La LDH blâme la Belgique pour le crédit jugé excessif donné à des policiers
La Ligue des droits humains déplore le déséquilibre persistant entre le poids du témoignage d’un policier face à celui d’une tierce personne. D’où son appel à entreprendre des mesures pour changer cela.
Il y a deux ans, la Belgique était condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Boutaffala. L’arrêt de la juridiction européenne pointait «le poids prépondérant» accordé par certains juges et tribunaux «à la parole policière dans les procédures impliquant des violences de la part des forces de l’ordre», selon la Ligue des droits humains. Deux ans plus tard, «les mesures énoncées par l’État belge sont insignifiantes: sur le terrain, peu de choses semblent avoir changé», dénonce mardi la Ligue.
Directeur d’un service d’action en milieu ouvert (AMO) à Bruxelles, Khaled Boutaffala avait subi des violences policières en 2009. Il avait ensuite été poursuivi pour rébellion par les policiers impliqués dans l’affaire et avait été condamné. La CEDH a reconnu qu’il n’avait pas bénéficié d’un procès équitable: un crédit disproportionné avait été donné aux paroles des policiers impliqués, seuls témoins. En outre, en estimant l’absence de rébellion insuffisamment prouvée, le tribunal avait «renversé la charge de la preuve en matière pénale».
Si l’État belge affirmait, dans son bilan d’action envoyé en octobre dernier au Comité des ministres du Conseil de l’Europe, en avoir tiré des conclusions, pour la LDH, rien n’a vraiment changé.
Elle en tient pour preuve l’analyse de trois affaires récentes (en 2023 et 2024). «Dans ces dossiers dits de rébellion, des personnes ont été condamnées par la justice principalement sur base des témoignages des policiers alors qu’ils étaient impliqués dans les faits.» Pour la LDH, l’arrêt de la CEDH était pourtant clair : «lorsque les faits à la base des chefs d’inculpation sont contestés par la personne poursuivie, et que les seuls témoins de l’accusation sont les policiers impliqués, les tribunaux doivent utiliser toute possibilité raisonnable pour vérifier les déclarations à charge faites par ces policiers».
La Ligue «invite par conséquent le Comité des ministres du Conseil de l’Europe à ne pas clôturer le suivi d’exécution de cet arrêt». Elle appelle l’État belge à diffuser de façon plus large cet arrêt, à en intégrer les enseignements dans la formation des magistrats, à assurer la jonction de dossiers dans le cas où des personnes poursuivies pour rébellion (ou autres faits similaires) déposent plainte pour violences policières. La LDH appelle enfin à supprimer du code pénal les dispositions pénalisant la rébellion, les actes qui la constituent étant visés par d’autres incriminations.