Guillaume Dos Santos
Non M. Goblet, les étudiants ne vous comprennent pas
Il y a peu, la FGTB annonçait une grève générale le 24 juin. Pour les étudiants, qui avaient fait face durant la session d’examens de janvier à pas moins de cinq jours de préavis de grève, ça commençait à faire beaucoup. Les statuts Facebook ont alors fleuri, condamnant non pas les revendications de l’action, mais bien son timing.
Depuis, ce ne sont pas moins de six jours de grève supplémentaires qui sont venus s’ajouter à cet agenda déjà fort contestable: de quoi ravir, on l’imagine, les étudiants qui entament leur session d’examens de juin tant bien que mal. Qu’importe, le secrétaire général de la FGTB Marc Goblet ne semble pas s’en émouvoir. Et d’en rajouter une couche dans la presse: « Je n’arrive pas à imaginer qu’ils ne sachent jamais trouver une alternative », dit-il à l’adresse des étudiants, tout en appelant à leur solidarité. Seulement voilà, le problème c’est que les étudiants, eux, l’imaginent très bien puisqu’ils sont nombreux, précisément, à ne pas « trouver une alternative ». Et qu’ils commencent à en avoir assez que la solidarité ne doive aller que dans un seul sens. Non, M. Goblet, les étudiants ne vous comprennent pas.
Le milieu étudiant n’est pourtant pas insensible aux revendications portées par les syndicats. Il est en effet difficile en cette période, lorsqu’on a un minimum de sens critique, de ne pas prendre acte du sous-financement/définancement des services publics. Prisons, Justice, Transports en commun, tunnels bruxellois, réacteurs nucléaires à l’arrêt… Les signes trahissant une situation de « failed state« , pour reprendre l’expression consacrée, ne manquent pas, et il est urgent d’y remédier. En témoigne l’excellente carte blanche rédigée par trois grands patrons, publiée il y a peu dans les colonnes du Soir et appelant à « revitaliser ce pays qui donne l’impression de ne plus fonctionner« , une initiative qu’il convient de saluer.
Il est facile pour M. Goblet, cependant, d’appeler à la solidarité des étudiants lorsqu’on fait preuve d’un total manque de respect à leur égard. Et partir en grève en pleine session d’examens, sans préavis, c’est à l’évidence avoir une notion de la solidarité et du respect qui diffère de celle du commun des mortels.
Le secrétaire général de la FGTB dénonce, dans les propos qu’il a tenus, une société qui va vers toujours plus d’individualisme, et on ne saurait lui donner tort. Mais comment prétendre défendre l’intérêt collectif lorsque l’on ne prend plus la peine de se mettre à la place de l’autre? Comment prétendre défendre les intérêts de la jeunesse quand précisément on lui met des bâtons dans les roues?
« Nos actions n’ont pas d’autre but que d’offrir aux jeunes un avenir digne de ce nom » dit encore M. Goblet. Or la condition la plus élémentaire pour parvenir à cet avenir, c’est pour l’heure de pouvoir passer nos examens dans un climat serein. Le droit de grève est un droit inaliénable. C’est lui qui permet aux syndicats de jouer le rôle salutaire de contre-pouvoir face au gouvernement en cas de rupture de la concertation sociale. Mais ce droit doit être utilisé à bon escient et dans le respect des uns et des autres, au risque de se couper de sa base et de perdre de facto le soutien des usagers. C’est pourquoi il est urgent, à mon sens, de rouvrir un vrai débat sur le Service minimum, tout particulièrement pour les transports en commun en période d’examens.
La jeunesse mérite mieux que le mépris de Marc Goblet
Mais plus que cela, je crois que les syndicats doivent concevoir un nouveau mode d’action qui soit en phase avec leur époque et ceux qu’ils prétendent défendre. Il est ainsi tout à fait contre-productif de se couper du soutien de milliers d’usagers dont beaucoup, sans doute, rejoignent M. Goblet sur les constats, mais dont très peu, vraisemblablement, le suivront dans sa manière d’agir.
De même, tenir de tels propos dans la presse à l’égard des étudiants ressemble soit à du mépris, soit à une erreur fondamentale dans la manière de communiquer. Peut-être devrions-nous suggérer à M. Goblet de chercher, parmi les étudiants qui subissent aujourd’hui les désagréments de ces grèves, un nouveau media trainer qui puisse l’aider à mieux gérer sa communication dans la presse… Quoi qu’il en soit, la jeunesse mérite mieux que son mépris.
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