Plan de relance: pourquoi Bruxelles ne s’en sort pas trop mal (enquête)
La Région bruxelloise s’est montrée peu ambitieuse pour obtenir des financements au Plan de reprise et de résilience. Ce qui lui a permis d’atteindre les objectifs de son plan de relance…
Fruit de compromis institutionnels tortueux et de réformes de l’Etat complexes, la Région de Bruxelles-Capitale est mal faite, ce n’est pas nouveau, et sa gouvernance n’est pas réputée la plus fluide de Belgique.
Son fonctionnement est compliqué, son financement est déséquilibré, car elle est la Région la plus productive de Belgique mais le revenu de ses habitants est le plus faible, si bien que les fonds européens de la Facilité de relance et de résilience lui étaient fort nécessaires, mais que la mise en œuvre de ses nombreux jalons et cibles laissait craindre quelques errements.
Le rapportage semestriel mettra les grincheux à la peine: le gouvernement bruxellois n’a loupé que deux jalons et cibles sur les 26 programmés. Et encore ces deux ratés ne compromettent-ils pas les projets concernés. C’est pourquoi notre tableau simplifié n’arbore que des nuances de vert.
Les deux balises non atteintes l’ont été en raison de longueurs administratives.
Les deux jalons non atteints par le gouvernement bruxellois concernent un projet porté par le ministre de l’Emploi, Bernard Clerfayt (DéFI), visant à l’établissement d’une «stratégie de requalification des compétences», pour un budget de septante millions d’euros. Il s’agit de diverses mesures devant faciliter l’accès au marché du travail de certains publics spécifiques (les personnes en situation de handicap, par exemple) en soutenant certaines initiatives «d’innovation sociale».
Car même quand tous les signaux sont au vert, les ralentisseurs bruxellois ne sont jamais loin. Les deux balises non atteintes l’ont été en raison de longueurs administratives.
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D’une part, la cible consistant à toucher six mille demandeurs d’emploi a été reportée de plus d’un an (du premier trimestre 2023 au dernier trimestre 2024), et la Région a demandé l’autorisation à la Commission européenne pour rééchelonner cet objectif, parce que le projet d’ordonnance réformant l’évaluation des compétences des inactifs n’a été voté qu’à la rentrée 2023.
La guerre en Ukraine, avec l’énorme afflux de réfugiés sur le territoire bruxellois qu’elle a induit, a tellement mobilisé les ressources d’Actiris, le service régional de l’emploi, que le recrutement et la formation du personnel ont dû être reportés.
D’autre part, l’adoption de deux textes réglementaires (sur l’évaluation des acquis de base et l’orientation systématique) a dépassé les délais, mais les projets d’ordonnance, jure le ministre concerné, sont prêts. Ils seront votés avant la fin de l’an prochain. Si bien que «l’alignement de la cible sur le nouveau délai peut être garanti», promet, dans la colonne dédiée du tableau, le gouvernement bruxellois.
Les autres projets bruxellois sont parfaitement dans les temps. Y compris, cela peut surprendre, le plan Smartmove – dit de «taxation intelligente» de la mobilité – piloté par le secrétaire d’Etat Sven Gatz (Open VLD). Cette réforme, prévue dans la Déclaration de politique régionale, fut, dès le début de la législature, contestée par les Régions voisines.
Puis coulée par le Parti socialiste, par la voix de son président national, Paul Magnette, tout d’abord, puis par celle du président de la fédération bruxelloise, Ahmed Laaouej. Mais la Région bruxelloise reste éligible aux subsides européens (51 millions) car les éléments intégrés au Plan national pour la reprise et la résilience ne portaient pas sur la mise en œuvre de cette taxation kilométrique que promettait Smartmove, mais bien sur son cadre technologique.
Sven Gatz devait veiller à rendre fonctionnelle l’application numérique qui permettra, si un jour les obstacles politiques sont levés, de percevoir cette taxation kilométrique réputée intelligente. Elle a été testée, est prête à fonctionner. Elle est lancée dans un «processus d’amélioration continue» censé lui éviter, dit le rapport, de «stagner», sachant, conclut l’exécutif bruxellois, qu’elle «pourra aussi voir l’addition de nouvelles fonctionnalités une fois que la taxe kilométrique sera approuvée par le gouvernement».
Ainsi la Région de Bruxelles-Capitale est-elle parvenue à tenir ses engagements nationaux et européens: en se montrant au départ si peu ambitieuse (la somme de ses projets ne facturait que 393 millions d’euros au PNRR), coincée qu’elle était entre les puissantes aspirations flamandes et wallonnes, elle s’est assurée, sous les ricanements de l’opposition régionale, de ne rien rater de ses très modestes projets.
Le contraire, somme toute, de la stratégie wallonne.
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