Paul Furlan a confié la gestion de ses sociétés privées…à un ami employé dans son cabinet de ministre
Cette fois il ne pourra pas dire qu’il ne savait pas. Lorsqu’il est devenu ministre wallon en juillet 2009, Paul Furlan a cédé les sièges d’administrateur de ses sociétés commerciales à Philippe Tison, un de ses plus proches amis politiques. Aujourd’hui, Paul Furlan possède toujours ses parts dans ces sociétés. Mais où travaille l’homme chargé de les administrer ? Au cabinet du ministre Furlan, pardi.
Anderlues, arrondissement électoral et administratif de Thuin. Son bourgmestre, PhilippeTison 56 ans. Un très ancien ami de Paul Furlan, par ailleurs président de la fédération socialiste de Thuin et compagnon de Virginie Gonzales, députée wallonne depuis 2010, suppléante de Paul Furlan. Il a été embauché en 2014 comme conseiller du ministre régional, comme le révèlent les listes transmises par le ministre à Cumuleo, et que Le Vif/L’Express a passées au crible.
Manifestement, donc, Philippe Tison est pour le ministre un homme de confiance. Début juillet 2009, lorsque Furlan a appris qu’il monterait au gouvernement wallon, l’Anderlusien l’a remplacé comme administrateur ou gérant de plusieurs de ses sociétés privées familiales. Pragma (location et exploitation de biens immobiliers, dont Paul Furlan détient toujours 50% des parts, et où siégeaient également ses parents et son frère, et dont sa mère est présidente du conseil d’administration), Espace Européen d’Entreprises (une société anonyme, devenue SPRL en 2014, actives dans les assurances, et dont Paul Furlan possède 10%) et Praxis (portant sur la gestion de magasins de vêtements).
En plus de ses autres mandats dans différentes intercommunales – il est notamment vice-président d’IGRETEC, et de la gérance de sa SPRL, active dans le secteur des assurances, Philippe Tison gère donc les affaires privées du ministre qui l’emploie sur les fonds publics attribués à son cabinet. Un problème ? Pas pour le ministre, qui explique que « si un administrateur quitte une société, il est logique qu’il soit remplacé, et que les mandats de Philippe Tison dans Pragma et dans Espace Européen d’entreprises sont totalement gratuits ».
Son cabinet, donc, s’honore de rétribuer le remplaçant du ministre. On suppose que le Parlement de Wallonie appréciera d’en discuter ce jeudi en séance plénière.
Mais de qui d’autre est-il précisément composé ? Il faut s’excuser auprès du lecteur pour la réponse qui suit.
Non, cet article n’est pas un concours destiné à placer dans un même texte le plus de fois possible les mots « Thuin » ou « cabinet ». Mais difficile d’écrire autrement lorsque l’équipe du ministre thudinien ressemble à ce point à l’administration communale thudinienne. On connaissait déjà Anne-Sophie Herbé, la femme de Paul Furlan, doublement engagée au cabinet et à la commune (Le Vif du 20 janvier). Mais des proches, le ministre wallon des Pouvoirs locaux et bourgmestre en titre de Thuin en a embauché bien d’autres.
Premier vivier de recrutement : son conseil communal. Marie-Eve Van Laethem, présidente du CPAS, officie ainsi comme secrétaire particulière du ministre. Luc Rigotti, lui, a été deux fois conseiller : au cabinet, qu’il a quitté récemment, et au conseil communal. Double casquette aussi pour Patrice Vraie, deuxième échevin et collaborateur au cabinet. Où est également embauchée sa femme, Béatrice (accessoirement secrétaire adjointe de l’USC de Thuin) et ou l’était sa fille aujourd’hui employée communale. Devinez où ?
Sans oublier Vincent Crampont ! Le premier échevin, pompier de profession, a bossé au cabinet de son bourgmestre de ministre jusqu’en décembre dernier. En tant qu’expert, chargé d’intervenir sur la réforme des services d’incendie. « De manière non rémunérée, sauf le remboursement d’indemnités », précise-t-il. Son frère, est par contre bel et bien payé par le cabinet, où il officie comme collaborateur engagé.
Thuin, encore et toujours. Même une technicienne de surface et le chauffeur personnel de Paul Furlan en sont originaires. Tout comme un entrepreneur du secteur photovoltaïque reconverti en « attaché ». Idem pour Vincent Demars, fonctionnaire détaché et président de la section PS (de Thuin, donc). Étonnamment, sur certains sites web renvoyant à la commune, la personne de contact est… collaboratrice du cabinet, adresse « @gov.wallonie.be » à l’appui.
Les communes voisines constituent une autre réserve de personnel. A Morlanwelz, l’échevin Nebih Alev preste parallèlement comme chauffeur au cabinet. Une attachée vit à la même adresse que Giorgio Facco, président du CPAS de ladite entité. D’où est en outre originaire une conseillère du CPAS, collaboratrice de l’équipe ministérielle. Le sud plus vert de l’arrondissement est représenté par le fils de la bourgmestre de Chimay, porte-parole du ministre.
Puis vient Anderlues, dont on a parlé plus haut.
Mais Paul Furlan n’est pas seulement thudinien : il est également carolorégien, sociologiquement et politiquement. Sociologiquement parce que la ville de Thuin est à quelques kilomètres au sud de la métropole du Pays Noir, et qu’elle en est en fait une banlieue verte. Politiquement parce que Paul Furlan n’est devenu ministre en 2009 qu’avec l’appui de la puissante fédération socialiste de l’arrondissement de Charleroi, dont le gouvernement wallon de Rudy Demotte ne comptait à l’époque pas de représentant. Conséquence de cette dépendance sociologique et politique de Thuin à Charleroi, le cabinet Furlan compte beaucoup de Carolos qui comptent ou de leurs proches, et au moins autant de Carolos qui comptaient ou de leurs proches.
Du grand arrondissement voisin de Charleroi, le ministre Furlan emploie en effet, par ordre alphabétique :
- L’ancienne députée wallonne et échevine des Bons Villers, puis de Charleroi, Ingrid Colicis
- Le chef de cabinet adjoint du bourgmestre Paul Magnette, Olivier Dubois
- Le fils de Christophe Ernotte, directeur général de la Ville de Charleroi, Julien
- Le bourgmestre de Manage, Pascal Hoyaux
- Le fils de Christian Laurent, chef de cabinet du bourgmestre Paul Magnette, Régis
- L’ancienne conseillère communale carolorégienne, Laetitia Letot, -L’ancienne députée fédérale Laurence Meire.
En outre, Paul Furlan a récemment confié un mandat d’expert à Philippe Van Cauwenberghe (« c’est récent et à titre gratuit », nous précise-t-il) et à sa belle-mère, Colette Ista, épouse de Jean-Claude Van Cauwenberghe.
Au moins on ne parle donc pas que de Thuin dans les réunions de staff.
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