Fact-checking: les policiers touchent-ils une prime lorsqu’ils dressent des PV?
Par manque de budget, la police fédérale des routes annonçait ce lundi la réduction des contrôles d’alcoolémie et de vitesse pendant l’été. Dans Het Laatste Nieuws, un délégué ACV (CSC) de la police réagissait avec la phrase suivante: « C’est un très mauvais signal pour les policiers eux-mêmes, qui ne peuvent rien gagner en plus de leur salaire, et pour la société dans son ensemble. » Une phrase ambiguë qui peut prêter à confusion si elle est mal interprétée. Les policiers perçoivent-ils une prime au nombre de procès-verbaux délivrés? Le Vif a vérifié.
« Non, il n’y a franchement aucun lien entre un PV et le salaire ou les bonus des policiers », réagit Eddy Quaino, permanent CGSP pour la police. « Il n’y a pas de prime parce que le policier va mettre une ou 10 amendes. »
La phrase prononcé par le délégué ACV-CSC, « C’est un très mauvais signal pour les policiers eux-mêmes, qui ne peuvent rien gagner en plus de leur salaire« , doit être remise dans le contexte pour mieux la comprendre. L’origine du problème ? En raison d’un manque de moyens financiers, la police fédérale est contrainte à faire des économies. Et donc de réduire certaines de ses activités… « Pour sa direction, le directeur DAH (police de la route de la police fédérale) a en effet publié une note interne annonçant le problème et exposant les mesures à prendre, à savoir la réduction plus que drastique des prestations en termes de contrôles planifiés (organisés et d’une certaine envergure) qui sont générateurs en temps normal d’heures supplémentaires, d’heures de nuit et d’heures de week-end », explique le président du SLFP Police, Vincent Gilles.
En d’autres termes, si la police de la route réduit ses contrôles cet été, elle réduit également les contrôles effectués pendant la nuit ainsi que les week-ends. Or, ce sont ces prestations irrégulières qui donnent droit à un bonus, selon le régime traditionnel des services de police. Une perte non négligeable pour les policiers. « On a des jeunes qui sont plus volontaires pour éventuellement faire des prestations irrégulières, parce qu’ils ont besoin d’argent pour construire leur maison, acheter leur voiture… », précise Eddy Quaino.
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Ni bonus ni prime: mais où va l’argent des PV?
Les amendes routières constituent une belle source de revenus pour l’État belge. En 2021, un total de 6.063.010 infractions de roulage ont été constatées, selon le rapport annuel de la police fédérale. Parmi celle-ci, 4.659.808 concernaient des excès de vitesse, soit le nombre le plus élevé jamais enregistré. En cause? L’augmentation du nombre de radars et de radars tronçons, qui multiplient les chances de se faire flasher, et donc de recevoir un PV. Au total, quelque 400 millions d’euros d’amendes pour excès de vitesse ont été collectés l’année dernière.
Mais comment est utilisé l’argent ? Si l’essentiel des recettes va dans les caisses de l’État fédéral, celui-ci reverse une part conséquente à ce qu’on appelle « le Fonds de sécurité routière ». « Il y a une partie de ce Fonds de sécurité routière qui revient, sous forme d’enveloppes particulières, aux zones de police pour mettre en œuvre des politiques de prévention ou des investissements liés à la sécurité routière », indique Eddy Quaino (CGSP). C’est là le seul lien qu’on peut faire entre une amende et le milieu policier. L’amende va au ministère des Finances, qui alimente ce Fonds de sécurité routière et ce fonds sert ensuite aux campagnes de prévention, au financement des enquêtes de VIAS, ou encore la mise en place de politiques de sécurité routière. « Mais cela n’atterrit pas dans le salaire des policiers. »
Un manque de valorisation
Les contrôles routiers sont essentiels pour veiller à la sécurité des usagers de la route. Ils ne sont pourtant pas assez valorisés, estime le permanent syndical Eddy Quaino. «On demande aux policiers de faire des contrôles, cela veut dire qu’à certains moments, ils doivent sanctionner. Mais derrière ça, quand on demande une revalorisation salariale suffisante, on n’obtient rien. » Au contraire, si la réduction des contrôles en soirée et les week-ends devait être mise en place, cette nouvelle mesure risquerait d’empirer la situation actuelle puisqu’elle priverait les policiers de leur majoration de rémunération.
« Cela étant, la ministre de l’Intérieur a décidé, en parallèle à sa volonté de voir les contrôles organisés comme de coutume, de financer complémentairement la police fédérale, à cette fin », nuance Vincent Gilles. Le message semble donc avoir été entendu…
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