« Policiers d’extrême droite ? Des cas exceptionnels »
Le salut nazi à Charleroi, les accusations de profilage ethnique des forces de l’ordre de Blankenberge… L’extrême droite prospère-t-elle dans les rangs de la police comme elle progresse dans la société ? Non, selon Eddy Quaino, représentant permanent à la CGSP-Police, le syndicat socialiste. Mais il faut rester vigilant.
Y a-t-il des chiffres sur la présence de l’extrême droite dans la police belge ?
Aucun. Mais comment déterminer qui serait éventuellement d’extrême droite ? En Belgique, au moment du recrutement, une enquête de moralité est menée. Si elle est bien faite, on doit être en mesure de détecter quelqu’un qui, potentiellement, pourrait avoir des idées d’extrême droite. Des comportements comme on en a vu à Charleroi sont des cas exceptionnels. Inadmissibles. Mais la demoiselle qui a fait ce salut nazi est-elle réellement d’extrême droite pour autant ? Je condamne son geste, qui est inacceptable, mais je pense qu’elle n’a pas mesuré ce qu’elle faisait. Il y a des gens proches de certaines théories, oui. Des cas exceptionnels mais qu’on doit dénoncer lorsque l’on a des éléments. Quand on a, par exemple, des agents qui veulent fêter l’anniversaire d’Hitler, je pense qu’ils sont proches des théories d’extrême droite… C’est pour ça que, pour nous, organisation syndicale progressiste, le recrutement est fondamental. Dernièrement, on a rappelé qu’il manquait l’équivalent de 4.500 policiers mais nous ne sommes pas favorables à un recrutement hypermassif où l’on en viendrait à ne plus mener certaines enquêtes de moralité comme elles le sont aujourd’hui. En même temps, au moindre fait rapporté, de violence notamment, des services internes, voire externes, comme l’Inspection générale des services de police ou le Comité P, interviennent. Avec enquêtes quasi systématiques. Or, on a entre 30.000 et 31.000 fonctionnaires de police et des centaines de milliers d’interventions par an pour très peu de mesures disciplinaires internes ou de poursuites externes. Donc, l’acte de Charleroi est réellement très exceptionnel. La majorité des policiers n’a rien à voir avec cette situation précise-là.
On doit être capable de protéger ceux qui assistent à des faits problématiques.
Si la société se radicalise toujours plus, et que de plus en plus d’électeurs, en Flandre notamment, votent extrême droite, peut-on en déduire que les policiers sont susceptibles de faire pareil ?
Oui. Quand on entend certains collègues, on retrouve les propos de gens comme Jan Jambon ou Theo Francken. Et là, on sait qu’on flirte avec la limite de l’extrême droite. Mais il y en a aussi qui ont des approches différentes, que nous essayons d’inculquer au niveau de la formation des policiers : la diversité, la neutralité, la sensibilisation aux différents aspects et évolutions de la société, en partenariat avec Unia, le service public indépendant de lutte contre la discrimination et de promotion de l’égalité des chances, la visite de la Caserne Dossin à Malines (NDLR : ancienne caserne de transit pour les juifs de Belgique, avant leur déportation en Allemagne, aujourd’hui devenue centre de documentation et d’éducation sur l’Holocauste).
Vous êtes policier depuis 1986, issu de l’ex-gendarmerie. En trente-cinq ans, avez-vous vu une évolution de la police en faveur de l’extrême droite ?
On a beaucoup évolué, mais dans le bon sens. J’ai vécu la réforme des polices, l’incorporation des femmes, l’ouverture à différents débats, de l’homosexualité au transgenre. A Anvers, la zone a procédé elle-même à des recrutements, avec les mêmes standards qu’au niveau fédéral, de manière à mieux coller à la réalité multiculturelle. Ce sont des choses qui ont été mises en place. Avec, oui, des lieux où l’incorporation de policiers d’origine africaine par exemple, est plus compliquée, parce que l’incorporation est plus ardue en milieu rural… Avec aussi, c’est vrai, dans des quartiers difficiles, des situations qui vont pousser des jeunes collègues à adopter peut-être une philosophie plus à droite, voire à l’extrême droite. Je pense que, dans ces quartiers difficiles, il faut remettre en place une véritable police de proximité et des réseaux entre les collègues policiers sur le terrain, la population, les comités de quartier, les comités de commerçants, les éducateurs de rue, les maisons de jeunes. Pour y rétablir la confiance entre services de police et citoyens. Et qu’on n’assiste plus à des scènes où des policiers sont molestés, agressés, attaqués. Et qui font notamment que certains pourraient se diriger vers des idées plus radicales.
Peut-on rapporter facilement en interne des comportements qui posent question, ou problème ?
Parfois, des collègues craignent de dénoncer certaines situations. Or, on l’a vu avec la récente enquête psychosociale au sein de la police fédérale : des comportements rapportés étaient du harcèlement. Et c’est grâce à quelques personnes qui ont osé dire les choses. On doit donc être capable de protéger ceux qui assistent à des faits problématiques. Il faut un lieu où ils ne craignent pas de s’exprimer. C’est aussi fondamental que les critères de recrutement, l’augmentation des investissements et un meilleur entraînement, qui sera payant tant en matière de confiance de la part de la population que de professionnalisme dans notre chef.
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