Michel Delwiche
Ministre-bourgmestre, le cumul qui fait tache
Ministre et bourgmestre, c’est trop pour un seul homme. Chacune des fonctions demande à elle-seule un temps plein. C’est pourquoi la loi interdit le cumul, de façon également à limiter la possibilité de conflits d’intérêts. Mais en Wallonie, la loi est contournée par ceux-là mêmes qui devraient en être les garants.
Lors de son discours aux dernières fêtes de Wallonie, le nouveau ministre-président Paul Magnette (PS) a salué, parmi les personnalités présentes, le bourgmestre de Namur Maxime Prevot (CDH). Il n’a pas utilisé les termes de « bourgmestre empêché ».
Maxime Prévot est devenu ministre wallon, et même l’un des poids lourds du nouveau gouvernement. Une fonction qui est incompatible avec l’exercice d’un mandat exécutif local. Il devait donc se déclarer « bourgmestre empêché », et nommer un « bourgmestre faisant fonction ». Il ne l’a pas fait, et, se basant sur l’exemple donné par d’autres avant lui, s’est déclaré « bourgmestre en titre », et s’est contenté de nommer un échevin délégué à l’exercice des fonctions maïorales (à savoir, en gros, la signature de certains documents administratifs). En l’occurrence une échevine, Anne Barzin, d’un autre parti, le MR, et qui, paradoxe cruel, avait elle-même dû, la mort dans l’âme, renoncer à son mandat de députée wallonne pour pouvoir conserver son mandat d’échevine. Mais ça, c’est une autre histoire.
Bourgmestre en titre ?
L’exemple suivi par Prévot, c’est celui de Rudy Demotte (PS) qui, après les élections communales de 2012, a déclaré qu’il devenait le bourgmestre en titre de Tournai tout en restant ministre-président wallon et communautaire. Il a nommé Paul-Olivier Delannois échevin délégué à la signature, s’est installé à l’hôtel de ville, a constitué un cabinet pour gérer les affaires de la commune, dirige les réunions du Collège et préside le conseil communal. Il avait été précédé dans ce tour de passe-passe par Paul Furlan (PS), bourgmestre de Thuin et ministre wallon. Celui-là même qui a porté la révision du Code de la Démocratie locale…
Pareil depuis la nomination des nouveaux gouvernements des entités fédérées pour Paul Magnette himself, ministre-président wallon et bourgmestre « en titre » de Charleroi, pour Isabelle Simonis (PS), ministre communautaire et bourgmestre « en titre » de Flémalle, pour Carlo Di Antonio (CDH), ministre wallon et bourgmestre « en titre » de Dour. L’appellation « bourgmestre en titre » n’a pourtant aucune valeur légale, ne figure dans aucun texte législatif.
Le cumul ministre-bourgmestre n’a rien d’illégal, mais l’entourloupe jette le discrédit sur les pratiques du monde politique tout entier
Rien d’illégal toutefois dans cette pratique, mais tout de même une sérieuse entorse à l’esprit de la législation interdisant le cumul ministre-bourgmestre. Mais l’entourloupe jette le discrédit sur les pratiques du monde politique tout entier. On ne posera pas ici la question de la faisabilité de gérer à la fois un portefeuille ministériel et les affaires d’une commune, une petite ville comme Thuin ou trois des plus grandes villes de Wallonie. On retiendra tout de même que Paul Magnette avait clamé avant les communales qu’il s’engagerait à 100% pour Charleroi, et que Maxime Prévot avait déclaré qu’il refuserait un poste ministériel afin de se consacrer à la capitale wallonne. Tout comme il avait annoncé qu’il renoncerait à son poste de chef du groupe CDH au Parlement wallon, avant de céder à la pression de son président de parti, ainsi qu’il avait justifié son revirement.
Les surhommes
Tous expliquent la main sur le coeur qu’il est nécessaire, quand on exerce de hautes fonctions, de garder le contact avec la base. C’est vrai, et rien n’interdit d’ailleurs à un ministre de rester conseiller communal. Ils ajoutent également qu’un poste ministériel, c’est le meilleur moyen pour faire avancer les dossiers de sa commune. C’est vrai aussi, hélas, et c’est scandaleux : c’est la démonstration par excellence qu’il y a bien un conflit d’intérêts, et que la législation anti-cumul est tout à fait pertinente.
Plus en tout cas que celle qui interdit à Philippe Mettens (PS) d’exercer le mandat de bourgmestre de la petite commune hennuyère de Flobecq (3.480 habitants) parce qu’il est aussi le fonctionnaire qui dirige les services de la politique scientifique fédérale. Le précédent gouvernement wallon s’était empressé de le révoquer, une sanction cassée depuis par le Conseil d’Etat car disproportionnée. Pourquoi Philippe Mettens ne pourrait-il pas être « bourgmestre en titre »?
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