2024, année de tous les scrutins : enchaîner les élections, cette fausse bonne idée
En 2024, la Belgique votera à tous les niveaux de pouvoir. Une première… qui risque de grandement compliquer les négociations. Eclairage avec Pascal Delwit et Jean Faniel.
Elections, J-220. Mais après le rendez-vous du 9 juin prochain (scrutins régionaux, fédéraux et européens), une autre échéance se présentera très rapidement, le 13 octobre, avec les communales (et provinciales). Jamais, dans l’histoire belge, un tel tempo électoral n’avait été imposé aux citoyens.
Lors des précédents appels aux urnes, les élections locales (2018) avaient en effet précédé les scrutins régionaux et fédéral (2019). Or en 2024, à l’entame du deuxième scrutin d’octobre, les résultats de l’été seront dans toutes les têtes. Un poids qui menace de peser sur la confection des listes communales, pour Jean Faniel, directeur du Centre de recherche et d’information socio-politiques (CRISP) : « Quelqu’un qui va se planter aux élections législatives, peu importe la liste, va-t-il recevoir un bon accueil au sein de sa section locale ? Va-t-on lui offrir la tête de liste ? ». Un avis partagé par Pascal Delwit, politologue à l’ULB. « Des éléments perturbateurs sont susceptibles d’apparaître dans la campagne des communales autour de la construction d’une majorité au niveau régional ».
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Une ville semble symboliser les tensions imposées par ce calendrier : Anvers. Bart De Wever (N-VA), avec sa double casquette de bourgmestre et patron des nationalistes flamands, menace d’être pris en tenaille. Derrière lui, l’ombre du Vlaams Belang plane. « Cette question doit lui trotter dans la tête. Et, il ne doit pas être le seul, estime Jean Faniel. Les réponses ne pourront pas tomber avant le premier des deux scrutins ».
De Wever décidera-t-il de former une majorité régionale avant les communales, ou attendre pour éviter de se mettre à dos certains électeurs ? « En Flandre, certains prédisent une situation très délicate par rapport à l’extrême droite. Si le cordon sanitaire continue d’être appliqué au niveau du gouvernement flamand et fédéral, le Belang axera sa campagne locale là-dessus. Cela pourrait peut-être lui conférer un supplément de voix de nature à le porter au pouvoir de manière directe », poursuit le politologue.
D’autant plus que les règles de démocratie locale en Flandre ont été revues. « Si le Vlaams Belang se retrouve au sein d’une coalition en position de force, le poste de bourgmestre lui reviendra. Mais en même temps, il faut pour cela que l’extrême droite flamande arrive à remporter des majorités absolues ou à former des coalitions. Ce qui, en vertu cordon sanitaire, reste difficile ».
Du côté de Pascal Delwit les scénarios dépendront avant tout du résultat des scrutins : « Les choses seront totalement différentes si, au soir du 9 juin, la N-VA se place comme le premier parti de Flandre ou non. L’écart entre le premier et le deuxième joue aussi. Si le VB gagne 5 points devant la N-VA, j’anticipe une espèce de choc. Cela affaiblirait Bart De Wever et affecterait sa capacité à mener les négociations pour la majorité régionale ou sa campagne communale ».
Le fait de voter la même année pour les communales cohabite avec une autre difficulté: la concomitance des scrutins régionaux et fédéraux. C’était déjà le cas en 2019… avec tous les problèmes qui s’en suivirent. « On avait alors observé des difficultés à construire les majorités régionales, en particulier du côté flamand, rappelle Pascal Delwit. Ces problèmes étaient liés à la volonté d’articuler la construction d’une majorité régionale et fédérale ». L’idée, portée à l’époque par le CD&V, était de créer des coalitions miroirs entre les entités fédérées et le fédéral. Problème : flamands et francophones peinaient à s’entendre. Aujourd’hui, la situation ne semble guère plus propice à créer des accords symétriques tant les divergences Nord-Sud s’accroissent. En cas de blocage des négociations dans les entités fédérées, la formation du gouvernement fédéral s’en trouvera donc ralentie.
Coupler les élections, au fond : une fausse bonne idée ? « On vote moins souvent, c’est vrai. Mais est-ce que ça a rendu la vie politique vraiment plus stable ? Pas sûr, s’interroge Jean Faniel. À la réflexion, on se trouve plutôt dans une situation qui s’est complexifiée que simplifiée ».
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