Mettre hors-la-loi la pub pour les produits vraiment polluants ? «L’auto-régulation ne fonctionne pas»
Carine Thibaut, conseillère politique et porte-parole chez Greenpeace Belgique, ne voit pas d’autre issue que l’interdiction pure et simple de toute promotion des énergies fossiles, y compris la pub en faveur des transports aérien, routier (sauf publics) et par voie d’eau. « Les industries fossiles sont les industries du tabac d’aujourd’hui ».
Prohiber la publicité en faveur du charbon, du pétrole et du gaz: bien, mais pourrait nettement mieux faire?
Certainement. Les propositions de loi et de résolution déposées à la Chambre par Ecolo-Groen ont le mérite de poser, pour la première fois en Belgique, la question d’une interdiction de la publicité liée à des questions environnementales et non plus à des enjeux de santé publique comme cela a été le cas avec l’interdiction de la publicité pour le tabac. Dans les faits, le paysage publicitaire vu par les francophones en sera peu modifié, à l’exception du gaz. Il faut prendre cette initiative parlementaire pour ce qu’elle est: un premier pas, certes insuffisant, vers un débat parlementaire sur l’impact de la publicité sur les émissions de gaz à effet de serre. Les industries fossiles sont les industries du tabac d’aujourd’hui. L’effet symbolique d’une interdiction serait fort.
Les industries fossiles sont les industries du tabac d’aujourd’hui.
La pub pour les produits dérivés des énergies fossiles comme les plastiques resterait autorisée: où est la logique de ne pas aller jusqu’au bout de la logique?
Nous sommes sur ce point sur la même longueur d’onde que l’option retenue par Ecolo-Groen. S’attaquer frontalement à la publicité en faveur des produits dérivés des énergies fossiles n’est pas un bon angle et nous nous situons là dans un créneau qui fait déjà l’objet de réglementations européennes de plus en plus strictes.
Mais en ne frappant pas la publicité pour les compagnies aériennes, les véhicules à moteur thermique et autres produits par essence nocifs pour le climat, ne brouille-t-on pas le message puisqu’on continue à autoriser des incitations à des comportements polluants?
Il est clair que, selon nous, il faut cibler la publicité des plus gros pollueurs de la planète qui exploitent les énergies fossiles en continuant de coloniser notre espace mental ainsi que les entreprises impliquées dans les transports aérien, routier et par voie d’eau alimentés par des énergies fossiles, à l’exception des transports publics.
Le sponsoring ou parrainage des événements culturels et sportifs par les marques du secteur des énergies fossiles serait également épargné par l’interdiction, à l’inverse de la législation adoptée sur le tabac. Au final, la démarche ne revient-elle pas à se donner bonne conscience?
Là aussi, la proposition de loi est trop faible au regard de l’enjeu qui doit être de lutter contre la normalité dans laquelle s’installent les campagnes de greenwashing, ce marketing qui met en avant des «activités vertes» faisant faussement croire que les entreprises ont pris le grand tournant de la transition écologique et induit dès lors le consommateur en erreur. L’industrie des énergies fossiles maîtrise depuis longtemps les ficelles du marketing et de la publicité dont on ne peut sous-estimer l’impact sur notre quotidien et sur la crise climatique. Une agence de communication anglaise a démontré qu’une simple campagne publicitaire d’Audi avait entraîné la vente de 132 700 voitures. Soit une augmentation globale des gaz à effet de serre de plus de cinq millions de tonnes d’équivalent CO2, pour une seule campagne de pub!
Ne vaut-il pas mieux chercher à réguler ou à encadrer ce type de publicité et de marketing plutôt que de vouloir les interdire purement et simplement?
L’autorégulation ne fonctionne pas ou de manière trop limitée. L’organisme chargé de réguler la publicité, le Jury d’éthique publicitaire (JEP), est financé par le secteur de la publicité et la moitié de ses membres en sont issus. Son action ne débute que lorsque la publicité contestée a déjà été diffusée, il faut déposer une plainte pour obtenir un éventuel retrait. Autant dire que le mal a déjà été fait.
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