Paul Magnette réélu à la présidence du Parti socialiste: son troisième mandat sera-t-il le bon?
Paul Magnette n’a, jusqu’ici, toujours pas concrétisé les espoirs placés en lui par les membres et les cadres d’un parti mal en point, et qui n’ose même plus dire combien de militants ont voté pour leur président… Mais Le Vif a découvert combien.
Les vrais le savent: le deuxième épisode d’une trilogie est souvent le moins bon, qui laisse un goût de trop peu aux fans et peine à séduire de nouvelles cohortes.
Souvent le réalisateur a des excuses, toujours les fans les reçoivent, et, parfois, le troisième volet renoue avec le ravissant esprit qui avait lancé le culte.
Ainsi se trouve le Parti socialiste, à la veille du troisième mandat présidentiel de Paul Magnette au boulevard de l’Empereur. Son premier mandat avait rendu une suite inévitable. En 2013 en effet, Elio Di Rupo, Premier ministre, avait installé le Carolorégien dans son siège présidentiel, et l’intérim avait convaincu les militants comme l’intérimaire.
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Le retour du Montois à la présidence avait ramené leur formation dans un passé désuet, pensaient, en 2014, les nombreux, et presque hégémoniques, soutiens de Paul Magnette. Seul leur héros allait pouvoir projeter l’héritier du Parti ouvrier belge dans un futur heureux, et il fut, candidat unique, désigné le 20 octobre 2019 par 11 050 militants sur les 11 577 venus choisir le successeur d’Elio Di Rupo.
A peine dix mille militants ont participé à la réélection de Paul Magnette à la présidence du parti.
Patrick Prévot presque candidat
Un mandat plus tard, 93,5% des militants socialistes ont redésigné Paul Magnette pour un nouveau terme de quatre ans à la présidence du parti.
Il n’avait pas non plus d’adversaire à cette occasion, quoique le député fédéral de Soignies Patrick Prévot, poussé dit-on par quelques collègues et désireux d’accompagner ce processus électoral de vrais débats, y eût, paraît-il, longtemps songé.
Le communiqué officiel, envoyé le 11 mars au soir, évoquait prudemment des taux plutôt que des quantités, avec une participation de 33,8%, «le meilleur taux depuis de nombreuses années». Tout est toujours une question de perspective, car si le taux est meilleur tandis que les participants sont moins nombreux, c’est, nécessairement, que le nombre de membres est en forte baisse. Les premières élections présidentielles avaient rameuté quarante mille militants, en 1999, pour installer Elio Di Rupo à sa première présidence. Le taux de participation avait été, à l’époque, similaire, et même supérieur, mais le PS comptait alors plus de cent mille adhérents.
Personne ne veut l’avouer chez les rouges parce que c’est un secret embarrassant, mais il n’y eut qu’autour de dix mille votants cette fois-ci, soit deux fois moins que, par exemple, pour réélire, en mai 2011, le candidat unique Elio Di Rupo. Ce qui établit à autour de trente mille le nombre total de membres actuels. Ils étaient encore 85 000 il y a dix ans (dont beaucoup n’étaient cependant pas en règle de cotisation).
Le déclin de la masse militante, tendancielle dans tous les partis sociaux- démocrates d’Europe, était déjà visible sous la longue présidence de celui qui en avait marre des parvenus en 2005. Il n’a donc pas été enrayé sous Paul Magnette. Un retour vers le passé fantasmé, celui des Maisons du peuple, du vieux pilier et donc des membres par dizaines de milliers n’était pas vraiment un objectif pour Paul Magnette, et les deux ans de Covid ont accéléré le déclin militant d’un parti à la base vieillissante.
Mais les autres indicateurs, ceux sur lesquels le Carolorégien sera froidement jugé, en mai 2024, par la critique comme par le public, n’ont pas fait de son deuxième mandat le block- buster espéré. Le baromètre trimestriel Le Soir-RTL Info plaçait, au moment de la désignation de Paul Magnette, le PS à 18,9% à Bruxelles et 23,8% en Wallonie, contre respectivement 21,6% et 23,7% quatre ans plus tard. Les sondages ne montrent donc guère d’effet Magnette, dont la popularité personnelle, plutôt baissière au demeurant (il est passé sur la même période de 56% à 41% d’opinions favorables en Wallonie et de 49% à 39% à Bruxelles), n’a pas attiré les sondés vers sa formation.
Les évolutions doctrinales et organisationnelles enclenchées par Paul Magnette, censées tendre aux socialistes un tapis rouge vers les élections de l’année prochaine sont encore en cours.
Elles émanent d’une double volonté de contenir le départ, déjà substantiel, d’électeurs déçus du PS vers le PTB, et de recevoir l’arrivée, toujours éventuelle, d’électeurs déçus d’Ecolo, et, encore plus éventuellement, des derniers reliquats du centre-gauche de l’ancien CDH devenu Les Engagés, vers le PS.
La recette employée est celle de la suite d’un film à succès, trop prévisible pour ne pas porter en elle les déceptions qu’elle se promet d’éviter.
Ainsi l’affirmation, dans un essai politique d’une assez bonne tenue, de l’écosocialisme de Paul Magnette et de son parti, donne une belle visibilité française au premier, que Libération, le 14 mars, voyait mener la liste du PS français aux élections européennes de mai 2024. Mais elle expose le second, qui n’a pas été associé à l’écriture de La Vie large, manifeste écosocialiste (La Découverte, 2022), à de quotidiennes contradictions sur des choix de politiques publiques, en mobilité à Bruxelles ou sur les aéroports en Wallonie. C’est une des intrigues à double entrée que promet le troisième épisode de la présidence socialiste d’un professeur d’université, qui aura vu, au siège, un transfert de moyens de l’Institut Emile Vandervelde vers les services de communication, tout en multipliant les communications présidentielles beaucoup moins concertées, et pour tout dire parfois d’une burlesque maladresse, que sous Elio Di Rupo.
Les vacances, les restaurants ou la baise
Ainsi aussi, la robespierriste manière dont les dernières affaires impliquant des mandataires ont été gérées correspond à ces ambitions de réécriture d’un scénario. Celui, fort vu, des méconduites de justiciables socialistes. Cet automne, Paul Magnette avait réuni un bureau élargi au Mont des Arts, à Bruxelles. Il avait sommé les siens de bien se tenir, «y compris pour les vacances, les restaurants ou la baise», se rappelle d’ailleurs élégamment un participant. Depuis, Paul Magnette a fait expulser Marc Tarabella et démissionner Jean-Claude Marcourt. Mais ces marques de fermeté n’ont pas spécialement été appréciées en province de Liège, où l’on fait remarquer la géométrie fort variable avec laquelle le cas de Jean-Charles Luperto a été mesuré par l’équerre présidentielle.
La recette employée est celle de la suite d’un film à succès, trop prévisible pour ne pas créer de déceptions.
Ainsi également, le Congrès social féministe que tiendra le PS, le 2 avril, à l’Eden, à Charleroi, doit replacer les socialistes en haut d’une affiche féministe remarquablement disputée à gauche. Il devrait adopter 27 dispositions renforçant l’égalité dans ses instances, déjà statutairement paritaires, mais aussi dans les désignations socialistes dans les différents mandats extérieurs. A l’avenir, si la première place effective sur une liste est dévolue à un homme, la première suppléance devra être attribuée à une femme, et la direction nationale devra veiller à ce que les têtes de liste soient dans l’ensemble équilibrées (en mai 2019, onze hommes menaient les listes socialistes dans les douze circonscriptions régionales de Wallonie et de Bruxelles). Et lors du bureau du 17 mars, la future bourgmestre de Seraing, Déborah Géradon, était pressentie pour succéder à Willy Demeyer à la vice-présidence wallonne du PS. C’est finalement la Liégeoise -et ancienne verviétoise- Duygu Celik qui y a été désignée, consacrant cette féminisation moyennement observable à l’issue des élections internes du 11 mars. Le président sera flanqué d’un seul vice-président (Philippe Close) et de deux vice-présidentes (Duygu Celik et Anne Lambelin), mais, comme entre 2019 et 2023, il n’y aura toujours que quatre femmes sur quatorze présidences de fédérations d’arrondissement.
Mais ces modifications bienvenues pour l’égalité démobilisent les cadres et les élus de niveau intermédiaire, les députés, les bourgmestres, les présidents de section, ces mâles grisonnants qui tiennent encore un appareil en noir et blanc, et qui craignent pour leur avenir en rouge. Ceux-ci font souvent remarquer cette erreur de raccord, que l’entourage direct de leur très féministe président national, ceux dont on pense avec envie qu’ils sont les seuls qu’il écoute, compose une affiche fort carolorégienne et exclusivement masculine: le secrétaire général du parti Laurent Pham, le directeur politique Laurent Zecchini, le secrétaire d’Etat et président de la fédération de Charleroi Thomas Dermine et le directeur de la communication Frédéric Masquelin.
Action commune et erreur de casting
Ainsi enfin, les relations avec l’Action commune avec la FGTB et Solidaris, sur qui, dans le monde socialiste, on compte pour assurer un nombre d’entrées suffisantes les soirs de première électorale, doivent être entretenues, et même améliorées. Mais certaines régionales privilégient plutôt un featuring avec le PTB qu’un repassage de la même vieille bobine: celle de Charleroi par exemple a, depuis de nombreuses années déjà, pris de critiques distances d’avec le parti frère. Le refus, au fédéral, des partenaires de la Vivaldi d’améliorer structurellement le financement des caisses du chômage syndicales place certaines d’entre elles en stress économique, qu’elles transforment en récriminations politiques envers le boulevard de l’Empereur. Et le mutuelliste Jean-Pascal Labille, qu’on promettait à une vice-présidence du parti, ne l’obtiendra pas, notamment en raison du renforcement de la parité des instances.
On a de justesse évité l’erreur de casting, du genre de celles qui font perdre toute crédibilité à une suite. Même pour les fans les plus fidèles.
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