Jules Gheude
Nos libertés individuelles sont-elles menacées ? (carte blanche)
Une opinion de Jules Gheude, essayiste politique.
L’être humain est doté de la raison, mais il arrive bien souvent que celle-ci s’égare.
Ainsi, lorsque certains s’estiment évoluer dans un régime totalitaire parce que leur Parlement adopte le certificat vaccinal pour tenter d’endiguer la pandémie qui frappe la planète depuis deux ans.
Certes, le président français Emmanuel Macron n’a guère été bien avisé en précisant que cette mesure visait à « emmerder les non-vaccinées ». Mais au-delà de ces propos maladroits, il convient de considérer les choses de manière apaisée et réaliste.
Le concept de « santé publique » existe et il est capital. Il intègre les notions de prévention, de promotion de la santé, d’appréciation des risques pour la santé, de mesures des pathologies, de définition de politiques publiques de santé et d’organisation des soins et du système de santé. La santé publique concerne des populations, l’ensemble des citoyens et non pas seulement l’individu ou une personne malade, ce qui a amené certains à la qualifier de médecine des populations. Elle n’est pas non plus coupée du champ de la clinique car elle s’intéresse aux notions d’amélioration de la qualité des soins et de la qualité de vie, les soins constituant une composante essentielle et à part entière de la santé publique.
Dans le cas qui nous occupe – l’arrivée d’un virus nouveau et développant des variants -, les populations de la planète sont toutes frappées. Il ne s’agit pas d’un problème individuel.
L’essentiel aujourd’hui n’est pas de reprocher à tel ou tel gouvernement d’avoir laissé se dégrader la situation hospitalière, mais de faire corps pour venir à bout d’un mal qui nous concerne tous, parce qu’il affecte profondément notre qualité de vie : le personnel soignant est exténué, nos élèves et étudiants doivent supporter des conditions d’apprentissage difficiles et inconfortables, le monde de la culture est en souffrance…
Nous devrions nous réjouir de ce que, un an à peine après le déclenchement de l’épidémie, un vaccin ait pu être mis au point.
Il n’offre pas, pour l’instant, une couverture maximale, puisque les personnes qui l’ont reçu peuvent toujours contracter le virus et le transmettre. Mais elles n’encourent pas les formes graves qui nécessitent une admission en réanimation et peuvent engendrer la mort. Toutes les enquêtes le démontrent : la grande majorité (plus de 90%) des patients se trouvant aujourd’hui aux soins intensifs sont des personnes non vaccinées.
Tout vaccin est susceptible d’occasionner des effets secondaires, mais le risque reste extrêmement limité par rapport au bénéfice.
Nos libertés individuelles sont-elles atteintes ?
En fait, à l’inverse des droits fondamentaux, qui ont valeur absolue (droits de l’Homme et du citoyen), il n’existe pas de liberté individuelle totale. Car, selon l’expression bien connue, « ma liberté s’arrête là où commence celle des autres ».
L’être humain étant amené à vivre en société, on ne peut certes pas concevoir les droits sans des devoirs. Pour réguler tout cela, une structure spécifique s’impose, que l’on nomme communément « l’Etat ».
Selon le concept classique de la démocratie, le citoyen, par son vote librement émis, délègue à des représentants la tâche d’adopter des lois qui, tout en veillant à garantir l’application des droits fondamentaux expressément prévus par la Constitution, sont censées assurer le bien-être général.
Le rôle régulateur de l’Etat ne consiste nullement à se mêler de ce qui relève de la sphère strictement privée de l’individu. Chacun reste libre de mener la vie qu’il souhaite, à condition toutefois de ne pas porter atteinte à l’ordre public ou à autrui. Les libéraux sont particulièrement sourcilleux sur ce point, eux qui qualifient l’Etat de « mal nécessaire ». Trop d’Etat, affirment-ils, tuent l’Etat.
On ne peut crier au déni de démocratie, lorsque des mesures sont adoptées par un Parlement, après un débat contradictoire et des examens approfondis en commission.
Si l’Etat se montrait d’un laxisme total, d’autres manifestations se mettraient en place pour lui reprocher de ne pas prendre les mesures qui s’imposent afin de garantir la santé publique.
Pour ce qui concerne la formule « Mon corps m’appartient et je reste libre de ne pas me faire vacciner », elle se heurte à tout jugement rationnel et raisonnable.
Si, au moment des grandes épidémies historiques, le moyen médical d’y faire face avait existé, les populations l’auraient-elles snobé ?
Les progrès de la science et la recherche médicale ont permis de faire des avancées considérables. L’homme a désormais la possibilité d’agir sur sa propre destinée.
Alors qu’il n’y a pas encore si longtemps, la mort frappait à un âge relativement jeune, la durée de vie humaine s’est aujourd’hui considérablement prolongée.
En France, la loi du 30 décembre 2017 a ajouté huit vaccins, jusqu’à alors recommandés pour la petite enfance, aux trois vaccins déjà obligatoires. Sont ainsi concernés, outre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, l’haemophilius influenzae B, la coqueluche, l’hépatite B, la rougeole, les oreillons, la rubéole, le méningocoque C et le pneumocoque.
Avant l’arrivée des vaccins contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, ces maladies représentaient de véritables fléaux, avec des milliers de décès d’enfants par an.
Pour le seul cas de la rougeole, son élimination nécessite un niveau de couverture vaccinale de 95% chez le jeune enfant, niveau qui n’avait jamais été atteint en France. On se souvient de l’épidémie qui a sévi entre 2008 et 2011.
Cette extension de l’obligation vaccinale ne doit pas être considérée comme une atteinte à nos libertés individuelles, mais comme une priorité de santé publique. Pourquoi laisser des drames se produire, alors qu’ils sont facilement évitables ?
C’est la même logique qui doit s’imposer pour résoudre la crise sanitaire qui nous touche aujourd’hui. Seul le vaccin anti-Covid pourra nous permettre d’endiguer l’épidémie et de retrouver des conditions d’existence normales.
Telle est la perspective positive que compromettent ceux qui refusent de se faire vacciner.
Il est d’ailleurs curieux de constater que nul n’a jamais contesté l’obligation de se faire administrer les vaccins requis pour se rendre en Asie ou en Afrique.
Le sens des responsabilités n’incombe pas seulement aux dirigeants politiques. Les citoyens aussi doivent faire preuve de civisme !
Il faut se garder de toute considération outrancière. Ceux qui évoquent aujourd’hui un régime totalitaire savent-ils vraiment ce que cela représente ?
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