Plus rapide, plus dense, plus ponctuel… À quoi va ressembler le futur réseau de la Stib ?
Le gouvernement a mis un coup d’accélérateur au réseau Stib ces dernières années en mobilisant davantage de moyens pour ses transports en commun. Un plan d’investissement de 6,2 milliards d’euros entre 2019 et 2028 prévoit d’étendre le réseau et d’améliorer ses services. Suffisant pour répondre aux besoins de mobilité de Bruxelles ?
Ni la nécessité ni le succès de la Stib ne se démentent. La Société des transports intercommunaux bruxellois enregistre chaque année une augmentation régulière du nombre de ses voyageurs. Après avoir franchi le cap des 400 millions d’utilisateurs en 2017, elle a connu des augmentations de 4 % en 2018 puis en 2019. Sur l’ensemble de la dernière décennie, la fréquentation des bus, trams et métros a progressé de 50 % dans la capitale.
L’intérêt pour la Stib est aussi palpable du côté des autorités bruxelloises, qui ont approuvé l’an dernier un plan d’investissement de 6,2 milliards d’euros sur une période de dix ans. Le budget sera principalement affecté à l’amélioration des services et du réseau de transports en commun bruxellois. De quoi permettre à la Stib de poursuivre les développements entamés il y a une quinzaine d’années déjà.
Comme l’observe l’ingénieur civil et urbaniste Vincent Carton dans l’étude » Offre et fréquentation des transports publics bruxellois de 1950 à 2017 « , un tournant s’est opéré à partir des années 2000. C’est à cette période que la fréquentation des transports publics a enregistré une croissance forte et régulière, ce qui a poussé la Stib à étoffer son offre quelques années plus tard. La société de transports a pu compter pour cela sur une » dotation de fonctionnement en forte croissance depuis 2011 « , souligne Vincent Carton.
Plus de transports, de fréquence et de capacité
Le plan d’investissement pour la période 2019-2028 confirme la volonté de continuer à renforcer l’offre de la Stib. » On n’arrête jamais d’investir dans notre réseau et nos services, mais nous avons encore plus d’ambitions actuellement en raison des importants besoins en mobilité, souligne Brieuc de Meeûs, CEO de la société de transports. Même si les bus, trams et métros n’impliquent pas les mêmes contraintes ni les mêmes coûts en matière de développement, nous investissons dans ces trois modes de transport car ils sont complémentaires. » Cette approche est, selon les observations de Vincent Carton, la plus adéquate : dans son histoire, la Stib a uniquement gagné des voyageurs lorsqu’elle a renforcé l’ensemble de son réseau – et non pas un seul mode de transport.
L’enjeu pour la société bruxelloise n’est toutefois pas seulement d’attirer plus d’usagers vers les transports en commun, mais de leur offrir des déplacements fiables, efficaces et rapides – trois critères qui encouragent les voyageurs à privilégier les transports en commun plutôt que la voiture. Pour ce faire, la Stib a notamment lancé en 2018 un important Plan directeur bus qui se déploiera jusqu’en 2022 et transformera pas moins de deux tiers du réseau de bus de la capitale. Des lignes seront modifiées, d’autres supprimées, remplacées ou créées pour desservir de nouveaux quartiers ou permettre de nouvelles liaisons. Grâce à ces changements et l’arrivée de nouveaux véhicules hybrides et électriques, la Stib offrira 30 % de places supplémentaires dans ses bus. La fréquence et les correspondances devraient également être améliorées.
En ce qui concerne les trams, la Stib mise sur l’extension de certaines lignes comme celle du tram 9 dont les travaux sont en cours et la mise en service prévue en 2021. Il faudra en revanche attendre au minimum 2024 pour les trams vers Neder-Over-Heembeek et Tour et Taxis. Le réseau sera régalement renforcé grâce à une soixantaine de nouveaux véhicules prévus pour l’automne 2020 : les trams nouvelle génération. Ils devraient apporter 4 600 places supplémentaires, augmentant la capacité globale du réseau de 7 %.
Enfin, outre la rénovation de certaines de ses stations, le métro va pouvoir compter sur de nouveaux véhicules d’ici à la fin de cette année pour augmenter la fréquence aux heures de pointe. Le projet le plus conséquent reste cependant celui du métro 3, qui prévoit la transformation du prémétro reliant la station Albert à la gare du Nord en métro. A l’horizon 2030, cette nouvelle ligne s’étendra au nord jusqu’à Bordet en passant par Schaerbeek, Evere et Haren. Elle couvrira une dizaine de kilomètres et dix-huit stations.
Le métro 3 en question
Ces mesures visant à modifier et étendre le réseau ne sont évidemment pas le fruit du hasard. Elles sont réalisées en concertation avec des citoyens et associations et reposent, comme le souligne Brieuc de Meeûs, » sur de nombreuses études analysant l’évolution sociale, économique et culturelle de chaque quartier, ou encore le développement du logement, des industries et du commerce. L’objectif étant de déterminer les besoins en mobilité et, dans l’idéal, de les anticiper. » Les recours et la lenteur des procédures pour mener à bien certains projets – surtout les » ferrés « , moins flexibles – créent cependant des décalages entre la demande et l’offre. Le tram vers Tour et Taxis, par exemple, n’est pas attendu avant 2024 alors que le site se développe depuis de nombreuses années déjà…
A côté des projets très attendus de la Stib, il y a ceux qui ne font pas l’unanimité. Celui qui cristallise le plus de critiques auprès des citoyens et associations liées à la mobilité est sans surprise celui du métro 3, le plus conséquent et le plus coûteux puisqu’il mobilise environ 1,6 milliard d’euros de la part de la Région de Bruxelles-Capitale. Est ainsi dénoncé le mauvais ratio entre les coûts élevés et les bénéfices incertains de l’opération, un chantier lourd de conséquences sur son environnement ou sur certaines lignes de tram comme celle du 55 – que le métro 3 est voué à remplacer. Des associations comme l’Arau (Atelier de recherche et d’action urbaines) ou Inter-Environnement Bruxelles privilégient d’ailleurs des alternatives au métro en maintenant et améliorant la ligne de tram 55 – notamment pour la rendre moins tributaire du trafic automobile.
A l’inverse, le Gutib (Groupement des usagers des transports publics à Bruxelles) soutient la création de la ligne 3, tout en admettant que le projet est perfectible : » Certains choix réalisés pour des raisons politiques, techniques ou économiques ne sont pas des plus judicieux, estime Jacques Ponjée, président de l’asbl. Quelques éléments du tracé le rendent par exemple trop tortillard et vont réduire la vitesse commerciale. L’option d’un monotube à 30 mètres de profondeur ralentira également la progression des usagers. De manière globale, le projet manque un peu d’ampleur et d’ambition. Il aurait en effet pu s’étendre plus loin vers Haren au nord et desservir le centre de Uccle au sud. »
Le Gutib évoque également l’intérêt d’un prolongement des lignes 2 ou 5 vers la E40 ou vers des parking de transit à Jezus-Eik, ainsi que la création d’un métro qui effectuerait un tracé similaire à celui du tram 71 et relierait entre autres le centre-ville, la Porte de Namur, Flagey et l’ULB. Sa philosophie : » Du tram partout où c’est possible et du métro partout où c’est nécessaire. «
Par Marie-Eve Rebts.
La Stib envisage un nouveau moyen de transport pour compléter son offre et desservir des zones restreintes comme les parcs, sites hospitaliers ou universitaires : les navettes autonomes. Elle s’est dernièrement équipée de plusieurs SAM-e (Smart Autonomous Mobility electric), des petits véhicules électriques d’une capacité de six places assises et six places debout.
L’an dernier, des tests de terrain ont été effectués durant plusieurs mois avec ces navettes dans le parc de Woluwe et sur le site de l’entreprise Solvay à Neder-Over-Heembeek afin de perfectionner l’utilisation de cette technologie. A partir du printemps, la Stib franchira une étape supplémentaire en mettant en service deux véhicules autonomes sur le site de l’hôpital Brugmann pour les patients, visiteurs et membres du personnel.
Il serait illusoire de croire qu’en enfouissant les transports en commun comme on le fait avec le métro, on enterre aussi les problèmes de mobilité de Bruxelles. Non seulement les trams et bus sont nécessaires pour assurer un maillage optimal de la capitale, mais leur accorder davantage de place en voirie pourrait aussi contribuer à limiter le trafic automobile – un objectif que la Région est loin d’avoir atteint.
Des études ont en effet démontré que lorsque l’espace routier diminue, les automobilistes ont tendance à chercher des alternatives, et vice versa. Une politique offrant plus d’importance aux transports en commun en surface pourrait donc avoir le double avantage de décourager l’usage de la voiture et d’améliorer l’efficacité et la fréquentation des transports publics. » Le nouveau tram 9 a par exemple beaucoup de succès car il circule en site propre et est donc moins dépendant de la circulation « , souligne Jacques Ponjée (Gutib). » Il faut privilégier ce genre de dispositif sinon le tram est trop poussif et n’a pas de plus-value. »
Dans son étude, l’urbaniste Vincent Carton estime qu’un réseau maillé en site propre pourrait à moyen terme » être en mesure de satisfaire une demande croissante dans une ville de la densité de Bruxelles « , et ce » à côté d’une meilleure desserte urbaine possible au moyen de 46 gares bruxelloises « .
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici