Capitale de la Wallonie depuis 1986, Namur connaît un nouvel essor grâce de nombreux projets urbains. © hatim kaghat

Namur commence-t-elle enfin à prendre la mesure de son statut de capitale wallonne ?

Pierre Jassogne Journaliste Le Vif/L’Express

Il y a des signes qui ne trompent pas. Ceux, notamment, des multiples chantiers dans le centre-ville. Namur est en pleine transformation. Comme si la ville prenait enfin la mesure de son statut de capitale. Jusqu’ici, en effet, ce statut administratif ne lui a pas vraiment permis de tirer son épingle du jeu wallon. Est-ce en train de changer ?

C’est sans conteste un chantier qui fera date. Celui de la Confluence sur le Grognon, lieu qui a vu naître la ville il y a 2 500 ans et qui accueille aujourd’hui le parlement wallon. Avec une vaste esplanade piétonne ouverte sur les berges de la Meuse, ce site exceptionnel veut se positionner comme vitrine de la ville intelligente et innovante en Wallonie, en accueillant le NID – Namur Intelligente Durable.  » Il a fallu beaucoup de temps pour que Namur puisse se développer autour de grands projets urbains comme celui-là, dépassant largement ses seules compétences politiques et institutionnelles. La ville a longtemps souffert de n’être qu’une cité de fonctionnaires, un peu éteinte. Or, il y a là un renouveau important avec des projets nombreux qui contribuent à la réanimer « , relève Jérémy Dodeigne, politologue à l’UNamur.

Namur a joué un rôle d’exemplarité dans l’évolution de la gouvernance.

Un dynamisme qui n’est pas sans rappeler celui qu’a connu la ville en devenant capitale de la Wallonie en 1986, avec l’accueil de nombreux services publics, se répartissant pour l’essentiel entre Namur et Jambes. La capitale wallonne occupe d’ailleurs la majorité des fonctionnaires régionaux qui sont 52 % à y travailler, contre 18,1 % pour le Hainaut et 16,6 % pour Liège. Ils étaient près de 4 000 à Namur avant la sixième réforme de l’Etat, ils sont désormais près de 5 000 fonctionnaires. Et qui dit emploi, dit développement d’activités. La ville bénéficie de diverses retombées économiques liées à son statut de capitale. Notamment au niveau commercial : c’est son deuxième secteur économique.

Le chantier du Grognon, un lieu qui a vu naître la ville il y a 2 500 ans.
Le chantier du Grognon, un lieu qui a vu naître la ville il y a 2 500 ans.© hatim kaghat

Un bassin de consommation

Cela ne fait pourtant pas de Namur un poumon économique. Ni même un lieu susceptible d’attirer les entreprises internationales comme Alibaba à Liège ou Google à Mons. Malgré tout, grâce à sa vocation centrale, la cité accueillera prochainement des services financiers importants avec les sièges régionaux de banques comme Belfius ou CBC. Avec les divers chantiers en cours, le privé investit aussi dans la création de bureaux : 50 000 mètres carrés sont prévus dans les prochaines années.

Pour Renaud Degueldre, directeur général du BEP, le Bureau économique de la province, Namur doit surtout conserver son caractère distinctif par rapport aux autres villes wallonnes.  » Elle a été pionnière dans deux secteurs clés, rappelle-t-il. Le premier, c’est celui de la smartcity où la capitale a joué un rôle d’exemplarité dans l’évolution de la gouvernance et de l’interactivité citoyenne. Le second, c’est celui du numérique à travers les industries culturelles et créatives, en se basant sur un terreau d’entreprises privées, l’université et un secteur culturel fortement actif « . Pour résumer cette ambition, Renaud Degueldre cite le Trakk, un hub dédié à la création et au soutien de projets digitaux innovants qui accompagne une dizaine de start-up.

Au niveau commercial, avec 760 cellules ouvertes, Namur fait aussi bien que Charleroi. Mais l’avenir est incertain et polémique, surtout avec la construction programmée d’un centre commercial à l’espace Léopold. En 2018, une étude du Segefa (Service d’étude en géographie économique fondamentale et appliquée) de l’ULiège indiquait néanmoins que l’offre commerciale locale devait être renforcée de 27 500 mètres carrés d’ici à 2025 sur l’ensemble du territoire communal. Avec 18 000 mètres carrés rien que pour le centre-ville.

 » Namur constitue un des principaux centres d’agglomération en Wallonie, mais son attractivité diminue car il est fortement concurrencé par Louvain-la-Neuve, Marche-en-Famenne ou Libramont « , souligne Génaël Devillet, directeur du Segefa.  » Par rapport à d’autres villes, il y a à Namur moins de cellules vides, que ce soit dans le centre ou la périphérie. La ville a aussi un bassin de consommation important qui couvre 330 000 habitants de 23 communes aux alentours de la ville.  »

Un jeune sur trois sans emploi

Au-delà du commerce, Namur a mené une vaste réflexion autour de ses activités touristiques et culturelles. Car la capitale a toutes les cartes en main pour devenir la porte d’entrée de la Wallonie : ville d’eau, ville à la campagne, ville d’histoire et une position centrale au croisement de corridors routiers, ferroviaires et fluviaux. L’objectif est de toucher un maximum de touristes, particulièrement les 50 ans et plus, les familles, les amateurs de culture et d’événements pointus comme le Fiff (festival international du film francophone), le Kikk (festival international des cultures digitales et créatives) ou Namur en mai (festival des arts forains).

Une étude récente de l’université de Namur montrait d’ailleurs que, sur le plan touristique, la capitale wallonne est la cinquième ville préférée des touristes belges et la première wallonne. Un secteur déterminant aussi puisqu’il représente déjà 1 500 emplois. Plus de 600 chambres d’hôtels sont en construction, l’hébergement hôtelier restant le point faible de Namur. Cette stratégie se concentre autour de la Citadelle : le site accueille chaque année 300 000 personnes grâce aux événements musicaux, artistiques et sportifs qui y sont organisés. Ces dernières années, 40 millions d’euros ont été investis pour restaurer ce patrimoine exceptionnel. En 2020, le site sera relié au centre-ville avec le projet de nouveau téléphérique.

Malgré cela, comme d’autres villes wallonnes, Namur présente un visage contrasté. Même si le niveau de revenus est supérieur à celui des autres Wallons (18 456 euros à Namur, la moyenne wallonne est de 17 590 euros), le taux de chômage y est élevé : 15,4 % contre 14,6 % au niveau régional. Il est particulièrement significatif chez les jeunes puisqu’un jeune Namurois sur trois est sans emploi.

Le défi démographique

L’autre enjeu pour la ville concerne sa démographie. Il y a aujourd’hui 111 000 habitants à Namur, contre 104 000 en 1991.  » Namur a connu un taux de croissance positif de sa population, contrairement à Charleroi, par exemple. Mais on assiste à un net ralentissement de la croissance depuis 2013 « , constate Thierry Eggerickx, du Centre de recherche en démographie de l’UCLouvain. Ce sont surtout les 30-45 ans qui continuent de quitter la capitale wallonne pour s’installer dans les communes avoisinantes.  » On rencontre le même phénomène à Bruxelles ou d’autres villes. Ce sont principalement les prix élevés des logements et des terrains à bâtir qui poussent les jeunes ménages à s’installer dans des communes de plus en plus éloignées de Namur « , ajoute-t-il. Raison pour laquelle, prévient le démographe, tous les efforts de Namur doivent se porter sur une politique de logements efficace pour éviter cette fuite des ménages et répondre aux besoins des familles.  » C’est un défi de taille pour l’avenir d’une capitale !  »

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