Une mosquée à Pecq © Belga

« Nous musulmans, nous ne voulons pas être tolérés, nous désirons faire partie de la société »

« En tant qu’acteurs associatifs musulmans, nous ne sommes pas aveugles à la frustration ressentie au sein de la communauté et nous ne pouvons que prendre nos responsabilités » déclare le politologue Fouad Gandoul à l’occasion de la publication de la déclaration dans laquelle des musulmans belges s’unissent contre la radicalisation.

« Après les attentats contre Charlie Hebdo et la menace terroriste en Belgique, nous ne pouvions que prendre notre responsabilité » explique Fouad Gandoul, politologue et secrétaire de Empowering Belgian Muslim. « L’islamophobie représente un problème de société gigantesque. Et nous ne parlons pas des critiques à l’égard de l’islam, mais de l’incitation à la haine et de la peur des musulmans distillée à dessein ».

Comment est née la déclaration?

Fouad Gandoul : La déclaration est née suite aux attentats contre Charlie Hebdo en France et la menace terroriste dans notre pays. Il était temps que les acteurs principaux se réunissent, car en tant qu’acteurs associatifs musulmans nous ne sommes pas aveugles à la frustration ressentie au sein de la communauté. Pour le moment, la peur au sein de la communauté musulmane est profondément enracinée et n’est pas du tout comparable au tumulte du passé, qui s’est produit après la polémique autour des caricatures de Mahomet au Danemark par exemple ».

« En ce moment, la menace touche vraiment le coeur de l’Europe. Les salafistes radicalisés -bien entendu une toute petite minorité – sont nés et ont grandi en Europe. Il est primordial de lutter contre la source, à savoir l’islamophobie, car il s’agit d’un gigantesque problème de société à la base de la radicalisation. Bien entendu, nous voulons préciser qu’il y a une différence entre critiquer l’islam, ce qui est acceptable, et distiller la peur contre les musulmans. On ne peut pas laisser passer cela sous prétexte de liberté d’expression. Il s’agit tout simplement d’incitations à la haine ».

Le volet consacré à la radicalisation est clair, mais que faites-vous de la citoyenneté ?

Gandoul: « On ne peut nier la radicalisation. Pour traiter ce problème de façon structurelle, nous devons étudier les causes. La radicalisation s’explique soit par une crise identitaire soit par des facteurs socio-économiques. Dans le pire des cas, les deux aspects jouent un rôle. C’est pourquoi en tant que musulmans nous désirons souligner ce que nous voulons et pouvons faire. C’est notre responsabilité. Les professeurs et entrepreneurs musulmans (qui sont encore beaucoup trop peu nombreux) jouent un rôle essentiel.

« Nous sommes nés et avons grandi ici. Nous ne voulons pas être uniquement tolérés, nous voulons faire partie de la société. C’est pourquoi il est essentiel de donner un visage moderne à l’islam, afin que nous puissions montrer que nous sommes des citoyens avec les mêmes droits, quelle que soit notre croyance. La quantité considérable de signataires nous permet de souligner qu’il existe une large adhésion ».

Quelles mesures concrètes proposez-vous?

Gandoul: « La déclaration comprend quatre propositions concrètes, car le problème de radicalisation ne se résoudra pas si on se concentre uniquement sur la question de sécurité, tel que c’est le cas aujourd’hui. Cela ne fait que raviver la peur à l’égard de l’islam alors que nous oeuvrons justement à une vision commune sur l’islam à long terme. L’Islam fait partie de notre société et devrait être considéré comme une partie de l’ADN naturel même si je réalise bien qu’il faudra encore beaucoup de travail pour impliquer la communauté dans cette historie. C’est pourquoi il nous faut des partenaires politiques ».

« Sur ce plan, j’applaudis notamment le bourgmestre de Malines Bart Somers (Open VLD). La communication ouverte qu’il établit avec les différentes communautés de sa ville est louable. Cependant, le problème auquel nous sommes confrontés dépasse le niveau local. Il faut fournir des efforts tant sur le plan régional que national. Les priorités principales concernent les secteurs de l’Enseignement, du Travail et du Bien-être. Il faut mettre fin à la discrimination larvée sur le marché du travail et dans l’enseignement. Il s’agit d’un effort collectif, et les médias jouent un rôle clé, car ils constituent la source principale d’informations sur l’islam, les musulmans et la radicalisation ».

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