Etienne Dujardin
Monsieur Philippe Moureaux : un peu de discrétion ne ferait pas de tort !
Philippe Moureaux enchaîne les interviews dans la presse tant en Belgique qu’à l’étranger. En optant pour une telle intensité médiatique bien programmée, notamment pour promouvoir son livre « La vérité sur Molenbeek« , l’ancien édile ne rend service ni à la classe politique, ni à sa commune.
Depuis la sortie de son livre : « La vérité sur Molenbeek« , Monsieur Moureaux enchaîne les interviews dans la presse tant en Belgique qu’à l’étranger. Jeudi dernier encore, sur la chaîne française itélé, invité par Audrey Pulvar particulièrement interloquée par ses arguments, l’ancien bourgmestre de Molenbeek tentait de justifier sa gestion durant 20 ans. On comprendrait que Monsieur Moureaux s’exprime lors de l’une ou l’autre interview et observe ensuite un certain silence. En optant au contraire pour une telle intensité médiatique bien programmée notamment pour promouvoir son livre, l’ancien édile ne rend service ni à la classe politique, ni à sa commune.
Tout le monde peut faire des erreurs, mais lorsqu’on en fait, mieux vaut les assumer. Comme le signale justement l’éditorialiste Béatrice Delvaux à propos du livre en question : « Ceux qui espéraient une remise en cause de l’un des esprits les plus brillants du pays, seront abasourdis, voire choqués. Car on est au-delà de l’absence de mea culpa ». Monsieur Moureaux a voulu faire de sa commune une sorte de laboratoire de mixité culturelle réussie. À force de jouer à l’apprenti sorcier, son éprouvette lui a pété entre les doigts, bien avant la fin de son mayorat. En effet, des liens entre différentes attaques terroristes et Molenbeek avaient déjà été établis depuis longtemps. Monsieur Moureaux n’a cependant rien changé, et ce, malgré les premiers signes alarmants de radicalisme qu’il avait lui-même perçus. Il aurait pu encourager la police à poursuivre toute délinquance même mineure, contrôler les lieux de cultes clandestins ou officiels où l’on prêche la violence, attirer une classe moyenne par une politique urbanistique intelligente pour casser la ghettoïsation de certains quartiers… Il a été un bourgmestre très puissant, peut-être le plus puissant du pays, et a bénéficié d’un très long mandat, on ne peut donc pas accepter qu’il se disculpe aussi facilement de ses responsabilités. Son attitude jette un discrédit et crée une forme de rejet entre le citoyen et la politique, ce qui déplorable.
Un passage très étonnant de son livre est la phrase suivante?: « ?La seule chose dont je suis certain, c’est que, placé au coeur de la société molenbeekoise, j’aurais été informé du séisme qui se préparait.? ». Ce passage accrédite tout simplement la thèse de son meilleur ennemi, le ministre de l’Intérieur Jan Jambon, qui déclarait à propos d’Abdeslam?: « ?Je pense qu’il doit y avoir, dans la communauté musulmane dans et autour de Bruxelles, un certain soutien?; pouvoir rester caché si longtemps, ce n’est pas possible si l’on est tout à fait isolé? ». Croire qu’il aurait pu être au courant en étant une sorte de parrain de la cité est assez grave car cela soutient le fait qu’une omerta au sein d’une certaine partie de Molenbeek est possible. Cependant, cela ne résiste pas à la moindre critique historique, car il n’a pas pu empêcher l’ensemble des attentats perpétrés avec le soutien de personnes issues de Molenbeek lorsqu’il était encore aux affaires.
Depuis sa mise à la retraite forcée suite aux alliances post-élections communales, on ne peut pas dire qu’il ait reçu beaucoup de soutiens de ses anciens camarades du parti socialiste. En jouant si souvent le bon client des médias, il n’aide absolument pas son parti qui essaye tant bien que mal de faire oublier l’image d’un parti ayant joué la carte communautariste. La journaliste d’investigation d’origine marocaine, Hind Fraihi, avait, il y a 10 ans déjà, révélé l’envers du décor de la politique menée. Elle affirme notamment dans son enquête : « Le PS est connu pour sa politique laxiste envers les fondamentalistes musulmans« . Chacune des apparitions de Monsieur Moureaux est l’occasion d’un nouveau reportage sur Molenbeek et accrédite ce sentiment. Même pour son parti, il aurait été bon qu’il reconnaisse les limites de sa gestion. Il aurait également été judicieux que les socialistes fassent une sorte d’inventaire des années Moureaux et en tirent les conséquences.
Les interventions de Moureaux sont loin d’être bénéfiques pour son ancienne commune, qui se passerait volontiers de toute cette publicité
Enfin, les interventions de Monsieur Moureaux sont loin d’être bénéfiques pour son ancienne commune, qui se passerait volontiers de toute cette publicité. Pour faire sortir Molenbeek de sa situation actuelle, il faut changer radicalement de politique menée et repartir sur de nouvelles bases. Il faudrait donner une nouvelle image à cette commune et la tenir loin de ce qui a été fait dans le passé. Il est nécessaire de casser l’idée réductrice selon laquelle les immigrés sont là pour rester dans une case prédéfinie dont ils ne pourraient sortir et exercer seulement les métiers que les Belges ne veulent plus faire. Magnifique comme perspective s’il en est… Tous les rêves doivent être possibles pour tous. Il faut saluer les initiatives comme les créations de start-up dans le quartier, montrer de vrais modèles d’intégration comme des médecins, des avocats, des journalistes qui réussissent. Essayer d’acheter une paix sociale ne fonctionne pas, on l’a vu. Tout cela ne peut se faire qu’en instaurant les conditions favorables à l’intégration à savoir : des quartiers sûrs, des écoles performantes, un retour des classes moyennes sur lesquelles s’appuyer… Monsieur Moureaux aurait pu sortir par le haut en disant : « Je me suis trompé, il faut revenir en arrière sur un certain nombre de choses ». Cela n’a pas été fait et c’est dommage, pas tant pour lui que pour sa commune.
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