Objectif neutralité climatique en 2050: cinq scénarios pour y arriver en Belgique
Zakia Khattabi (Ecolo), ministre fédérale du Climat, a présenté un rapport pour nourrir l’ambition climatique belge. Une diversité de pistes pour nourrir un débat démocratique. Message des experts: c’est faisable.
La ministre fédérale du Climat, Zakia Khattabi (Ecolo), et son administration du SPF Santé publique ont présenté un rapport prospectif identifiant une série de scénarios de transition visant la neutralité climatique d’ici 2050. C’est un pas supplémentaire posé par rapport aux travaux précédents, en 2013, en lien avec l’ambition européenne.
« Si tous les scenarios de transition présentés tracent bien la voie vers une société décarbonée et durable en 2050 en adoptant une approche globale, leur diversité laisse une large place au dialogue et au débat public pour y parvenir« , insiste la ministre. « Ce rapport contribue à la démocratisation du débat. »
« Gouverner, c’est prévoir »
Les scénarios ont été développés à partir d’un outil permettant de « jouer » sur les niveaux d’ambition de plus d’une centaine de leviers dans tous les secteurs de la société et d’en évaluer la répercussion sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2050 et sur la consommation des ressources. Ils contribuent à fournir une vision générale en matière de politique climatique et indiquent également à l’ensemble des décideurs et investisseurs des directions à suivre et les principaux arbitrages nécessaires à la réalisation de la neutralité climatique dans notre pays.
« Gouverner c’est prévoir, cette préoccupation est au coeur de mon action en matière de gouvernance climatique, souligne Zakia Khattabi. Après nous être alignés sur l’objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050, il s’agit d’analyser concrètement ce que cela signifie en Belgique et de tracer le chemin pour y parvenir. . J’ai donc pris l’initiative d’informer et de mettre à disposition de l’ensemble des gouvernements et des parlements ce rapport afin que les résultats soient mis en débat public. L’enjeu démocratique est au coeur de la transition, ce n’est qu’ensemble et en toute connaissance de cause que nous parviendrons à atteindre nos objectifs climatiques. »
Cinq scénarios sur la table
Afin d’appréhender les différentes pistes pour atteindre la neutralité climatique et étudier leurs implications, cinq scénarios ont ainsi été développés:
– un scénario de référence se basant sur les politiques existantes (business as usual).
– un scénario comportemental, mettant l’accent sur des changements de mode vie dans les domaines, entre autres, de la mobilité, de l’habitat et de l’alimentation.
– un scénario technologique, privilégiant le déploiement des technologies visant l’efficacité énergétique et les combustibles décarbonés tels que les carburants synthétiques ou l’hydrogène.
– un scénario central, reposant sur une approche équilibrée entre les dimensions comportementale et technologique, « parce que les deux seront nécessaires », précisent les responsables de l’administration ».
– un scénario ‘demande élevée’ explorant les implications d’une trajectoire caractérisée par une demande d’énergie plus élevée que les scénarios précédents. « C’est ce qui peut se passer si on n’arrive pas à baisser la consommation. »
« Réalisable, mais… »
L’analyse de ces différents scénarios de transition mène à une série de conclusions, en voici les principales :
– Atteindre la neutralité climatique en Belgique d’ici 2050 est techniquement réalisable, même si cela représente un grand défi dans tous les secteurs et nécessite des changements systémiques, tant comportementaux que technologiques. Précision importante: « Dans les secteurs du bâtiment, des transports et de la production d’électricité, on devra arriver à zéro émission,prédisent les experts. Parce que l’agriculture et l’industrie devront être compensées.
– La demande d’énergie diminue considérablement et les combustibles fossiles sont progressivement éliminés grâce à l’électrification et à l’utilisation de combustibles neutres en carbone.
– Le besoin en ressources et matériaux est largement inférieur aux niveaux actuels dans tous les scénarios de neutralité climatique, en particulier si nous évoluons vers des modes de consommation plus durables. « Dans les scénarios, on arrive à réduire considérablement le volume de matériaux produits », précisent les experts. Réduction du gaspillage, économie de partage, changement des pratiques de mobilité, notamment le nombre de voitures, sont au menu.
– L’évolution des régimes alimentaires entraîne également de profonds changements dans le secteur agricole, qui modifient l’usage des sols et stimulent l’absorption du carbone. « Ce sont des éléments assez neufs, disent les experts. En terme d’agriculture, il faudra réduire significativement les émissions de CO2 via la réduction du cheptel. » Il faudra donc moins de récoltes pour la nourriture, avec une reforestation à la clé et une augmentation des prairies naturelles.
– Des investissements supplémentaires importants dans les infrastructures sont nécessaires. Leur ampleur peut toutefois être significativement réduite si les comportements changent fortement et si l’économie circulaire et de partage se développe largement. « Selon les scénarios, ces investissements augmenteront de façon sensible expliquent les experts. Mais dans l’ensemble, ces investissements supplémentaires sont compensés par la baisse des dépenses en combustibles. »
Secteur par secteur
Au niveau du bâtiments, une pression sera induite par une augmentation de la population, de l’ordre de 10% d’ici 2050, et la réduction du volume des habitants sera au menu, dans certains scénarios. Mais l’évolution technologique sera aussi invitée à répondre à ce défi. De même, le taux de rénovation des bâtiments devra passer de 1% à 3% par an, et ces rénovations devront être profondes. Les différents scénarios induisent toutefois des équilibres et des choix très différents dans ce secteur comme dans d’autres.
En ce qui concerne les transports, le nombre de kilomètres accomplis par les Belges se monte à 13000 kilomètres par an. Dans un scénario technologique, ce niveau pourrait monter à 15000 kilomètres; mais descendre dans un scénario comportemental. Là encore, des choix et des équilibres sont au menu.
L’industrie, soulignent les experts, est « un secteur compliqué à décarboniser », mais il existe un certain nombre de leviers pour réduite la quantité de matériaux à produire et les volumes de production. « Y’aura-t-il un mouvement mondial vers une économie circulaire? » se demandent-ils. Là encore, des scénarios différents existent, mais la valeur de la production pourrait ne pas diminuer, notamment en raison de la complexité de ce qui est produit.
En matière d’énergie, la part de l’électricité deviendra plus importante, mais variera selon les scénarios. Cette électricité devra être produite par les énergies renouvebles= éolien, solaire, géothermie… Avec une importation nette. « Notre travail montre que c’est faisable et il ne s’agit pas de mettre de l’éolien à tous les coins de rue« , disent les experts. Le grand enjeu sera la gestion de l’intermittence. »
Conclusion de Zakia Khattabi: « C’est techniquement faisable. Ce rapport permet de sortie des caricatures. Au politique d’agir! »
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