MR: les couteaux sont tirés
La campagne pour la succession de Charles Michel à la présidence du MR n’a pas encore officiellement commencé. Mais les tensions sont déjà à leur comble entre les candidats, en particulier entre les deux favoris, Georges-Louis Bouchez, promis à la victoire, et Denis Ducarme. Ces deux-là se haïssent depuis longtemps, et ça ne fait que commencer.
Lundi 8 avril 2019, la DH publie une interview de Denis Ducarme et Georges-Louis Bouchez, respectivement premier et quatrième sur la liste MR pour les législatives dans le Hainaut. Les deux Hennuyers se détestent déjà. Au journaliste qui l’avait écrit, ils protestent. « On n’est pas moins à droite que Destexhe », disent-ils ensemble. « On sent, depuis une heure qu’on est assis à table, combien on défend le même projet, avec parfois un peu de virilité dans la relation. Il y a une estime réciproque », ajoute Denis Ducarme. « Nous avons la même manière de faire de la politique. On a une relation qui est très directe, franche », conclut Georges-Louis Bouchez. Ils ne peuvent pas le dire, mais ils se détestent déjà, et depuis longtemps. Denis Ducarme, président de la fédération provinciale du MR, a été de ceux qui ont convaincu le président Charles Michel d’accorder à la populaire bourgmestre de Courcelles, Caroline Taquin, la troisième place sur la liste hennuyère. La campagne, en interne, est très tendue.
Dimanche 26 mai, Georges-Louis Bouchez empoche 16 500 voix de préférence. C’est plus que Caroline Taquin, troisième, et que Marie-Christine Marghem, deuxième. Mais le MR perd deux sièges et n’en garde plus que trois dans le Hainaut. Effet dévolutif de la case de tête oblige, Georges-Louis Bouchez ne sera pas élu député fédéral, Caroline Taquin et Marie-Christine Marghem bien. Pendant la nuit, Denis Ducarme l’assure de son soutien pour l’obtention du poste de sénateur coopté. La belle affaire. Ils se détestent encore.
Vendredi 20 septembre, l’été est passé et les ministres castés. Charles Michel a décidé, comme Willy Borsus a refusé, de pousser Georges-Louis Bouchez à lui succéder à la présidence du MR. Tout le monde commence à en parler et Denis Ducarme le sait. Lui aussi veut être président du MR. Dans la DH toujours, une autre journaliste évoque « une fronde anti-Bouchez à la tête du MR ». En fait de fronde et en fait de tête, deux députés-bourgmestres seulement s’expriment pour dire qu’ils ne veulent pas du Montois : le bourgmestre de Braine-l’Alleud Vincent Scourneau et… Caroline Taquin, députée par la grâce de Denis Ducarme. Dès le petit matin, Georges-Louis Bouchez se dit sans doute que c’est téléguidé, et sans doute qu’il n’a pas vraiment tort. Il dégaine son gsm et le dit à Denis Ducarme. Des captures d’écran ont depuis beaucoup circulé. « Tu fais fausse route ! » répond Denis Ducarme. « Ne me prends pas pour un imbécile […]. Le coup de la quatrième place tu ne pourras pas le refaire sans cesse. C’est donc une question de temps ;-). Par ailleurs, tu viens bien évidemment de couper toute discussion possible », relance Georges-Louis Bouchez. Ils se détestent toujours et il y en a cette fois des traces écrites.
Lundi 23 septembre, une quarantaine de mandataires réformateurs publient une carte blanche dans La Libre pour réclamer du MR qu’il se recentre. Le Montois Lionel Bonjean, signataire, a tenu la plume. Georges-Louis Bouchez et lui se détestent.
Vendredi 27 septembre, Denis Ducarme annonce sa candidature à l’élection présidentielle. Interviewé par La Libre, il s’est fait accompagner de Latifa Aït-Balaa, députée bruxelloise, et de Rachel Sobry, députée wallonne et ancienne collaboratrice de son cabinet. « Je suis très sensible à leur demande », dit Denis Ducarme de la carte blanche des quarante progressistes. Beaucoup détestent Georges-Louis Bouchez.
Samedi 28 septembre, au souper de la section MR de Ganshoren, Georges-Louis Bouchez et Denis Ducarme se croisent au bar. Ils discutent vivement et ça se voit. Ils s’expliquent mutuellement pourquoi selon l’un, l’autre ne ferait pas un bon président, et vice versa. Ils se disent pourquoi ils se détestent et tout le monde le voit.
Jeudi 3 octobre, Georges-Louis Bouchez annonce officiellement sa candidature. Plusieurs grands noms ont déjà, dans les jours qui précèdent, affiché leur soutien au Montois : Jean-Luc Crucke, Daniel Bacquelaine et David Clarinval notamment. D’autres suivront, c’est prévu, à un point tel que « tout a été négocié, organisé », écrit La Libre. La victoire de Georges-Louis Bouchez, défendu par Charles Michel, appuyé par Didier Reynders, poussé, officiellement ou pas, par tous les amis qui comptent de l’un et de l’autre, donc par à peu près tout le monde, adoré par les jeunes, est certaine. A partir de là les éléments de langage sont posés. Les relire ne laissera pas d’étonner ceux qui ont suivi l’actualité politique ces dernières années : Georges-Louis Bouchez est le rassembleur qui fait consensus et Denis Ducarme porte la voix des militants anonymes, dont beaucoup sont progressistes, contre les barons. Ça, c’est fort étonnant. Moins qu’ils se détestent autant.
Samedi 5 octobre, à un souper de la section MR de Nivelles, Denis Ducarme snobe la ministre Valérie De Bue. Elle s’énerve. Lui aussi. Elle dit qu’elle pèse 22 000 voix dans son arrondissement. Lui qu’il n’a pas besoin du soutien des barons. Le lendemain, elle en parle même au gouvernement wallon. Elle le déteste.
Lundi 7 octobre, Philippe Goffin annonce officiellement sa candidature. « Nous avons la même manière de faire de la politique » disait Georges-Louis Bouchez de Denis Ducarme et lui. Philippe Goffin pas: il prône « un libéralisme de respect ». Connu de peu mais apprécié de beaucoup et détesté de personne, il pourrait pousser Denis Ducarme et Georges-Louis Bouchez à un deuxième tour de ballotage. La possible candidature de Christine Defraigne, connue de tous, appréciée de beaucoup mais détestée de pas mal, aussi.
Vendredi 11 octobre, à 16 heures, Richard Miller, président du bureau électoral, et François-Xavier de Donnéa, président de la commission de conciliation et d’arbitrage, fermeront l’appel à candidatures pour la présidence du MR.
Lundi 14 octobre, le Conseil du parti statuera, à la majorité simple, sur leur recevabilité.
Lundi 21 octobre, les militants pourront commencer à envoyer leur bulletin de vote.
Mardi 12 novembre, les résultats seront proclamés. Un deuxième tour serait une victoire pour Denis Ducarme : les pro-Bouchez les plus enthousiastes pronostiquent un triomphe dès le premier tour.
Et demain ? Demain, le vainqueur fera du mal au vaincu. Pas tout de suite, bien entendu. Pas avec tant de troupes que Didier Reynders et Charles Michel, évidemment. L’un comme l’autre ont encore bien le temps de se faire d’autres ennemis éternels avec lesquels ils renoueront, et d’autres amis de toujours avec lesquels ils se brouilleront, bien entendu.
Mais, eux deux, ils se détesteront toujours.
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