Peter Mertens
Peut-on encore avoir un parti national en Belgique ?
La Commission de contrôle des dépenses électorales et de la comptabilité des partis politiques se réunit pour régler la problématique des dotations à certains partis politiques. Une des questions est de savoir s’il est encore possible d’avoir un parti national en Belgique.
La commission se demande s’il est possible d’être un parti national en Belgique et si c’est bien conforme à l’article 1 de la loi du 4 juillet 1989 sur le financement des partis. Poser la question est déjà tout bonnement kafkaïen. En effet, c’est comme si on demandait à une commission determiner si une équipe nationale de football comme les Diables rouges est possible dans notre pays. Or l’équipe nationale existe. C’est une seule et unique équipe. Elle n’a qu’un seul nom qui se dit Rode Duivels en néerlandais et Diables rouges en français. On ne parle pas de « l’aile wallonne » des Rode Duivels ou du « pilier flamand » des Diables rouges.
De la même manière, le PTB est un seul parti, actif dans toutes les communautés, tant en Flandre qu’à Bruxelles et en Wallonie. En néerlandais on dit PVDA, mais ce n’est qu’une simple traduction. Nul besoin d’une commission parlementaire pour examiner si c’est possible; c’est ainsi. C’est comme si on mettait en doute le fait qu’il est encore possible d’avoir des partis nationaux dans notre pays. Dans tout pays fédéral, il existe pourtant des partis politiques nationaux. C’est le cas en Allemagne et cela n’avait rien de surprenant dans notre pays jusqu’au début des années 80.
L’équipe nationale existe. Elle n’a qu’un seul nom qui se dit Rode Duivels en néerlandais et Diables rouges en français. On ne parle pas de u0022l’aile wallonneu0022 des Rode Duivels ou du u0022pilier flamandu0022 des Diables rouges. De la même manière, le PTB est un seul parti, actif dans toutes les communautés.
On peut ne pas être d’accord politiquement avec l’option du PTB de renforcer l’unité des gens et d’être actif dans tout le pays, mais c’est absurde de déclarer que c’est en contradiction avec la loi. Ce sont surtout la N-VA et l’Open VLD qui affirment que les partis politiques ont comme unique vocation de s’adresser à leur « communauté linguistique d’origine » et pas à tous les électeurs du pays. On déplore particulièrement la volte-face des libéraux. Jusqu’il y a peu, l’Open VLD faisait résonner un autre son de cloche en plaidant pour une circonscription fédérale. Il semble donc que le nouveau gouvernement de droite tende à sacrifier toute discussion de principe sur des partis nationaux aux bénéfices de politiques immédiats.Cependant l’attitude des autres partis pose aussi question. Il semblerait que le PS, sentant la pression sur sa gauche, n’apprécie guère de voir reconnaître le PTB comme un parti national — et donc de lui voir accorder toute la dotation à laquelle il a droit.
Nous revendiquons le droit d’agir en tant que parti national, ce que nous faisons d’ailleurs jour après jour. Nous avons un programme unique, un siège central unique, une direction et un service d’étude bilingues et des initiatives comme Médecine pour le Peuple actives dans tout le pays. Nous ne pensons pas une seule seconde à scinder tout cela. Et ce n’est par ailleurs pas nécessaire puisque rien de tout ça n’est en contradiction avec l’article 1 de la loi sur le financement des partis.
La discussion sur le caractère national du PTB était déjà à l’ordre du jour en vue des élections du 25 mai 2014. La même commission de contrôle a décidé le 18 février 2014 que le PTB (ou PVDA) pouvait être considéré comme un parti national. Cela a eu pour conséquence qu’un plafond de dépenses électorales unique était appliqué au PTB. Autant que pour un autre parti qui ne se présente que dans la moitié du pays. C’était le prix à payer pour être reconnu comme parti national. Pour les mêmes raisons, la commission a déclaré que le PTB, n’aurait droit qu’à une unique dotation forfaitaire, et ce même s’il y avait ultérieurement des élus en Flandre.
En ce qui concerne les dépenses, le PTB est donc reconnu comme un parti national avec un plafond global. Cependant, maintenant qu’il s’agit des revenus, on voudrait enlever au PTB cette reconnaissance en tant que parti national en lui supprimant au passage le droit à une dotation pour chaque voix. Il s’agirait là clairement d’un règlement de compte politique.
De nombreux indices indiquent qu’on essaie de scinder le PTB au niveau fédéral. C’est ainsi que dans l’arrêté royal du 12 janvier 2015, qui agrée l’asbl du parti pour recevoir les dotations, on a omis de traduire en néerlandais (PVDA) le nom du parti en français (PTB). Dans la version néerlandaise de l’arrêté, le nom du parti est donc mentionné en français comme « Parti du Travail de Belgique (PTB) ». C’est vraiment absurde. C’est comme si un arrêté royal décidait que dorénavant les flamands devraient dire « Diables rouges » au lieu de « Rode Duivels ».
Dans une note adressée à la commission, le service juridique de la Chambre défend le droit du PTB d’être un parti national. Il en ressort qu’on ne peut reprocher au PTB d’avoir utilisé des numéros différents en français et en néerlandais pour les élections européennes. « Il est en effet impossible à un parti qui n’est pas encore représenté d’utiliser un unique numéro dans tout le pays », déclare le service juridique. « D’autant qu’il ressort clairement des travaux parlementaires [préparatoires à la loi du 4 juillet 1989] que des partis structurés au niveau national peuvent également avoir droit à un financement comme parti; du fait qu’un parti n’utilise pas dans tout le pays le même numéro de liste, on ne peut en déduire que les listes ne seraient pas reconnues. Même l’utilisation de différents sigles ou logos ne peut empêcher le fait que les listes soient reconnues comme appartenant à un même parti. C’est en effet ce que prévoit le Code électoral. » Et le service juridique de la Chambre de préciser que le PTB doit être reconnu comme un parti national conformément à l’article 1 de la loi du 4 juillet 1989 sur le financement du parti. Dans sa note, le service juridique de la Chambre conclut que toutes les voix émises en faveur de listes reconnues par le PTB doivent être prises en compte pour le calcul de la dotation.
L’enjeu concret de cette discussion n’est pas mince. La loi sur le financement des partis accorde une dotation par voix émise en faveur d’une liste reconnue par le parti politique. Si on reconnaît le PTB comme parti national, il est dans la logique de la loi que le PTB reçoive une dotation aussi pour les voix émises en faveur de ses listes pour la Chambre en Flandre. Ça c’est l’avantage. Mais il y a aussi un inconvénient : si dans une prochaine élection le PTB obtient des élus fédéraux dans les circonscriptions flamandes, le parti n’aurait qu’une seule dotation forfaitaire.
La commission va très probablement voter sur cette question aujourd’hui. Va-t-elle suivre l’avis de son propre service juridique ? Ou bien assistera-t-on à un vote politique qui renie à un parti organisé au niveau fédéral le droit d’exister en Belgique ?
Quoiqu’il en soit, pour nous, c’est surtout une question de principe. Nous sommes un parti national, les Diables rouges de la politique, en quelque sorte.
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