Mons : comment les habitants vont gérer la ville
Dans son programme de législature, la majorité PS-Ecolo fait le pari de l’intelligence collective. Elle mise sur des outils de démocratie participative et compte développer des processus innovants.
Dans une présentation de la Ville à ses nouveaux habitants, Mons s’affiche comme » exemplaire et pionnière en matière de transparence : diffusion en live du conseil communal, publicité des ordres du jour, des annexes, des projets de décision… » Les nouveaux édiles montois l’ont affirmé : ils entendent désormais associer les habitants aux décisions communales. Et pour enrichir ces dernières, ils veulent renforcer les commissions consultatives chargées de distiller avis et recommandations. Sans oublier que, conformément au Code de la démocratie locale et de la décentralisation (CLDD) et suivant certaines règles, tout habitant majeur a le droit d’interpeller directement le collège en séance publique du Conseil communal.
Les nouveaux édiles montois entendent désormais associer les habitants aux décisions communales.
Echevine Ecolo de la propreté, la mobilité et… la participation citoyenne, Charlotte De Jaer croit beaucoup à la démocratie représentative : » Elle a sa place et permet de dépasser les conflits inhérents au vivre ensemble. Mais on doit se montrer innovant. La création de commissions de citoyens tirés au sort est un des grands projets de la mandature et nous souhaitons qu’elle soit effective dès 2020. L’objectif premier est de donner aux Montois l’occasion de participer de manière très concrète et plus directe aux décisions sur des enjeux majeurs de notre ville. Ça permettra aussi de rendre plus compréhensibles les processus politiques, de renforcer l’adhésion aux choix et de restaurer la confiance entre citoyens et élus. » Mais » les processus de démocratie participative prennent du temps. On a trop souvent foncé, à Mons. Ce qui est une erreur. Il n’y a rien de pire que d’inciter les gens à participer et de ne rien faire de ce qui émerge de leur participation. Pour 2020, le collège communal veut introduire les budgets participatifs par quartier. »
Les experts et les oubliés
Consciente que ce sont souvent les mêmes qui prennent part aux processus de participation citoyenne (enquêtes publiques, séances d’information…), l’échevine évoque un partenariat que la Ville vient d’établir avec l’UCL Mons pour produire une analyse des mécanismes de participation citoyenne mis en oeuvre dans la cité du Doudou. Sandrine Roginsky, professeure à la Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication, accompagne la recherche doctorale que Léa Amand consacre aux déséquilibres que les processus participatifs entraînent entre les » experts » et les » oubliés » de la participation.
Désormais inactive, la plateforme numérique Demain Mons, mise en ligne pour consulter la population en vue de construire un projet de ville » Mons 2025 « , servira de cas d’étude. Les citoyens étaient invités à y déposer leurs idées et à voter pour celles des autres. Mi-septembre 2017, près de 800 propositions avaient été réunies. » Cette recherche s’inscrit dans la continuité des travaux menés par Jean-Alexandre Pouleur, professeur d’architecture à l’Umons. L’UCL n’a pas encore analysé la plateforme et l’idée n’est pas de refaire ce qui a déjà été fait « , précise Sandrine Roginsky. » L’UMons s’était intéressée au dispositif participatif en matière d’urbanisme. L’UCL Mons travaillera sur la thématique de qui participe et qui ne participe pas et comment surmonter les obstacles à la participation. » Entre mai 2020 et août 2021, l’analyse des données issues de la plateforme tentera de comprendre comment les publics sont envisagés, quelle place leur est offerte et comment ils l’occupent. » Léa Amand fera le point sur ce qui a marché et sur ce qui n’a pas fonctionné, en matière de production d’idées et de cohésion sociale. »
La phase expérimentale du projet de recherche se déroulera ensuite, jusqu’en août 2022. En concertation avec les acteurs de terrain, la chercheuse testera un dispositif participatif hybride, articulant » en ligne » et » hors ligne « . Les dispositifs hors ligne identifiés sont le droit d’initiative citoyenne, le budget participatif, les commissions consultatives thématiques, les commissions de citoyens tirées au sort, mais aussi les comités de quartier. L’idée est d’aller à la rencontre des habitants là où ils se trouvent, dans les quartiers, les centres sportifs…
Le rythme d’une participation citoyenne réussie est-il celui d’une thèse doctorale ? L’avenir le dira. Quand Léa Amand se mettra à l’écriture de sa thèse, en septembre 2022, l’actuelle majorité aura encore deux ans pour consolider les processus innovants de participation citoyenne dont elle a l’ambition.
Le décret voté en février dernier en Communauté germanophone reste le principal modèle de la majorité PS-Ecolo montoise. Des citoyens tirés au sort participent aux décisions politiques de façon permanente et s’inscrivent donc dans un processus de démocratie délibérative. Afin de s’assurer de la représentativité du groupe, ils sont préalablement sélectionnés sur la base de certains critères comme l’âge, le sexe, la provenance géographique et la situation socio-économique. Le tirage au sort permet de donner la parole à des citoyens qui ne se seraient sans doute jamais exprimés sur ces questions.
Le principe ? Des citoyens se saisissent de thèmes proposés par les citoyens eux-mêmes et émettent des recommandations sur des sujets de première importance pour la ville : les grands projets, les principales dépenses budgétaires… Ces recommandations seront ensuite présentées et débattues avec le conseil communal pour décider si et de quelle manière elles seront mises en oeuvre. A l’issue des débats, une sorte d’accord ou de convention entre les citoyens et les mandataires reprendra les recommandations et leur mise en oeuvre.
Pour la constitution des commissions de citoyens tirés au sort, Mons travaille avec le G1000, une initiative de la Fondation pour les générations futures, dont les experts tentent de transposer le modèle germanophone à la ville de Mons. » C’est un processus lent qui nécessite de mettre les gens à l’aise, autant au sein de l’administration que du côté des citoyens, pour éviter de faire plus de mal que de bien « , note Yves Dejaeghere, responsable de projet G1000. De son côté, l’échevine montoise de la participation citoyenne, Charlotte De Jaer, rappelle que, d’après la Fondation pour les générations futures, » la difficulté du tirage au sort est que les gens sélectionnés répondent positivement. Il faut tirer cent personnes pour en avoir dix. »
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