Les coprésidents d'Ecolo Rajae Maouane et Jean-Marc Nollet. © Belga

Nucléaire en veilleuse, voile et revenu de base pour les jeunes: vieilles idées et nouveautés du programme 2024 d’Ecolo

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Ecolo a adopté son programme pour les élections de 2024. Les écologistes veulent notamment atteindre les 100% d’énergie renouvelable d’ici 2050, mais sans trop insister sur la sortie du nucléaire, un revenu de base pour les jeunes, et veulent autoriser, sauf exceptions, le port de signes convictionnels dans les services publics.

Le PTB, dimanche 10 mars, à Bruxelles, a été le dernier parti francophone à tenir son congrès programmatique en vue des élections régionales, fédérales et européennes du 9 juin prochain. Toutes les formations du pays ont donc adopté, souvent après des mois de débats, leur programme pour le grand scrutin. Entre les propositions que les partis mettront en avant, celles sur lesquelles ils seront discrets, celles qu’ils ont abandonnées depuis les élections de 2019, et celles qu’ils viennent d’inventer pour les élections de 2024, le Vif a fait le tri dans les milliers de pages des programmes des partis.

Le programme d’Ecolo a été adopté par le conseil de fédération du parti, le 13 janvier 2024. Le programme de 2019 comptait 109 pages, le « programme consolidé » d’Ecolo pour 2024 en dénombre beaucoup plus, puisqu’il a presque triplé de volume, passant à 338 pages. Mais en 2019, un programme plus « mastoc », de plusieurs centaines de pages, avait également été adopté, mais pas diffusé, afin de ne pas, disait-on à l’époque, trop disperser le message écologiste. Il n’y a cete fois que ce « programme consolidé qui fera foi dans les professions écologistes.

Ses propositions ne se distribuent pas en fonction des niveaux de pouvoir concernés par les élections régionales, fédérales et européennes du 9 juin prochain, mais bien en chapitres thématiques. Il y en a cinq (« une société plus verte », « une société plus juste », « une société plus émancipatrice », « une société plus égalitaire et plus ouverte » et « une société plus démocratique »), qui se déclinent ensuite en 33 sous-chapitres.

Le dernier est le plus long (22 pages). Intitulé « Une Belgique plus forte avec des institutions plus simples, plus efficaces et plus proches », il reprend en très grande partie le projet institutionnel composé par Ecolo avec les camarades de Groen.

C’était au programme d’Ecolo en 2019, mais ça n’y est presque plus en 2024: la fin du nucléaire

La mesure était un des arguments de campagne des Verts en 2019, et figurait au premier chapitre de ses revendications de l’époque, « fermer les centrales nucléaires sans plus aucune durée de prolongation« . Une guerre européenne, une crise énergétique et la prolongation de deux réacteurs nucléaires (Doel 4 et Tihange 3) plus tard, les revendications écologistes sont beaucoup moins assertives. Telle quelle, la proposition a disparu. Bien sûr, à travers le deuxième sous-chapitre du programme, qui explique comment il faudra atteindre le 100% renouvelable en matière énergétique d’ici 2050, il est souvent expliqué que le nucléaire, trop peu flexible, incertain et fort coûteux à lancer et à dépolluer, n’est pas, pour les écologistes, une énergie d’avenir. Et il est mentionné que cette stratégie doit permettre de « maintenir le cap de la fermeture des deux réacteurs les plus récents, en 2035 ». Mais il ne s’agit plus que d’une revendication incidente.

C’est au programme d’Ecolo en 2024, mais ça n’y était pas en 2019: la neutralité inclusive

Le programme « mastoc » d’Ecolo prévoyait en 2019 l’autorisation du port de signes convictionnels (donc surtout le voile) pour les employés (donc surtout les employées) des services publics qui n’étaient pas en contact avec le public. Mais cela ne figurait pas dans le condensé de 109 pages, ce qui n’a pas contribué à atténuer les polémiques sur le sujet. Cette fois, la « neutralité inclusive » est explicitement revendiquée, au chapitre 27, « une société ouverte, en lutte contre le racisme et les discriminations ». Avec l’inscription de la neutralité et de l’impartialité de l’Etat dans la Constitution, elle doit « poser la liberté de porter des signes convictionnels comme le principe de base, et l’interdiction comme l’exception », ces exceptions devant être listées par chaque autorité publique. Sur une autre question fort polémique, au chapitre du bien-être animal cette fois, l’interdiction de l’abattage sans étourdissement est revendiquée par les verts.

C’est au programme 2024, et Ecolo va en parler énormément: le climat et l’environnement par l’investissement

Le chapitre inaugural du programme 2024 est celui qui porte la couleur du parti. Littéralement, puisqu’il s’intitule « une société plus verte ». Il est, de loin, avec quatre-vingt pages, le chapitre le plus longuement développé du catalogue écologiste. Et aucun autre chapitre ne compte autant de sous-chapitres. Il y en a neuf (« Une planète habitable pour les générations actuelles et futures », « Une énergie propre et moins chère grâce au 100% renouvelable avant 2050 », « Des mobilités actives, accessibles et durables« , Réussir la transition vers une économie circulaire et prospère », « Une alimentation de qualité grâce à une agriculture nourricière et biologique », « Prendre soin du vivant, de la nature et de la biodiversité », « Un cadre de vie plus sain pour une santé mieux protégée », « Aménager des territoires plus verts, plus résilients et plus acceuillants », et « garantir le bien-être animal »). Ces thématiques constituent le coeur du message écologiste, l’alpha et oméga des verts, et la recette de leurs victoires historiques: plus on en parle, plus ils y gagnent. Mais pour éviter de présenter cet alpha comme un répertoire d’interdictions et de limitations, c’est sur la nécessité de grands investissements qu’ils vont insister, soit un omega de moyens consacrés par la collectivité à aider la population à vivre mieux. Un plan d’investissements à quinze milliards ça ne mange pas de pain et ça peut rapporter pas mal. Alors ils vont tout faire pour ne parler que de ça comme ça.

C’est au programme 2024, mais Ecolo ne va pas en parler beaucoup: le maintien des allocations de chômage

L’ancrage très clair à gauche des écologistes francophones sur les questions socio-économiques est observable, cette année encore, à ce que contient le chapitre « une société plus juste », le deuxième du programme 2024: un impôt sur le patrimoine, des hausses des salaires par une baisse de la fiscalité sur le travail, la révision de la loi de 96 sur les salaires, ou la défense des allocataires sociaux, notamment les chômeurs, par le maintien des allocations de chômage au-delà de deux ans, par exemple, figurent au menu écologiste, comme à celui du PS et du PTB. Un revenu de base pour les jeunes aussi, comme au PS (mais l’idée de Jean-Marc Nollet et Rajae Maouane d’offrir 30 000 euros à tout citoyen âgé de 25 ans, elle, a disparu des revendications écologistes). Mais comme ces thématiques appartiennent, comme on dit en sciences politiques, à ces derniers partis, les écologistes, spontanément, ne viendront pas vous les proposer: trop en parler reviendrait à faire la campagne des concurrents PS et PTB. Les écolos n’auraient rien à y gagner. Alors ils n’en parleront que si on leur en fait la demande spécifique.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire