombre d’entre eux sont fatigués, usés. L’image des politiques s’est également détériorée», annihilant quelquefois l’envie de figurer sur une liste. «Les listes citoyennes se sont multipliées en 2018. C’est un point d’interrogation: le phénomène va-t-il se confirmer ou se tasser? Je pointerais aussi l’année électorale 2024, pouvant en refroidir certains. La campagne sera longue, il va falloir durer

Avec son équipe, il a analysé les données relatives aux démissions des élus locaux en Wallonie durant une demi-mandature, de décembre 2018 à janvier 2022. Le résultat interpelle: sur un total de 7 020 mandats communaux, 1 072 (soit 15%) ont connu une fin prématurée. Dans neuf cas sur dix, cette fin résulte d’une décision personnelle.

A propos des bourgmestres, ceux des provinces de Liège et de Namur sont sous-représentés dans les chiffres, mais ceux du Hainaut et surtout de la province de Luxembourg sont surreprésentés. Cette dernière compte 17% des bourgmestres wallons, mais 30% des fins prématurées. Il se fait également que les bourgmestres des communes rurales ont davantage quitté leurs fonctions que ceux des communes urbaines. Ils représentent 44% des bourgmestres wallons, mais 61% des démissions.

La difficulté à trouver suffisamment de personnel politique pose des questions d’ordre démocratique. La difficulté à présenter plusieurs listes, des listes complètes, voire des listes tout court deviendra plus fréquente à l’avenir. Quid de la pluralité des opinions, du travail d’opposition et de la représentativité des citoyens?

Dans l’absolu, «la commune représentant un pouvoir essentiellement exécutif, l’exercice de certaines compétences pourrait être repris par un niveau de pouvoir supérieur, ce qui ne va pas dans le sens de l’autonomie communale. La Région wallonne pourrait envoyer des fonctionnaires dans des communes, mais on n’en est pas là», tempère le politologue. Pourtant, en théorie, il n’est pas impensable que la gestion de la chose publique soit confiée à des techniciens ou à des personnes ayant été désignées sans passer par les élections, «à l’instar du préfet, en France».

Des élections, vraiment?

Les formes de démocratie participative peuvent aussi être évoquées. Intéressantes, elles posent néanmoins une série de questions. Qui y participe réellement? Les citoyens sont-ils vraiment représentés? L’intérêt général est-il privilégié? Qui décide? Et comment? «Le conseil communal n’est pas qu’un lieu de libre débat, mais aussi de libre décision. On n’a pas encore trouvé mieux, jusqu’ici», pour matérialiser le rapport de force et aboutir à des décisions démocratiques. Mais l’institution communale est très ancienne, rappelle Geoffrey Grandjean: «Elle s’est adaptée et s’adaptera encore, il ne faut pas l’enterrer trop vite.»

«A titre personnel, je considère que la participation citoyenne, c’est encore les élections communales», estime Maxime Daye. L’UVCW ne manque pas de propositions pour rendre ses lettres de noblesse au mandat: revaloriser la fonction, mieux l’épauler, la protéger et l’encadrer. Davantage de lisibilité du système institutionnel permettrait aussi de renouer la confiance, estime-t-il. Sans oublier les moyens financiers des entités communales et le problème du report de charges de décisions prises à un niveau supérieur qui, in fine, retombent souvent sur les épaules du pouvoir local.

«Je me dis qu’en simplifiant la tâche, en protégeant et en soutenant les élus locaux, en préservant l’autonomie communale, la machine se remettra progressivement en route», espère Maxime Daye, qui prône la patience et l’opiniâtreté plutôt que l’abandon.

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