Carl Devos
Peeters l’équilibriste
Si Di Rupo devait gouverner en 2014 avec, en face de lui, le ministre-président De Wever, sa tâche serait ardue. Il doit donc agir en conséquence, dès maintenant.
Kris Peeters a fait savoir récemment qu’il est candidat à sa propre succession. Elio Di Rupo, lui aussi, a laissé entendre qu’il souhaitait se succéder à lui-même. Il est frappant que ce communicateur prudent rend publique son ambition politique et fait de son poste de Premier ministre, deux ans à l’avance, l’enjeu des élections. Deux noms sont déjà à retenir parmi les protagonistes de la mère des élections en 2014. Si tant est qu’ils évoluent à deux niveaux de pouvoir séparés, leur sort n’en est pas moins étroitement lié. En cas d’élections convergentes, tous les thèmes de la campagne s’entrecroisent. Bart De Wever fait figure d’officier de liaison. Il ne s’est pas encore déclaré, mais il sait fort bien que le 16, rue de la Loi lui est quasi inaccessible. Tandis que la direction du gouvernement flamand est à portée de sa main.
De Wever ne peut se permettre d’attaquer de front la politique flamande de Peeters, leurs partis appartenant au même gouvernement. Mais il peut frapper le CD&V – et donc Peeters, son homme fort – via Di Rupo Ier. Un gouvernement fédéral qui n’a toujours pas la faveur de la Flandre.
Le 15 octobre inaugurera le long cheminement vers 2014. La question est de savoir si, pendant ces années cruciales, les gouvernements fédéral et régionaux adopteront un fédéralisme de coopération ou d’obstruction. Surtout les rapports entre les gouvernements fédéral et flamand devront être observés de très près.
De toute manière, l’avenir de Kris Peeters est tributaire – indépendamment de la course de la N-VA – de l’action de Di Rupo Ier. Moins le gouvernement fédéral parvient à convaincre les Flamands, plus Peeters – chef de la Communauté flamande – devra se distancier de celui-ci. En 2014, il lui faudra éviter à tout prix de payer la note d’une politique fédérale décevante que son parti a contribué à mettre en chantier. Au sein du CD&V, il y aura lieu de s’en expliquer. Si, comme on s’y attend, la N-VA sort victorieuse des urnes le 14 octobre, elle dirigera avec une ardeur accrue ses Scud contre Di Rupo Ier. Et le gouvernement flamand lui servira, entre autres, de rampe de lancement. Les années passées, le point faible du gouvernement Peeters II fut son manque de cohésion. Beaucoup d’incidents ont créé l’image d’un gouvernement défaillant et affaibli par les dissensions. Cette perception a beau être injuste, elle demeure tenace et nuit aux partis de la coalition Peeters II. Ne fût-ce que pour renforcer la cohésion, Peeters se doit de rejoindre partiellement les critiques contre Di Rupo Ier. Mais point trop n’en faut : la différence entre les points de vue de la N-VA, leader de marché, et son parti, le CD&V, doit rester palpable. Un vrai exercice d’équilibre.
Di Rupo pèse encore d’une autre manière sur le rôle de Peeters comme protecteur des intérêts flamands. Il traînerait, semble- t-il, à mettre en oeuvre la réforme de l’Etat. Peeters court dès lors le risque, en 2014, de rater le rendez-vous avec l’électorat flamand quant à « sa » révolution copernicienne. Qui plus est, le gouvernement flamand est jaugé à l’aune de ses performances économico-sociales et de la conjoncture, mais il ne dispose que d’un très faible potentiel pour piloter cette politique. Peeters réclame dès lors une gestion plus énergique de la crise. Di Rupo devrait se réaliser qu’après 2014 sa tâche au 16 sera plus aisée avec Peeters qu’avec le ministre-président De Wever. Le Premier ministre a tout intérêt à ce que Kris Peeters soit dorénavant mieux entendu par le gouvernement fédéral.
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