Nicolas De Decker
Pierre-Yves Jeholet, une certaine idée de la résistance
Pierre-Yves Jeholet est un damné de la terre qui veut se mettre debout. « Une mentalité de gauche, socialiste, qui a régné sur la Wallonie, une chape de plomb : le laxisme, la culture de l’excuse », a jeté le ministre wallon de l’Emploi à La Dernière Heure pour expliquer, et pas excuser donc, le fait que les jeunes Wallons ne se ruaient pas sur ces métiers si bien payés qu’ils sont en pénurie.
C’est ce récit que véhicule la tirade du bourgmestre de Herve : par le règne sans partage de ses idées, une gauche tyrannique aurait conquis, comme dirait feu Antonio Gramsci, une hégémonie culturelle par laquelle elle dicterait une loi d’acier aux esprits faibles et à tous les autres. Les vrais résistants, les authentiques défenseurs des opprimés, les rebelles certifiés, les minoritaires qui n’ont pas peur de déplaire, alors, seraient les Eric Zemmour et les Alain Destexhe, les Alain Courtois et les Drieu Godefridi, les Theo Francken et, oui, les Jeholet, ces maquisards scarifiés d’une droite qui se rengorge de briser les tabous parce qu’on ne peut plus rien dire, et puis qui ose tout, et c’est même à ça qu’on la reconnaît. Deux récentes anicroches, dans un pays où cette droite est si opprimée qu’elle est au pouvoir partout, prouvent que cette hypothèse de travail du ministre wallon de l’Emploi souffre d’une grave pénurie de réalité. Il y a Theo Francken, d’abord, avec qui le Gramsci au lait cru n’aimait jusqu’à il y a peu rien tant que de mettre les demandeurs d’asile au travail, à part se faire prendre en selfie contre sa glabre tempe, et de qui Charles Michel, n’aimait rien tant que dire qu’il ne faisait qu’appliquer le programme du MR, et d’ailleurs ceux qui disaient le contraire n’étaient que des gauchistes à pulsion dictatoriale subsidiés par le PS. Jamais le secrétaire d’Etat à la Migration n’avait été tant mis en danger. Pas parce qu’il se serait subitement converti à ce qu’il nomme » l’idéologie des droits de l’homme « , et qui n’est que le respect de notre socle commun de valeurs occidentales. Son drame, d’ailleurs soulevé par une gauche en querelle avec ses propres idées, de Paul Magnette à Raoul Hedebouw, c’est désormais qu’il n’enferme pas assez de gens. Le procès en laxisme et en culture de l’excuse est lancé, il sera expéditif et brutal.
Par le règne sans partage de ses idées, une gauche tyrannique aurait conquis une hégémonie culturelle en Wallonie
Il n’y a aujourd’hui rien de pire, sauf de travailler comme chauffeur de bus. Car, ensuite, faire grève quand on conduit un bus confine au crime contre l’humanité dans une région sous chape de plomb. Quand des employés des TEC font grève pour un de leurs collègues, comme quand il s’est fait agresser, on les taxe d’immaturité, ce sont les grèves émotionnelles. Quand ils font grève pour eux, comme lors de la réforme de leur entreprise, on les taxe d’égoïsme, ce sont les grèves corporatistes. Quand il font grève pour les autres, comme ici autour de la réforme des points APE, on les taxe d’irresponsabilité, ce sont les grèves imbéciles. » Ils sont la honte de la Wallonie « , a même titré le quotidien le plus lu de Belgique francophone. Pour un copain, pour eux, pour des autres : aujourd’hui, les grévistes sont soit bêtes, soit méchants, soit malades. Jamais légitimes. Dans cette région sous hégémonie socialiste, la chape coulée par la gauche sur les débats n’est pas de plomb. Elle est plombée comme une vérité assénée par un résistant du bocage depuis son maquis de l’entre-Vesdre-et-Meuse.
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