Selma Benkhelifa
Perquisitions illégales, la NVA persiste et signe
Lundi, 5h00 du matin, un impressionnant arsenal policier encercle un immeuble à Molenbeek. Des policiers arrivent en hélicoptère par le toit. Cagoulés, armes dégainées, ils entrent par les fenêtres et envahissent les lieux. Une opération commando digne d’un film d’action du cinéma américain.
Résultat de l’action Molenbeek tweeté par Theo Francken très fier: 14 illégaux arrêtés, 6 mauritaniens, 2 guinéens, 1 Guinée Bisao, 2 sénégalais, 1 ivoirien, 1 malien, 1 burkinabé. Douze d’entre eux sont emmenés en centre fermé.
On peut légitimement s’interroger sur l’utilité et sur le coût d’un tel déploiement policier pour arrêter douze personnes parfaitement inoffensives à qui rien n’est reproché en dehors du fait d’être sans-papiers. En cette période de grandes déclarations sur l’austérité, le contribuable peut espérer que son argent soit plus utilement dépensé. Une centaine de policiers, des dizaines de véhicules et un hélico pour douze sans-papiers, c’est inédit.
D’autant plus que ces sans-papiers sont bien connus des autorités. Ils occupent cette ancienne seigneurie abandonnée depuis plus de deux ans, ils étaient en contact régulier avec la police de quartier, le CPAS, la commune, etc… Un conseil communal pour discuter de la situation du groupe « La Voie des sans-papiers » a eu lieu ce vendredi.Ce groupe composé de familles avec des enfants manifeste régulièrement et revendiquent des solutions qui permettraient aux parents de travailler.
Pourquoi subitement une réaction fédérale d’une telle brutalité?
Peut-être d’abord pour effrayer les sans-papiers et leur dire que revendiquer des droits peut les conduire tout droit en centre fermé.
Mais la vraie raison est un projet que la NVA couve depuis longtemps.
Déjà fin 2014, Théo Francken avait proposé que les policiers puissent entrer chez les sans-papiers sans mandat. Cette proposition n’était pas passé au Parlement, tout simplement parce qu’elle est anticonstitutionnelle.
Notre Constitution protège le domicile. Sans de bonnes raisons évaluées par un juge d’instruction, aucun agent ne peut pénétrer dans votre domicile, sans votre autorisation expresse. Il existe bien sûr des exceptions en cas d’appel au secours de l’intérieur ou de flagrant délit. Mais la règle est la règle, un agent qui pénètre dans un domicile privé sans autorisation commet lui même un délit punissable.
L’ « action Molenbeek », qui s’est fait en violation flagrante de la Constitution, était un test opinion publique. Jan Jambon annonce quelques jours plus tard, toujours sur tweeter, qu’il veut que les policiers puissent entrer sans mandat, s’ils ont une information selon laquelle il pourrait y avoir un sans-papier chez vous. Se souvenant du revers de 2014, il explique que la présence d’un sans-papier serait en soit un flagrant délit. Un délit de quoi? Un délit d’exister pour le sans-papier? Un délit de solidarité pour le belge qui l’héberge?
Les sans-papiers, comme les SDF, font partie de notre société, ils en sont les membres les plus vulnérables. Chaque fois que le gouvernement veut s’attaquer aux droits fondamentaux, il commence par essayer sur les sans-papiers. Ils sont le laboratoire de leurs atteintes à nos droits.
Mais après eux, chez qui les policiers pourront entrer sans mandat: les chômeurs soupçonnés de cohabiter, les malades de longue durée, vous, moi ?
L’article 15 de la Constitution sur l’inviolabilité du domicile doit s’appliquer à tous. Sinon il ne s’appliquera plus à personne.
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