Pascal Delwit: « Entre PS et MR, la place de premier parti francophone se joue »
Le politologue de l’ULB souligne combien le PS de Paul Magnette est « à la peine », tant au niveau de son organisation que de sa communication. Le rejet dans l’opposition fédérale serait grave. L’incident de Verviers est révélateur.
Pascal Delwit, politologue à l’ULB, analyse ce moment délicat pour le PS, qui pourrait à nouveau être rejetté dans l’opposition fédérale et qui menace d’exclure la bourgmestre Muriel Targnion à Verviers.
Paul Magnette, président du PS, vit-il un moment clé de sa présidence, avec le risque d’être rejeté dans l’opposition fédérale?
Il a vécu de nombreux moments importants ces derniers temps, où chaque fois un virage important était possible. Il y a eu la tentative de créer une coalition avec la N-VA, juste avant la crise du coronavirus. Puis, le soutien apporté de l’extérieur au gouvernement Wilmès et les pouvoirs spéciaux, pendant la crise. Et enfin la tentative de débloquer les choses avec Conner Rousseau, son homologue du SP.A, à la fin de la crise. Maintenant, il existe en effet le risque que le PS soit rejeté dans l’opposition, alors que le SP.A serait dans la majorité. Même si la coalition dite Arizona envisagée par le trio de missionnaires est loin d’être faite.
Une nouvelle cure d’opposition, pour le PS, serait-elle grave?
Ce serait compliqué à vivre pour le parti, indéniablement. Le niveau fédéral est vital pour le PS car c’est là que se prennent les décisions budgétaires en matière de sécurité sociale, surtout en matière de soins de santé. Ce serait en outre problématique pour les socialistes de se retrouver une deuxième fois consécutive dans l’opposition fédérale, après avoir gouverné sans discontinuer de 1989 à 2014. Ce serait compliqué en raison des thématiques traitées à ce niveau, mais aussi et surtout au niveau organisationnel. On observe aujourd’hui un affaiblissement de la structure du PS qui est un parti de pouvoir, dont la force reposait aussi sur ses ministres, ses cabinets ministériels et son implantation dans les administrations fédérales. C’est loin d’être négligeable.
A partir de 2012 et 2018, un affaiblissement a, en outre, été perceptible au niveau des communes en plus du fédéral. On constate dès lors que le parti a du mal à se redéployer au niveau politique, idéologique et organisationnel. Ce qui se passe à Verviers, avec l’exclusion possible de Muriel Targnion, illustre que le sentiment d’appartenance à une communauté a reculé. Verviers, ce n’est quand même pas n’importe quoi, c’est une ville importante en province de Liège, où il y a déjà eu d’autres soucis à Grâce-Hollogne, à Soumagne…
On épingle le manque d’autorité de Paul Magnette, mais la difficulté serait davantage structurelle?
Dans une certaine mesure, elle est structurelle, oui. La social-démocratie européenne est en difficulté dans la plupart des pays européens. Le PS est touché, lui aussi : une partie de son électorat populaire vote désormais pour le PTB et une partie de son électorat dans le monde de l’enseignement, notamment, s’en est allé chez Ecolo. Paul Magnette a la responsabilité des négociations fédérales, mais il a aussi pour mission de recréer du liant dans la communauté socialiste.
N’est-il pas contraint à un grand écart permanent?
Ce n’est pas une position évidente à tenir, en effet. Mais ce qui est frappant, c’est de voir que le PS est à la peine en ce qui concerne son organisation politique, tout ce qui concerne le rapport aux fédérations ou aux unions communales. Il y a un manque de dynamisme interne. De même, le parti est à la peine en matière de communication, dans son rapport aux réseaux sociaux, comparativement au PTB, voire au MR, alors qu’il était en pointe dans ces domaines.
Le MR est-il en train d’exploiter ses fragilités du PS?
C’est logique, c’est la règle du jeu en politique. C’est assez logique que le président du MR rencontre à la télévision son homologue du PTB, par exemple, parce que cela marginalise le PS et cela permet aux deux partis de confirmer leur électorat. De même, l’éventuel avènement de la coalition Arizona serait terrible pour le PS. En toile de fond se joue aussi la place de premier parti francophone. Le PS a peut-être bien résisté lors des dernières élections de mai 2019, mais son résultat était tout de même le plus bas de son histoire et l’écart avec les libéraux n’était pas substantiel.
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