Olivier Maingain : « Je veux bien être le sauveur, mais pas à n’importe quel prix »
Olivier Maingain, président de DéFI, se déclare soucieux de sauver la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il propose que son parti entre dans la majorité. Et pose, évidemment, ses conditions.
C’est le maître des clés. Olivier Maingain, président de DéFI, détient l’avenir de la Région bruxelloise et de la Fédération Wallonie-Bruxelles, où son parti est indispensable à la formation d’une majorité. Depuis la Bourgogne, où il est en vacances, il balise une rentrée politique vitale pour les francophones.
Nous sommes dans une situation inédite depuis 1985, avec des majorités différentes en Wallonie et à Bruxelles…
Il n’y a jamais eu une totale harmonie des majorités entre les gouvernements wallon, bruxellois et francophone. J’ai connu l’époque où le MR était au gouvernement bruxellois, et pas au gouvernement wallon. Ce qui est vrai, c’est qu’il y a traditionnellement eu davantage de symétries entre les gouvernements de Wallonie et de la Communauté française. Les Bruxellois, eux, n’ont pas toujours été bien pris en compte dans les équilibres. Par contre, ce qui prévalait, c’est que les ministres-présidents des deux gouvernements régionaux siègent au sein du gouvernement de la Fédération. Ce qui permet d’avoir un lien entre les entités. La Fédération Wallonie-Bruxelles est l’union des deux Régions, elle doit en refléter la réalité politique. C’était d’ailleurs le discours tenu par le MR depuis des années.
Cette asymétrie, qui pourrait être totale si le CDH quitte le gouvernement bruxellois, n’est-elle pas préoccupante ?
Il faut remettre les choses à leur place : ce sont le PS et le CDH qui, les premiers, ont provoqué un déséquilibre. Tous deux n’ont pas voulu de nous dans le gouvernement de la Fédération après les dernières élections, en 2014. Tout est parti de l’alliance privilégiée de Benoît Lutgen avec le PS en Wallonie. C’est alors qu’on nous a permis de participer à Bruxelles. Mais lorsque j’ai demandé à être associé à la Fédération, je me suis vu opposer un refus pas très amical des présidents Di Rupo et Lutgen.
A mon retour, je ferai des propositions pour que nous entrions dans la majorité francophone
Mais est-il possible de changer la majorité bruxelloise ?
Les majorités sont plus difficiles à composer à Bruxelles qu’en Wallonie, en raison de l’équilibre linguistique et de l’absence de parti dominant. On nous invite à changer la majorité ? Celle que l’on évoque – entre MR, CDH et notre parti – n’aurait qu’un siège de majorité. J’ai toujours considéré que ce ne serait pas raisonnable. En outre, le CDH n’est pas en forme et le MR n’a pas réussi la percée annoncée : ce sont les résultats des précédentes élections qu’il faut prendre en considération, pas les sondages. Tout ça est de nature à me faire réfléchir. Je réfléchis d’autant plus lorsque je vois l’assiduité de certains députés régionaux MR. Je ne veux pas être soumis en permanence au chantage de l’un ou l’autre. Prenons un exemple : Alain Destexhe, qui n’est pas le plus modéré, n’est pas le député bruxellois le plus rigoureux au sein du MR. Ce n’est pas de nature à me rassurer.
La Fédération Wallonie-Bruxelles reste la clé pour les francophones ?
Oui. A mon retour, vers le 20 août, je ferai des propositions pour que nous entrions dans la majorité francophone. Au gouvernement de la Fédération, il faudra bien qu’ils intègrent un parti pouvant faire le lien avec Bruxelles et c’est sans doute notre rôle. Mais nos conditions seront importantes. A Bruxelles, je suis dans la majorité, je respecte mes engagements. Je précise d’ailleurs, à l’attention du CDH, que tant qu’un gouvernement n’est pas démissionnaire de tous ses membres, celui-ci n’est pas en affaires courantes ! Ce n’est pas parce qu’un ministre CDH est démissionnaire que le reste de l’équipe doit cesser de travailler. Jadis, le secrétaire d’Etat Volksunie Vic Anciaux avait démissionné en raison de problèmes linguistiques. Il a cru qu’il paralyserait de la sorte le gouvernement, mais ce ne fut pas le cas. Nous aussi nous pourrions continuer à gouverner sans le CDH parce que ce gouvernement dispose toujours d’une majorité au parlement grâce aux trois partis flamands. Un problème de majorité se poserait au niveau de la commission communautaire commune (Cocom). Mais je ne serais pas ému si l’on démontrait qu’elle est inutile et si une majorité transférait ses compétences à la Région. Bref, il y a encore beaucoup d’hypothèses à explorer avant une conclusion vers laquelle certains essaient de nous pousser. Je ne veux pas me précipiter.
Ecolo pourrait aussi remplacer le CDH à Bruxelles, non ?
C’est une autre possibilité, mais il reste à voir si Ecolo en est désireux. Ce qui est sûr, c’est que nous avons des conditions très claires en matière de gouvernance et que nous avons conclu un accord avec Ecolo à ce propos. Un premier test important sera de voir qui va voter nos propositions. Personnellement, je ne donne aucun blanc-seing, à personne. Le PS, lui non plus, n’est pas assuré de rester au gouvernement bruxellois. S’il ne se remet pas suffisamment en cause après les affaires, nous en tirerons les conclusions. De même, notre exigence de mises à l’écart des parlementaires inculpés par la justice reste de mise. Je ne veux pas m’engager en ayant des doutes à l’égard de certains. Je veux une règle unique, égale pour tous, parce que je m’attends à ce que plusieurs mandataires fassent l’objet de poursuites pénales après les affaires qu’on a connues. Je veux une réponse claire à cette exigence.
Cette situation n’est-elle pas préoccupante parce qu’elle montre la désunion francophone face à la Flandre ?
Celui qui a débranché la prise aurait en effet dû réfléchir davantage aux implications pour les francophones. La responsabilité du CDH est écrasante. Je veux bien jouer au sauveur, mais à condition que le principal intéressé reconnaisse sa faute : Monsieur Lutgen a mis les francophones en position de faiblesse, il a donné un avantage à la N-VA et préparé la septième réforme de l’Etat. Donc, il faut que l’on s’y prépare. D’autant que parmi les partis signataires de la sixième réforme de l’Etat, c’est la débandade : aujourd’hui, ils sont tous honteux de leur vote car ils voient les conséquences néfastes pour les Régions et la Communauté. Depuis le 19 juin, nous avons changé de paradigme. Benoît Lutgen n’a pas évalué les conséquences de son acte, c’est un calcul politicien à court terme. Dans les conditions que je fixerai pour notre entrée à la Fédération Wallonie-Bruxelles, il y aura des demandes très fortes en matière institutionnelle pour assurer l’unité, indispensable, des francophones.
Les velléités régionalistes sont importantes du côté francophone, tant au PS qu’au MR. Certains partisans de cette thèse sont devenus ministres…
J’en suis très préoccupé aussi. Parmi nos conditions, il y aura le maintien d’une Fédération Wallonie-Bruxelles et le respect de ses compétences.
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